Coup
dur pour les partisans du droit au foulard islamique. La Cour
européenne des droits de l'homme (CEDH) a débouté
jeudi en appel l'étudiante turque Leyla Sahin qui se
plaignait d'avoir dû interrompre ses études de
médecine à la suite d'une circulaire du rectorat
d'Istanbul de 1998 interdisant l'admission en cours d'étudiantes
portant le foulard. Par cet arrêt la Cour confirme donc
en appel sa décision de juin 2004 et a de nouveau conclu
à la non-violation par la Turquie de l'article 9 de la
Convention européenne des droits de l'homme, portant
sur la liberté de pensée, de conscience et de
religion. Dans son arrêt la Grande Chambre de la CEDH
estime ainsi que l'interdiction du foulard dans les universités
turques peut être considérée comme «nécessaire
à la protection du système démocratique».
«A
l'instar des juges constitutionnels turcs, la Cour estime que
lorsqu'on aborde la question du foulard islamique dans le contexte
turc, on ne saurait faire abstraction de l'impact que peut avoir
le port de ce symbole, présenté ou perçu
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comme
une obligation religieuse contraignante sur ceux qui ne l'arborent
pas», affirment les juges soulignant en outre que «ce
symbole religieux avait acquis au cours des dernières
années en Turquie une portée politique».
La Cour rappelle aussi le fait que «le principe de laïcité
est la considération primordiale ayant motivé
l'interdiction du port d'insigne religieux dans les universités»
et que «les valeurs de pluralisme, de respect des droits
d'autrui et en particulier de l'égalité entre
hommes et femmes sont enseignées et pratiquées».
Au vu de ces considérations, les magistrats affirment
«pouvoir comprendre que les autorités compétentes
considèrent comme contraire à ses valeurs d'accepter
le port d'insignes religieux y compris que les étudiantes
se couvrent la tête d'un foulard islamiste dans les locaux
universitaires». La Cour a également conclu à
la non-violation du droit à l'instruction (article 2
du protocole n°1 de la Convention européenne des
droits de l'homme) invoqué par Leyla Sahin, en soulignant
que l'interdiction du foulard à l'université n'avait
«pas porté atteinte à la substance même
du droit à l'instruction de la requérante».
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Cet
arrêt avec son argumentaire très rigoureux reprenant
pour l'essentiel celui de juin 2004 fera de fait jurisprudence.
Déjà une première fois au début
des années 80 des étudiantes turques avaient été
déboutées. A Ankara, le gouvernement de l'AKP
(Parti de la justice et du développement) issu du mouvement
islamiste n'a pas caché son embarras. Il espérait
en effet pouvoir s'appuyer sur une décision de la Cour
de Strasbourg pour imposer au camp laïc un assouplissement
de la légistlation interdisant le port du foulard à
l'école et à l'université. «La Turquie
ne peut aller nulle part avec des interdictions de ce genre»,
a affirmé le chef de la diplomatie turque Abdullah Gül,
estimant que «personne ne doit se vanter de défendre
les interdictions». La plupart des épouses des
ministres de l'AKP, dont celui du Premier ministre Recep Tayyip
Erdogan, sont voilées. Le port du voile islamique est
strictement interdit dans la fonction publique et les universités
en Turquie, pays musulman au régime laïque, et est
perçu par les milieux pro-laïques, dont l'armée,
comme un signe ostensible de soutien à l'islam politique.
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