AGRESSIONS
MUSULMANES CONTRE LES CHRETIENS:
Le Vatican durcit le ton vis-à-vis de l'islam
Le Vatican
durcit le ton vis-à-vis de l'islam
LE MONDE | 24.02.06 | 15h09 • Mis à jour le 24.02.06 |
15h17
On a un
peu trop vite crié à l'alliance des religions offensées
dans l'affaire des caricatures de Mahomet. Un changement de discours
se fait entendre dans les Eglises, notamment au Vatican, dans le sens
d'une plus grande fermeté à l'égard de l'islam.
Les manifestations musulmanes ont été jugées excessives.
Le meurtre de deux prêtres en Turquie et au Nigeria a suscité
beaucoup d'indignation. Les attaques répétées contre
des églises (en Turquie et aux Philippines) et le tour dramatique
qu'ont pris, au Nigeria, les émeutes entre chrétiens et
musulmans (80 morts), ont fait monter la tension.
Une conception,
longtemps jugée naïve, d'un "dialogue" à
égalité entre chrétiens et musulmans est en train
de faire son temps. Depuis le début de la crise, nombre de responsables
chrétiens ne craignent plus de rappeler que la liberté
de religion n'existe pas dans les pays musulmans, que le droit de conversion
y est interdit, que les chrétiens arabes y sont souvent mal traités.
Ils exigent, sur un ton de plus en plus impatient, la "réciprocité"
du droit au respect des croyances.
Le pape
lui-même a récemment repris ce thème de la réciprocité.
En recevant, lundi 20 février, Ali Achour, nouvel ambassadeur
du Maroc près le Saint-Siège, il a affirmé que
"l'intolérance et la violence ne peuvent jamais se justifier
comme des réponses aux offenses" et que la seule bonne réponse
est le "respect des convictions et des pratiques religieuses d'autrui,
afin que, de manière réciproque, soit assuré pour
chacun l'exercice de la religion librement choisie". Dans le même
sens, son secrétaire d'Etat, le cardinal Angelo Sodano a déclaré
: "Si nous disons aux nôtres (les chrétiens) qu'il
n'y a pas de liberté d'offenser, nous devons dire aux autres
qu'il n'y a pas de liberté de nous détruire."
"NEUTRALITÉ MYOPE"
Même
ton indigné chez Mgr Rino Fisichella, recteur de l'Université
pontificale du Latran. Dans le Corriere della Sera du 20 février,
il a dénoncé la "neutralité myope" de
l'Occident devant les violences des derniers jours. "De même
qu'en Europe, nous protégeons les minorités musulmanes,
a-t-il déclaré, de même les pays à majorité
musulmane ont le devoir de protéger les minorités chrétiennes."
Dans La Stampa du 22 février, c'est un autre proche du pape,
Mgr Velasio de Paolis, secrétaire du Tribunal de la signature
apostolique, qui a reproché à l'Occident ses peurs face
à l'islam : "Si respecter l'autre signifie renoncer à
être soi-même, cela n'a plus de sens de dialoguer. Le problème
est que l'islam est fermé au point de ne pas admettre la réciprocité.
En terre d'islam, dès que l'Eglise se présente dans son
authenticité, elle est accusée de prosélytisme."
Joignant
le geste à ces paroles, le pape a muté, jeudi 16 février,
un responsable de la Curie, vieux routier du dialogue avec l'islam.
Mgr Michaël Fitzgerald, un Britannique de 69 ans, père blanc
arabophone, président du Conseil pontifical pour les relations
avec les religions non chrétiennes, a été nommé
nonce en Egypte et délégué auprès de la
Ligue arabe. Depuis l'élection de Benoît XVI, c'est le
premier remaniement d'importance à la Curie. La nouvelle mission
de Mgr Fitzgerald est présentée comme une volonté
de renforcer les relations du Vatican avec les pays arabes modérés,
mais son désaccord avec l'équipe du cardinal Ratzinger,
devenu Benoît XVI, était notoire.
Cette mise
à l'écart montre le souhait du nouveau pape de chercher
une approche moins décevante du dialogue avec l'islam. Benoît
XVI a maintes fois répété qu'il resterait fidèle
aux inspirations du concile Vatican II en faveur du dialogue interreligieux.
Mais pas à n'importe quelle condition. Les mesures qu'il a prises
contre les franciscains d'Assise, jugés trop laxistes dans leurs
rencontres avec les autres religions, montre qu'un certain "esprit
d'Assise" - expression née sous Jean Paul II et marquant
un dialogue à égalité entre les religions - est
bien mort.
Henri Tincq
Article paru dans l'édition du 25.02.06