Présidentielle
L'élection dans le miroir aux
sondages
Le yo-yo des enquêtes d'opinion sur les intentions de vote
au premier tour accroît la suspicion depuis le 21 avril 2002.
Par Jean-Dominique MERCHET, Paul QUINIO
QUOTIDIEN
: mardi 27 février 2007
Encore plus que les précédentes, la campagne présidentielle
2007 vit-elle au rythme des sondages ? Des sondages qui plus est
contradictoires, qui jouent d'une semaine sur l'autre au saut à
l'élastique, avivent les nerfs des candidats, agitent le
microcosme politico-médiatique mais laissent sceptiques des
Français qui gardent en souvenir l'élection de 2002.
Avec son troisième homme, nommé Jean-Pierre Chevènement
en début de campagne mais qui a fini bien bas le 21 avril.
Et évidemment avec cette mauvaise surprise Le Pen que personne
n'avait vu venir.
Bref,
l'heure du procès des instituts de sondage, en ce mois de
février traditionnellement jugé décisif pour
la cristallisation des votes, a-t-elle une nouvelle fois sonné
? La dernière critique en date étant que les sondés,
plus malins qu'il n'y paraît, se jouent des instituts dans
une ultime manifestation de la crise des élites et du déficit
démocratique que traverse le pays. Autrement dit, l'absence
de confiance dans le politique frapperait aussi les instituts de
sondage en cette campagne fortement marquée par un climat
populiste qui déborde des seules classes populaires. Comme
si les sondés s'emparaient des sondages pour dire, aux sondeurs,
aux candidats, aux médias, que ce sont eux qui commandent.
Stéphane Rozès, directeur de CSA, reconnaît
que «la société va plus vite que les politiques
et que les journalistes». Et qu'à «travers les
sondages, le pays instrumentalise les politiques et les médias.
Et ceux-ci se reposent sur la magie du chiffre face au désarroi
qu'ils ressentent».
Selon Jérôme Sainte-Marie, directeur de BVA Opinion,
«les sondages n'ont jamais tenu une aussi grande place dans
une campagne. Les deux principaux candidats se sont d'ailleurs construits
avec les sondages. Et, globalement, les politiques surréagissent
aux chiffres de sondages, même si leurs conseillers sont capables
d'en faire une lecture plus stratégique».
Brice Teinturier, de la Sofres, rigole, lui, à l'idée
que «les Français essayeraient de manipuler les sondeurs.
C'est un fantasme sur l'hyperrationalité du corps électoral».
Ils ont, selon lui, au contraire parfaitement intégré
que «les sondages sont des outils de compréhension
de l'opinion, pas des prévisions de résultats».
C'est effectivement la première question qui se pose.
Une photographie de l'opinion ou une
prévision ?
François Miquet-Marty, de LH2 (partenaire de Libération,
ndlr), abonde : «Tout le monde a compris la différence
entre une photographie à un moment donné de l'opinion
et une prévision du résultat final, mais personne
n'a envie de lire nos enquêtes d'opinions comme il faut.»
Pierre Giacometti partage l'avis de Brice Teinturier. «Le
public a paradoxalement beaucoup plus de distance vis-à-vis
des sondages que les acteurs politiques et les observateurs. Mais
je n'aime pas le terme de photographie, je préfère
l'image du film, car une bonne enquête d'opinion, c'est une
observation des tendances.»
Stéphane Rozès précise aussi que «les
intentions de vote n'indiquent rien quant à l'avenir».
Le directeur du département Opinion publique de l'Ifop, Frédéric
Dabi, explique très simplement que «les sondages ne
sont en rien prédictifs. C'est une erreur de projeter les
tendances actuelles, car l'offre électorale du premier tout
n'est pas figée. On ne sait même pas si Besancenot,
Villiers et même Le Pen seront finalement candidats».
Et de rappeler qu' «en mars 2002, on mesurait encore les intentions
de vote pour Charles Pasqua». Résultat, pour Frédéric
Dabi, il serait fou de prendre les sondages actuels pour argent
comptant, car «rien n'est joué. La cristallisation
de l'opinion sur les candidats n'étant pas définitive.
Environ une personne sur deux reste indécise dans son choix.
On ne doit donc pas être surpris des évolutions brusques».
Comment s'expliquent les brusques
variations des sondages ?
C'est la deuxième question du moment : comment interpréter
les écarts importants enregistrés ces derniers jours,
notamment Ségolène Royal, quasiment enterrée
il y a huit jours à 45 % selon certains instituts, ressuscitée
par d'autres depuis ce week-end grâce à ses 49,5 %.
Pour Jérôme Sainte-Marie, directeur de BVA Opinion,
«les résultats sont volatils parce que Nicolas Sarkozy
et Ségolène Royal attirent, fascinent mais ils suscitent
de la perplexité et de l'inquiétude. Selon que l'on
met en exergue les inconvénients de l'un ou de l'autre des
deux candidats, les résultats bougent rapidement. En 2002
au contraire, Lionel Jospin et Jacques Chirac n'attiraient guère,
mais n'effrayaient pas puisqu'ils étaient déjà
au pouvoir». Tous les sondeurs rappellent surtout que «leurs
marges d'erreur oscillent entre 2 et 3 points...». Ce qui,
à l'arrivée, minimise les grands mouvements de balancier.
François Bayrou est-il surévalué ?
Réponse un brin provocatrice de Pierre Giacometti : «Il
est au niveau où on le mesure aujourd'hui.» Manière
de dire qu'à un certain moment, il y a des tendances qui
sont révélatrices des positions des uns et des autres.
La question agace aussi Brice Teinturier. «Surévalué
par rapport à quoi ? ! ça n'a pas de sens. Il y a
aujourd'hui une évolution, une dynamique. Il ne serait pas
pour autant rigoureux de faire des projections, à partir
des niveaux actuels, sur son score final.» D'autant que, selon
Jérôme Sainte-Marie, directeur de BVA Opinion, «le
taux de certitude du choix en faveur de Bayrou est relativement
faible». Ce qui n'est pas le cas pour Jean-Marie Le Pen
Jean-Marie Le Pen est-il sous-évalué
?
C'est la question qui rappelle de mauvais souvenirs aux sondeurs.
Même si, comme le dit Pierre Giacometti, la surprise de 2002
n'était pas le score de Le Pen, mais plutôt celui de
Jospin. Pour le responsable d'Ipsos, il n'y a d'ailleurs pas de
problème Le Pen pour les sondeurs : «Il est plus facile
d'évaluer sa dynamique que celle de Ségolène
Royal ou Nicolas Sarkozy.»
Pourquoi alors cette question récurrente sur Le Pen ? «Parce
qu'on sait que le vote Le Pen est très sous-déclaré»,
explique François Miquet-Marty. Qui précise : «On
s'assure que son poids dans nos enquêtes est conforme à
ses résultats lors des élections antérieures.»
Pour l'Ifop, «Le Pen reste le candidat le plus difficile à
estimer, car, pour les sondés, il est le moins dicible de
tous les candidats. On connaissait déjà ce phénomène,
mais à une moindre ampleur avec le Parti communiste».
Selon un spécialiste, les sondeurs se blinderont dans la
dernière ligne droite de la campagne et donneront le patron
du FN très stable depuis la présidentielle de 1988,
entre 15 et 19 %.
Quelle est la nature des rapports
entre sondeurs et politiques ?
«Nous
faisons deux types de sondages. Ceux qui sont publiés dans
la presse sont quantitatifs. A l'usage des différents candidats,
nous réalisons des enquêtes beaucoup plus qualitatives.
Mais nous ne les rendons pas publics», explique Frédéric
Dabi, directeur du département Opinion publique de l'Ifop.
De quoi évoquer les liens incestueux entre sondeurs et politiques
? Pour Miquet-Marty, la question «frise le procès d'intention».
Si
personne ne nie les rapports commerciaux entre sondeurs et politiques,
si tout le monde sait, par exemple, qu'Ipsos compte comme très
gros client l'UMP et le candidat Sarkozy ou que le PS travaille
avec la Sofres, «il serait très imprudent pour un institut
de tenir compte de ses contrats», insiste le directeur de
LH2. «Car si c'était le cas, les instituts prendraient
le risque de fermer très rapidement boutique.» Tout
simplement parce qu'ils font du business avec bon nombre d'autres
clients, et que les sondages politiques sont les vitrines de leur
crédibilité.
Ipsos Pierre Giacometti
«L'élection
polarisée sur 4 candidats»
Par Paul QUINIO
QUOTIDIEN : mardi 27 février 2007
«Le phénomène le plus important, c'est le niveau
très élevé des deux principaux candidats par
rapport à ce qu'on a connu lors des précédentes
élections présidentielles. Ils sont ensemble autour
de 60 %, alors que Lionel Jospin et Jacques Chirac étaient
à 45 % en 2002. Si cette tendance ce maintenait, cela garantirait
leur présence au second tour. Les Français ont vraiment
légitimé Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy,
sans doute à cause du souvenir du 21 avril 2002, ensuite
parce qu'ils n'ont pas été imposés par le système
mais "fait" par l'opinion.
Autre
phénomène original : il n'y a pas un troisième
homme, mais deux challengers extrêmement compétitifs,
au point qu'ils peuvent brouiller les pistes et participer au second
tour. L'élection est en tout cas très polarisée
autour des quatre principaux candidats, même si on sait que
les "petits" profiteront de la campagne officielle à
partir du 22 mars.»
Présidentielle
Alain Garrigou, professeur de science politique à Paris-X-Nanterre,
relativise l'importance des sondages :
«Vivre dans l'illusion de la transparence
Par
Pascal VIROT
QUOTIDIEN : mardi 27 février 2007
Auteur de l'Ivresse des sondages (La Découverte, 2006), Alain
Garrigou est professeur de science politique à l'université
de Paris-X-Nanterre.
En
quoi les sondages politiques, comme vous l'écrivez, sont-ils
peu fidèles à la réalité ?
D'abord, ils peuvent traduire une réalité qui n'existe
pas, c'est-à-dire un artefact. Par exemple, demander à
une personne un ou deux ans avant une élection ce qu'elle
voterait si dimanche prochain il y avait un scrutin est irréel.
Sans parler de tous les sujets qui ne se posent pas... sans les
questions des sondages. C'est ce que j'appelle le régime
d'opinion où chacun est censé avoir une opinion sur
tout. Ensuite, cette technique de sociologie qu'est le sondage a
été industrialisée. Le QCM (questionnaire à
choix multiples) en est la méthode banale. Or les «cases
à cocher» opèrent comme une bande sonore passante
qui élimine les graves et les aigus, c'est-à-dire
la violence et la souffrance.
Les sondages font-ils la campagne ?
Oui, selon deux approches. D'abord, d'après le théorème
de Thomas, un philosophe américain, il suffit de tenir une
situation pour vraie pour que ses conséquences soient réelles.
Ainsi, les utilisateurs des sondages essaient de créer le
réel, en considérant qu'ils peuvent contribuer à
la victoire en l'annonçant. Comme n'importe quel candidat
l'aurait fait, Bayrou disait que les sondages étaient faux
quand il était bas et les juge crédibles depuis janvier,
puisqu'ils sont à la hausse. Ensuite, les médias audiovisuels
invitent plus volontiers les politiques les mieux placées
dans les sondages. Pour l'Audimat. Et ainsi, ces personnalités
montent-elles dans les sondages... Il faut noter un autre point
: seuls les candidats dépassant les 5 % des voix sont indemnisés
de leurs frais de campagne. En attendant les remboursements, ce
sont les banques qui accordent un crédit. Tous les petits
candidats courent donc après ces 5 % d'intentions de vote.
C'est inquiétant, car c'est la porte ouverte à la
corruption.
Les sondés jouent-ils avec les sondeurs ?
Oui, mais dans quelle proportion ? Probablement, les personnes interrogées
sont-elles sincères dans leur grande majorité. Mais
les sondages font vivre dans l'illusion de la transparence. On se
ment parfois à soi-même. Pour l'avenir des sondages
par l'Internet, cela est inquiétant si on considère
que 54 % des personnes qui y répondent admettent mentir...
selon un sondage.
Des instituts «roulent-ils» pour un ou des candidats
?
La réponse des sondeurs est non. Surtout pour ceux qui sont
conseillers politiques de candidats. Et comme ils le sont presque
tous... Ils disent avoir monté une cloison étanche
entre leurs deux activités. Faut-il les croire ?
Cette «sondomania» est-elle une exception française
?
Non. Aux Etats-Unis, c'est la même logique qui prévaut
avec un temps d'avance. Ainsi, les télés américaines
n'invitent-elles que les personnalités ayant des scores suffisants.
En revanche, la France fait exception avec la commission de contrôle
des sondages. Les sondeurs ont été ingrats avec elle
parce qu'elle veillait à l'interdiction de publier les sondages
une semaine avant chaque scrutin. Elle leur donnait en fait une
caution officielle. Après l'interdiction levée presque
totalement en 2002, ils ont le beurre et l'argent du beurre. Car,
dans les faits, la commission ne contrôle rien, si ce n'est
de manière techniciste. Il faudra bien qu'un jour, les instituts
publient les données brutes qu'ils recueillent. Imagine-t-on
une science qui cache ses procédures ? Et il faudra bien
qu'ils les donnent parce qu'il existe une suspicion de tricherie.
Il faudra donc revoir la loi de 1977, car si on sait qui réalise
l'étude et qui la publie, on ne sait pas qui la finance.
Il faudra bien évoluer sur ce thème.
BVA
Jérôme Sainte-Marie «La campagne est plus relative»
Par Paul QUINIO
QUOTIDIEN : mardi 27 février 2007
«Nous étions dans une campagne très polarisée
au premier tour entre les deux principaux candidats. Mais, désormais,
ils sont battus en brèche par Bayrou et la polarisation de
la campagne est devenue beaucoup plus relative. C'est un phénomène
à la fois très fragile et très perturbateur,
parce qu'il survient au centre et non à l'extrême droite
ou à l'extrême gauche. C'est en tout cas un phénomène
différent de Chevènement en 2002. D'abord, parce qu'il
n'est jamais monté aussi haut (14 % maximum) et qu'à
la même période, mi-février, il était
déjà en perte de vitesse. Les intentions de vote pour
Bayrou peuvent toutefois baisser très très vite. Ce
que nous notons, c'est que le taux de certitude du vote en sa faveur
est relativement faible, mais nous en tenons compte dans nos résultats.
Le candidat centriste est devant une alternative : guerre éclair
victorieuse ou défaite. En revanche, Jean-Marie Le Pen est
faible, vers 10-11 %, parce qu'une partie de ses anciens électeurs
préfère désormais Sarkozy.»
Narcissisme
Par Jean-Michel THENARD
QUOTIDIEN : mardi 27 février 2007
A chaque présidentielle, ses sondages avec leur lot de surprises
et de polémiques. 1995, à trop les prendre pour le
miroir de sa suffisance, Balladur s'imagine élu dès
janvier ; 2002, Jospin se croit au second tour avant d'avoir passé
le premier ; 2007, Sarkozy se voit triompher d'une Royal à
la ramasse dès février. Tous y ont cru, tous ont déchanté.
Comme les «troisièmes hommes» qui, de Chevènement
à Bayrou, ont toujours dû s'effacer devant Le Pen.
Il n'y a rien de plus dangereux que les sondages. Même les
candidats les plus avisés s'y laissent prendre. Autant, quand
ils sont mauvais, ils s'en méfient, autant, quand ils sont
bons, tous se laissent griser et oublient le B.A.BA : un sondage
n'est pas une prévision, mais une photographie de l'opinion.
Voilà pour le mode d'emploi officiel. L'officieux, on n'en
parle guère. Ou si peu. On ne dit pas que la photo a été
retouchée en labo les fameux redressements des données
brutes , que les sondeurs se font parfois conseilleurs et on
explique à peine les conditions de prise de vue. Ainsi, au
lendemain de Villepinte, le clan sarkozyste veut-il persuader que
le discours-programme de la candidate socialiste n'a pas eu l'effet
escompté puisque les sondages ne bougent pas. Et les médias
d'embrayer, alors que le moindre stagiaire en sondologie sait qu'en
la matière, il y a toujours un effet retard. La commission
des sondages est bien timide, qui se garde d'intervenir quand les
candidats manipulent ainsi données et médias. Les
enquêtes sont là pour déstabiliser le camp adverse.
Mais aussi, et de plus en plus, pour se prémunir contre ses
propres manques grâce aux études qualitatives que les
prétendants gardent pour eux. Plus on avance dans la démocratie
d'opinion et plus les sondages prennent ainsi de l'importance. Mais,
contre les idées reçues, ils influent moins sur l'électeur
qui taquine les élites, que sur les candidats. A trop se
sculpter en fonction du miroir que leur tend le peuple, beaucoup
risquent de finir victime de leur narcissisme.
Présidentielle
Les instituts de sondages nous donnent
leur analyse
Les portes paroles des principaux instituts de sondages font part
de leur analyse sur la campagne présidentielle.
Par Jean-Dominique MERCHET et Paul QUINIO
QUOTIDIEN : mardi 27 février 2007
Ifop Frédéric Dabi
«Bayrou, l'électorat
le plus volatil»
«C'est
une campagne un peu folle, avec un très haut niveau d'intérêt
dans l'opinion, mais beaucoup d'indécis, environ une personne
sur deux ! On peut néanmoins pointer trois faits majeurs.
D'abord une gauche très faible, en dessous de son étiage
de 2002, et même des résultats de la présidentielle
de 1969 ou des législatives de 1993. C'est une situation
pénalisante pour le PS, surtout que la gauche de la gauche
est elle aussi très faible. Ensuite, les deux principaux
candidats sont au coude à coude. Ségolène Royal
s'est recrédibilisée après son passage sur
TF1.
Enfin,
la surprise Bayrou, qui n'en finit pas de monter. Son électorat
est le plus volatil de tous et le principal défi du candidat
centriste est d'arrimer les électeurs. Même si son
électorat est majoritairement à droite, il est à
la fois le réceptacle des déçus de Royal et
de ceux que le positionnement trop à droite de Sarkozy inquiète.»
CSA
Stéphane Rozès
«Royal s'est en partie refaite»
«Après
une longue précampagne, nous sommes entrés dans la
vraie campagne du premier tour. Dans cette phase, chaque candidat
doit construire une cohérence entre sa personne, ses valeurs
que j'appelle sa dimension spirituelle et le contenu
de son programme. L'affaire ne se joue pas sur le fait de savoir
quelle lessive lave plus blanc... Puis, durant la campagne du second
tour, la question posée est : à qui va-t-on confier
les clés de la maison ?
Après avoir décroché, Ségolène
Royal s'est en partie refaite grâce à l'émission
à TF1, en rétablissant un lien direct avec le pays,
contrairement à ce qu'elle avait fait lors du discours de
Villepinte. Bayrou reste un phénomène en construction.
Il était très bas (5 %) lorsque l'opinion pensait
que les candidatures de Royal et de Sarkozy allaient faire «turbuler
la politique». Depuis lors, il remonte, jusqu'à 17
%. Je ne crois pas à l'idée du vote utile : une campagne
de premier tour est un moment où les électeurs remettent
les compteurs à zéro.»
BVA
Jérôme Sainte-Marie
«La campagne est plus relative»
«Nous
étions dans une campagne très polarisée au
premier tour entre les deux principaux candidats. Mais, désormais,
ils sont battus en brèche par Bayrou et la polarisation de
la campagne est devenue beaucoup plus relative. C'est un phénomène
à la fois très fragile et très perturbateur,
parce qu'il survient au centre et non à l'extrême droite
ou à l'extrême gauche. C'est en tout cas un phénomène
différent de Chevènement en 2002. D'abord, parce qu'il
n'est jamais monté aussi haut (14 % maximum) et qu'à
la même période, mi-février, il était
déjà en perte de vitesse.
Les intentions de vote pour Bayrou peuvent toutefois baisser très
très vite. Ce que nous notons, c'est que le taux de certitude
du vote en sa faveur est relativement faible, mais nous en tenons
compte dans nos résultats. Le candidat centriste est devant
une alternative : guerre éclair victorieuse ou défaite.
En revanche, Jean-Marie Le Pen est faible, vers 10-11 %, parce qu'une
partie de ses anciens électeurs préfère désormais
Sarkozy.»
LH2
François Miquet-Marty
«Un fort taux d'électeurs indécis»
«Entre
la forte progression de François Bayrou et l'affaiblissement,
puis le redressement, la semaine dernière, de Ségolène
Royal, c'est vrai que les variations sont importantes. Plus fortes
qu'en 2002. Je crois qu'elles s'expliquent par deux raisons principales.
D'abord, le fort taux d'électeurs indécis. Il est
beaucoup plus élevé qu'il y a cinq ans. Dans le cadre
de notre dernière enquête, sur une base de 100 personnes,
11 % ne se prononcent pas. Et sur les 89 % qui citent le nom d'un
candidat de leur choix, 56 % pensent pouvoir changer d'avis.
L'autre donnée décisive est le fort taux d'intérêt
des Français pour la campagne. Si vous confrontez ces deux
paramètres, vous avez des électeurs indécis
influencés par les émissions politiques. J'ajouterai
une troisième raison : l'extrafluidité des parcours
électeurs. Par exemple des électeurs d'extrême
gauche qui votent Royal, ou des électeurs de gauche en 2002
qui votent Bayrou, voire Sarkozy.»
TNS
Sofres Brice Teinturier
«Forte stabilité de Sarkozy et Le Pen»
«La
première remarque, c'est qu'il n'y a pas de mouvements d'opinions
colossaux. J'observe plutôt une forte stabilité de
Nicolas Sarkozy et de Jean-Marie Le Pen. Cette première observation
faite, il existe néanmoins des mouvements d'opinions autour
de Ségolène Royal et François Bayrou. La poussée
de ce dernier à partir de janvier se faisant au détriment
de la candidate socialiste, à un moment où elle était
dans sa phase d'écoute, a donné le sentiment de commettre
des gaffes et de perdre en crédibilité. Ensuite, on
ne sait pas si l'émission de TF1 a été le principal
booster pour stabiliser l'érosion de Ségolène
Royal, ou si elle a permis d'installer son discours de Villepinte.
Mais peu importe. Enfin, je suis convaincu qu'il n'y a pas encore
de cristallisation du vote. Les électeurs sont encore en
train de réfléchir, les effets de visibilités
médiatiques influent beaucoup sur les intentions de vote.
Et le mois de février n'est pas l'unique mois où tout
se jouerait.»
Ipsos
Pierre Giacometti
«L'élection polarisée sur 4 candidats»
«Le
phénomène le plus important, c'est le niveau très
élevé des deux principaux candidats par rapport à
ce qu'on a connu lors des précédentes élections
présidentielles. Ils sont ensemble autour de 60 %, alors
que Lionel Jospin et Jacques Chirac étaient à 45 %
en 2002. Si cette tendance ce maintenait, cela garantirait leur
présence au second tour. Les Français ont vraiment
légitimé Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy,
sans doute à cause du souvenir du 21 avril 2002, ensuite
parce qu'ils n'ont pas été imposés par le système
mais "fait" par l'opinion.
Autre phénomène original : il n'y a pas un troisième
homme, mais deux challengers extrêmement compétitifs,
au point qu'ils peuvent brouiller les pistes et participer au second
tour. L'élection est en tout cas très polarisée
autour des quatre principaux candidats, même si on sait que
les "petits" profiteront de la campagne officielle à
partir du 22 mars.»
Présidentielle
Comment réalise-t-on un sondage ?
QUOTIDIEN : mardi 27 février 2007
Les instituts utilisent la technique des «quotas». Il
s'agit d'interroger un échantillon de personnes qui ont les
mêmes caractéristiques que l'ensemble de la population.
Les critères utilisés pour ce faire sont généralement
le sexe, l'âge, la catégorie socioprofessionnelle,
le lieu d'habitat, etc. Ces échantillons dits «représentatifs»
comprennent en général un millier de personnes. Plus
cet échantillon est nombreux, plus il est fiable, mais plus
le sondage est cher. La méthode des quotas est plus rapide,
mais présente l'inconvénient de ne pas permettre de
calculer scientifiquement la marge d'erreur du sondage.
Les résultats bruts des sondages font l'objet de corrections,
de redressements en utilisant la clef de la «reconstitution
du vote» enregistré lors des scrutins précédents.
En général, les résultats bruts survalorisent
le vote pour la gauche modérée et minorent le poids
de l'extrême droite.
«Le coût d'une question fermée dans un sondage
réalisé auprès d'un millier de personnes représentatives
de la population française est d'environ 1 000 € hors
taxes», selon l'Ipsos.
En théorie, les personnes interrogées devraient être
choisies au hasard. C'est ce qu'on appelle la méthode aléatoire
: on tire au sort un certain nombre de personnes qui constitueront
l'échantillon à interroger. En France, cette méthode
n'est pratiquement pas appliquée.