Spéculation immobilière et atteinte à l'environnement
à Paris



A Paris, un groupe d'élus a sélectionné trois sites susceptibles d'accueillir des gratte-ciel
LE MONDE | 30.01.07 | 15h33 • Mis à jour le 30.01.07 | 15h33
orte de la Chapelle, porte de Bercy et porte d'Ivry : trois sites en bordure du périphérique parisien ont été retenus, lundi 29 janvier, par un groupe de réflexion piloté par la Mairie de Paris, pour accueillir des immeubles de grande hauteur. Certains ne dépasseraient pas 50 mètres, soit environ 18 étages. D'autres culmineraient à 200 mètres, comme la tour Montparnasse (59 étages).


Dans les deux cas, ces bâtiments s'affranchiront du plafond des 37 mètres de hauteur instauré par Valéry Giscard d'Estaing en 1976. Depuis 2003, le maire de la capitale, Bertrand Delanoë, réaffirme sa volonté d'autoriser un "geste architectural" sur le pourtour de Paris pour compenser la pénurie de foncier constructible et développer l'activité économique.

Mais l'élan du maire a été freiné en 2003 par un questionnaire de la Ville aux Parisiens montrant que 63 % d'entre eux - sur 120 000 réponses - y étaient opposés. Surtout, les élus Verts de la majorité ont toujours été hostiles aux tours, contrairement aux communistes. Dans le plan local d'urbanisme, adopté en juin 2006, la Ville a donc maintenu le plafond des 37 mètres. Tout en se ménageant la possibilité, dans le même document, de déroger à la règle au vu de "projets concrets".


"LÀ OÙ IL Y A DE LA VILLE À REFAIRE"


En septembre 2006, elle a constitué un groupe de travail, composé de conseillers de la majorité et de l'opposition, pour auditionner architectes, urbanistes, habitants de tours et élus étrangers. Piloté par Jean-Pierre Caffet, adjoint (PS) à l'urbanisme, le groupe a dégagé des critères de choix des sites. Construire à la verticale se justifie "là où il y a de la ville à refaire", soutient Pierre Mansat, adjoint (PCF), qui invoque "l'efficacité" des immeubles de grande hauteur pour aménager et financer des zones traversées par des infrastructures lourdes.

C'est le cas porte de la Chapelle (18e arrondissement). Enserré dans des échangeurs routiers et des entrelacs de voies ferrées, ce site avait fait l'objet, en 2003, d'un projet de deux tours, présenté par le cabinet d'architectes Dusapin et Leclercq. La Ville n'avait pas donné suite. Aujourd'hui, Paris retient ce site comme prioritaire. D'autant qu'en face, Saint-Denis a aussi des projets de tours de bureaux. Sur le trajet de l'aéroport de Roissy, un tel immeuble marquerait symboliquement l'entrée dans Paris. Porte d'Ivry, sur le secteur Masséna-Bruneseau, sur la ZAC Paris Rive-Gauche (13e), l'architecte Yves Lion avait proposé, en 2002, "un ensemble de gratte-ciel modérés", contesté, à l'époque, par les associations de riverains. Le groupe de travail de la Ville a, cette fois, retenu la possibilité de construire des immeubles de 50 mètres sur le site pour créer une continuité urbaine entre Paris et Ivry.

Porte de Bercy (12e), la Ville envisagerait de construire une tour de 200 mètres pour abriter un hôtel de luxe près de la gare de Lyon. Les élus Verts rejettent le choix des sites et mettent en garde contre la surconsommation d'énergie de ces immeubles. "Il n'y a aucune raison d'avoir la religion de la tour si c'est uniquement pour montrer qu'on a le plus gros phallus dressé vers le ciel", critique Yves Contassot, adjoint (Verts) chargé de l'environnement.

Le groupe de travail doit désigner, le 5 février, plusieurs équipes d'architectes et un bureau d'experts chargés d'évaluer le coût énergétique de chaque site. En mai, chaque équipe devra rendre un "projet concret" selon un "cahier des charges" arrêté par le groupe de travail. Les premiers coups de pioche sont prévus après les élections municipales de 2008.

Béatrice Jérôme
Article paru dans l'édition du 31.01.07.