Des habitants de Champs-sur-Marne se mobilisent pour la fermeture
d'une mosquée "rigoriste"
LE MONDE - 20.03.07 Stéphanie Le Bars
Le local,
aux volets roulants perpétuellement baissés, donne sur
une placette bordée d'immeubles bas. A peine en ont-ils franchi
le seuil que les portes se ferment sur les visiteurs. Téléphone
vissé à l'oreille, des hommes postés aux alentours
veillent à éviter tout attroupement. Les allées
et venues, ponctuées de "Salam aleikoum", passeraient
presque inaperçues ; mais la
tenue vestimentaire des passants fait lever le sourcil des habitants
de ce quartier résidentiel de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne).
Depuis
fin février, les kamis blancs (djellabas) des hommes aux barbes
fournies et les longs voiles, voire les burqas (qui couvrent visage
et corps), des femmes ont fait irruption dans cette zone piétonne
de la ville. Inquiets de ce voisinage, soucieux de voir préserver
le caractère "commercial et professionnel" de l'ancien
cabinet de géomètres, certains propriétaires
ont demandé à la municipalité de fermer l'endroit.
"Ils ont effectué de gros travaux et transformé
les bureaux en une mosquée clandestine qui déstabilise
notre écosystème", accuse Stéphane Beraza,
l'un des habitants dont l'appartement donne juste au-dessus du local
de 390 mètres carrés.
Le nouveau
propriétaire, l'association musulmane Amitiés Noisy-Champs,
affirme y avoir installé un "centre culturel ayant des
activités commerciales". Son président, Sébastien
Cheutin, récuse l'appellation de "mosquée".
"Mes clients n'ont pas acheté un fonds de commerce mais
un local pour leur activité, à savoir des conférences,
des cours d'arabe, et, accessoirement, comme il s'agit de musulmans
croyants, des moments de prières", explique Me Salah Djemai,
l'avocat de l'acheteur, "une société civile immobilière
(SCI) à laquelle est clairement liée l'association".
Il assure que l'acte de vente ne devait pas préciser quel genre
d'activité s'exercerait une fois le local acquis, mais "vu
l'accoutrement de mes clients, chacun savait à qui il avait
affaire".
La maire
(PCF) de Champs-sur-Marne, Maud Tallet, est moins catégorique.
"Je n'ai pas fait jouer mon droit de préemption, car,
après enquête, il est apparu que la SCI en question avait
bien des activités de vente et d'achat d'immobilier. En
outre, le droit de préemption est de plus en plus difficile
à exercer, depuis que le ministre de l'intérieur, Nicolas
Sarkozy, a envoyé une lettre aux préfets leur demandant
de vérifier qu'il ne soit pas utilisé contre la création
de lieux de culte."
Après
constat d'huissier confirmant que le lieu recevait un public important
- vendredi 16 mars, à l'heure de la grande prière, une
centaine de personnes ont convergé vers le local - et qu'il
devait donc être conforme aux normes de sécurité,
la maire a pris un arrêté de fermeture qui n'a pas été
exécuté. Une commission de sécurité s'est
finalement rendue sur place ; elle doit remettre ses conclusions mercredi
21 mars.
Au-delà du conflit qu'il soulève, ce cas souligne le
statut à part de l'islam rigoriste, inspiré du salafisme,
dans la société et au sein même du monde musulman.
"A plusieurs reprises, on nous a refusé un local",
explique M. Cheutin, qui reconnaît donc que "pour obtenir
gain de cause, il a fallu passer en sous-main". "C'est malheureux
mais c'est la réalité. Si on enlevait la kamis, si on
se rasait la barbe, alors on deviendrait de "bons" musulmans."
L'association
promet une journée "portes ouvertes" "prochainement".
Début mars, M. Cheutin avait refusé l'accès du
local au maire. Vendredi 16, à 14 heures, la visite des lieux
était également proscrite, pour cause de "conférence",
selon M. Cheutin