"Celui-là,
il faudrait qu'il apprenne à fermer sa gueule !"
En pleine réunion de la commission exécutive de l'UMP,
mardi 17 octobre, cette réflexion de Nicolas Sarkozy à
propos d'Azouz Begag a fait sursauter même les intimes
du ministre de l'intérieur. Parce qu'il avait cru déceler
dans les propos du ministre délégué à
l'intégration un appel masqué à "commémorer"
les violences dans les banlieues en octobre et novembre 2005, M. Sarkozy
s'est emporté.
Le même jour, dans la matinée, le futur candidat s'était
laissé aller à un autre accès de mépris
devant les députés de l'UMP. A propos cette fois du
film Indigènes,
tant apprécié par Jacques Chirac, il avait jugé
qu'il s'agit là d'un "film pour bobos parisiens"
qui n'avait "aucun succès". Il avait ajouté
cette précision : "En mettant Jamel Debbouze en
couverture, Le Nouvel Observateur a fait sa plus mauvaise vente de
l'année."
Nerveux,
Nicolas Sarkozy ? En fait, le ministre ne veut pas entendre parler
de cet "anniversaire" qui est aussi un peu le sien. Un an
après la mort de deux adolescents poursuivis par la police
dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis),
il redoute tout autant une recrudescence des violences qu'une remise
en question de son action et une nouvelle offensive de ses opposants.
Depuis
deux semaines, les icônes de la génération "black-blanc-beur"
se sont relayées pour attaquer le ministre. Tour à tour,
l'ancien tennisman Yannick Noah, le rappeur Joey Starr, et les footballeurs
Lilian Thuram et Vikash Dhorasso y sont allés de leurs critiques.
Mercredi
25 octobre, devant la direction de l'UMP, M. Sarkozy a promis de répondre.
"Ce n'est pas parce qu'on est blanc qu'on est raciste et parce
qu'on est noir qu'on a raison sur tout", a-t-il lancé.
"L'anti-sarkozysme est une mode", relativise-t-on Place
Beauvau.
Les proches
du ministre préfèrent s'abriter derrière les
sondages, qui restent bons. "Depuis un an et demi, il n'y a pas
eu de réelle altération de sa popularité",
note Brice Teinturier (TNS-Sofres). "Mais il reste scotché
à son image de ministre", relativise Stéphane Rozès
(CSA).
Refusant
d'envisager son départ, le ministre de l'intérieur déserte
néanmoins le terrain qu'il a si souvent occupé. Un seul
déplacement en banlieue, la semaine dernière, contre
une vingtaine au moment des émeutes. Quand Dominique de Villepin
choisit Cergy (Val-d'Oise) pour tenir, jeudi, sa conférence
de presse mensuelle, M. Sarkozy se souvient qu'il est aussi responsable
de l'aménagement du territoire pour filer en province. "Cela
lui permet de diversifier son image au-delà de la sphère
de la sécurité", admet Claude Guéant, directeur
de cabinet et futur responsable de sa campagne présidentielle.
Après
le Finistère, le Limousin, il sera, vendredi 27, en Lozère.
A son programme, l'inauguration d'un plateau technique hospitalier,
la visite d'un bureau de poste et la promotion du lait de montagne
de Margeride.
Une manière
de donner raison aux élus, qui, récemment, se sont relayés
pour lui conseiller de "rassurer" les Français. "Il
faut que tu les écoutes, lui a glissé l'un d'eux. Que
tu ailles à leur rencontre, mais sans sirènes de police
et quinze gardes du corps." Un autre rêve de l'entendre
adresser "un message d'espérance même aux racailles"
: "Il faudrait même qu'un jour il puisse inaugurer une
crèche..."
Philippe
Ridet