LES
RG SE PENCHENT SUR LE RACISME ANTI-BLANC
En 2005,
les RG ont recensé 435 affrontements entre bandes (contre 225
en 2004 et 281 en 2003) ,
ils ont fait 8 morts, contre 14 en 2004. L'Ile-de-France concentre la
moitié des faits recensés
...........................................................................................................................................................................................
Bandes : la spirale de l'ultra-violence
LE MONDE | 24.02.06 | 13h55 Piotr SMOLAR
Ils ont grandi ensemble, dans les HLM de Bagneux (Hauts-de-Seine), plus
attachés à leur cité qu'à leurs origines,
diverses. Une puissante solidarité les lie, et l'appât
du gain les motive. Pour les policiers de la brigade criminelle, les
individus écroués pour avoir participé à
la séquestration et à la mort d'Ilan Halimi formaient
une bande de cité classique, jusqu'au déchaînement
de violence contre la victime.
"Ces
jeunes se sont connus à l'école ou au collège,
ils sont fanas d'Internet et de téléphonie, discutent
à longueur de journée, vivent en autarcie, montent des
business ensemble, passent du vol à l'arraché le matin
au vol à main armée le soir, diagnostique François
Jaspart, directeur de la police judiciaire parisienne. Dans leur organisation,
on trouve un chef, des cadres et des ouvriers. Ils veulent profiter
de la société de consommation, qui n'est pas à
leur portée, mais qu'ils voient fonctionner."
Plusieurs
rapports des renseignements généraux (RG), dont Le Monde
a eu connaissance, se sont penchés sur la composition des bandes,
leur usage de la violence, ainsi que sur un thème abordé
traditionnellement à reculons par les policiers : l'origine ethnique
de leurs membres. Ces groupes se structurent autour d'un noyau de cinq
à quinze personnes, issues du même quartier.
Contrairement
aux Etats-Unis, ils ne se regroupent pas en fonction de leur appartenance
à un groupe ethnique spécifique, mais à un territoire
- leur cité -, élément clé de leur identité.
Il peut s'agir d'un simple regroupement de copains qui traînent
ensemble au pied de leurs immeubles ou, au contraire, d'une organisation
beaucoup plus structurée se livrant à des activités
crapuleuses.
A Bagneux,
le noyau dur, rompu aux actes délinquants, était animé
par Youssouf Fofana. Puis se sont agrégés des jeunes et
des adultes du quartier, plus ou moins impliqués, pas tous décidés
à basculer dans la violence pure. La séquestration prolongée
de la victime, sans issue financière positive, en a d'ailleurs
conduit plusieurs à s'interroger sur l'intérêt de
l'opération.
Les petits
trafics constituent la source de revenus essentielle des bandes, mais
ils peuvent aussi servir de sas vers des actes plus graves. L'effet
d'entraînement et de mimétisme joue à plein. "Les
liens sont de plus en plus étroits entre la violence urbaine
et la délinquance acquisitive pouvant aller jusqu'au grand banditisme",
notaient les RG dans un rapport, en janvier 2005. Ce passage très
rapide de la petite délinquance de quartier à la grande
criminalité entraîne parfois un manque de professionnalisme
et de technique, comme l'a illustrée, selon la brigade criminelle,
l'incapacité de Youssouf Fofana et de ses proches à obtenir
le versement d'une rançon.
En 2005,
les RG ont recensé 435 affrontements entre bandes (contre 225
en 2004 et 281 en 2003) ; ils ont fait 8 morts, contre 14 en 2004. L'Ile-de-France
concentre la moitié des faits recensés. "Face à
l'effritement des anciennes formes de solidarité (famille, communautés
d'origine, syndicats, Eglises, associations...), le "caïdat"
local, suivi de près par le radicalisme religieux, a investi
les quartiers sensibles, apportant un semblant de repères identitaires
à des jeunes désoeuvrés", soulignait la direction
centrale des renseignements généraux (DCRG) en janvier
2005.
Une telle
violence peut aussi se retourner contre les habitants de la cité.
Le gang de Bagneux a exercé de telles pressions. Une jeune fille
de 19 ans, prénommée Leila, a ainsi été
mise en examen pour non-dénonciation de l'enlèvement d'Ilan
Halimi. Son petit ami, Jérôme, s'était retiré
de la bande de Youssouf Fofana le 30 janvier en raison de la tournure
des événements.
Toutefois,
le juge des libertés et de la détention a choisi de ne
pas écrouer cette jeune fille en invoquant notamment le "climat
de peur et de contrainte" qu'elle avait subi. "Cette bande
est bien organisée, avec un certain degré de sophistication
et une capacité à terroriser beaucoup de gens qu'on ne
soupçonne pas", explique Me Jean Balan, avocat d'une autre
jeune femme ayant servi d'appât.
Les renseignements
généraux ont établi un profil type des principaux
délinquants dans ces groupes, à partir de l'étude
de 436 meneurs, recensés dans 24 quartiers sensibles. Parmi eux,
87 % ont la nationalité française ; 67 % sont d'origine
maghrébine et 17 % d'origine africaine. Les Français d'origine
non immigrée représentent 9 % des meneurs, selon les RG.
Si les
auteurs des actes de délinquance sont de plus en plus jeunes,
la moyenne d'âge des meneurs, en revanche, est assez élevée
. Plus de la moitié ont entre 19 et 25 ans. Comme Youssouf Fofana,
âgé de 25 ans. Près de 80 % d'entre eux ont été
mis en cause pour divers délits de droit commun, en particulier
l'usage et le trafic de stupéfiants.
Si les
bandes sont rarement homogènes d'un point de vue ethnique, les
jeunes d'origine africaine ancrés dans la délinquance
présenteraient tout de même des particularités,
à en croire une note du 3 octobre des renseignements généraux
de la préfecture de police (RGPP). L'une d'elles serait "l'extrême
violence de leurs actes".
Selon le
rapport, "ces jeunes réagissent en effet, de façon
démesurée, surtout lorsqu'ils sont en groupe, le dérapage
pouvant intervenir à tout moment. Le fait de tuer est complètement
banalisé par la télévision, qui filme la mort en
direct (...). Donner la mort s'inscrit dans une sorte de parcours initiatique
qui permet d'être reconnu et de s'élever dans la bande,
d'autant que l'excuse de la provocation, sous une forme quelconque,
vaut toujours absolution."
Dans le
même rapport, quatre mois avant les faits, les policiers parlaient
déjà d'"acharnement", de "sauvagerie"
et de "barbarie", citant l'utilisation épisodique d'armes
destinées à infliger des blessures graves, comme des gourdins
à clous, sans parler des armes à feu. Exemple relevé
par les RG, celui de jeunes d'Etampes (Essonne) qui snifferaient des
produits comme de la colle ou de l'acétone avant d'affronter
des groupes rivaux, afin de se rendre insensibles à la douleur.
"C'est
vrai qu'on constate un passage à l'acte violent plus précoce
et plus rapide, mais il ne faut pas présenter ces jeunes comme
des sauvages, note le chercheur Thomas Sauvadet, spécialiste
du phénomène des bandes. Ils vivent dans un environnement
violent, sont violents entre eux et subissent des discriminations ressenties
comme des violences. Tout cela s'articule pour créer un jeune
en état de guerre psychologique."
Les renseignements
généraux n'ont pas conduit d'étude spécifique
sur l'antisémitisme en banlieue. En revanche, les violences constatées
à l'occasion de la manifestation lycéenne du 8 mars 2005
contre la loi Fillon ont incité les policiers à se pencher
sur le racisme anti-"Blanc", "une réalité
quotidienne", selon le titre d'une étude du 4 juillet 2005.
Les RG
y citent des exemples de menaces et d'agressions, notamment contre les
personnes qui travaillent pour les bailleurs sociaux ou les services
publics.