Le
Pen et Mégret envisagent un remariage d'intérêts
Le Figaro 30 mai 2006 – Olivier Pognon
EXTRÊME DROITE : Les deux hommes ont entrepris de se rapprocher
depuis que le second a accepté la proposition d'une «union
des patriotes» lancée par le premier.
CE N'EST PAS encore «Embrassons-nous Folleville». Mais
c'est déjà la fin de la brouille. Huit ans après
leur séparation fracassante, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret
ont recommencé à se parler. Le second a répondu
favorablement à l'idée d'«union des patriotes»
lancée par le premier, et les négociations pour y parvenir
ont commencé. Jean-Marie Le Pen a dit trouver «méritoire
et très positif de la part de Bruno Mégret d'avoir accepté
l'idée d'une union patriotique».
Oubliées les innombrables avanies que se sont mutuellement adressées
les deux hommes depuis plus de sept ans. Bruno Mégret, en octobre
de l'année dernière, assénait encore que Jean-Marie
Le Pen, «après avoir détruit son parti et multiplié
les dissensions et les querelles dans ce qu'il en reste, est particulièrement
mal placé pour faire des propositions de rassemblement».
Oublié donc tout cela, mais non pas effacé : «Je
n'entends pas me dédire de ce qui s'est passé, déclare
Bruno Mégret. De la même façon, je ne demande pas
à Jean-Marie Le Pen de revenir sur ce qu'il a pu dire ou faire.
Nous avons notamment ceci en commun de ne pas être des adeptes
de la repentance.»
Pas de repentance, mais une prise en compte des intérêts
bien compris des deux partis. En lançant sa proposition de coalition
des patriotes, Jean-Marie Le Pen cherchait à mettre Philippe
de Villiers en difficulté, en faisant porter la responsabilité
de la division sur ce rival qui, désormais, emploie à
peu près les mêmes arguments que lui. Mais il ne négligeait
pas d'être entendu par Mégret, si réduites que soient
désormais les forces de celui-ci.
«Du carburant médiatique pour les uns et les autres»
D'abord, les voix que le président du MNR aurait obtenues à
la prochaine présidentielle, même peu nombreuses, ne sont
pas à mépriser si elles se portent sur un Le Pen qui aspire
à renouveler, en 2007, sa deuxième place de 2002. La quête
des parrainages devrait aussi être facilitée si Bruno Mégret
n'est pas sur les rangs. Et puis la scission et la rivalité ont
coûté cher aux deux partis. Le FN a mis plusieurs années
à retrouver son électorat. Il peut espérer, d'une
réconciliation, un effet inverse.
Bruno Mégret aussi a intérêt au rapprochement.
S'il a longtemps persévéré dans son entreprise,
malgré ses déboires électoraux, c'est parce qu'il
pensait que Jean-Marie Le Pen était sur le déclin et qu'après
lui les cartes seraient rebattues dans la «droite nationale»
au profit du MNR. Mais la dimension prise par Marine Le Pen rend cette
perspective très aléatoire. Il a donc tout intérêt
à sortir de son isolement. D'autant que, comme le dit un ancien
cadre du FN, «ça fait du carburant médiatique pour
les uns et pour les autres».
Bruno Mégret se veut donc réaliste. La situation financière
de son parti, très périlleuse depuis qu'il s'est vu privé
par le Conseil constitutionnel des 740 000 euros de remboursement public
de sa campagne présidentielle, ne peut que l'y inciter. Reste
à définir les conditions exactes de cette «union
des patriotes». «Ce n'est pas un ralliement, ce n'est pas
un retour au bercail, c'est une alliance», assure Bruno Mégret.
Ce qui est sûr, c'est que celui-ci renoncerait à se présenter
à la prochaine présidentielle. Les discussions portent
sur le nombre et la localisation des circonscriptions que le MNR obtiendrait
pour y présenter le candidat de la «droite nationale»
aux prochaines législatives. Étant entendu qu'il faut
avoir présenté au moins 50 candidats, ayant obtenu chacun
au moins 1% des suffrages pour avoir droit au financement public des
partis politiques.
Bruno Mégret pense que le rapprochement, en «redynamisant
toute la famille de la droite nationale», fera revenir des cadres
qui se sont éloignés. Il y aura aussi des départs
: Claude Jaffrès, secrétaire régional Auvergne
du MNR, a démissionné de son parti, avec la fédération
du Puy-de-Dôme, après avoir appris «avec stupeur»
le rapprochement.