LE MONDE
| 30.03.07 | 14h57 • Mis à jour le 30.03.07 | 14h57
Au cours
de sa garde à vue dans les locaux du commissariat du 10e arrondissement,
Angelo Hoekelet a raconté son contrôle mouvementé
à la gare du Nord, le 27 mars, par des agents de la RATP. Un
contrôle qui a servi de déclencheur à de violents
affrontements, pendant plus de six heures, entre des groupes de jeunes
et les policiers. Le Congolais, âgé de 32 ans, affirme
qu'il a été victime de violences, selon son procès
verbal d'audition, dont Le Monde a eu connaissance.
"Ce
jour vers 16h20, je me trouvais dans la gare du Nord. J'avais rendez-vous
avec une personne qui m'attendait sur le quai de la ligne 5",
a-t-il expliqué. Il assure avoir composté un ticket
en passant le tourniquet, puis l'avoir jeté. "Trente mètres
plus loin, j'ai senti qu'une personne me touchait au niveau de l'épaule,
je me suis retourné et cet individu s'est présenté
comme étant un contrôleur RATP et m'a demandé
mon titre de transport. J'ai expliqué à cet individu
que je venais de jeter mon ticket au sol et je lui ai proposé
de retourner à l'endroit où j'avais jeté mon
ticket pour le reprendre. Le contrôleur m'a alors demandé
mes papiers. Je lui ai alors répondu que je n'étais
pas sûr de les avoir mais que l'on pouvait regarder dans mon
sac à dos. Un autre contrôleur est alors arrivé
et sans rien me demander il a déclaré à ses collègues
: bon voilà, il a rien allez on appelle''. Je lui ai répondu
que je ne bougerai pas tant qu'on irait pas récupérer
mon ticket. Ce contrôleur m'a alors fait comprendre que de toute
façon il me ramènerait de force, il m'a parlé
avec un langage de cité. Je lui ai alors dit d'arrêter.
(…) Il s'est alors approché de moi et a commencé
à rapprocher son front du mien. Je lui ai alors dit arrête
ou je vais te boucher une oreille''. Nous nous sommes frottés
les fronts mais il n'y a pas eu de coups. C'est alors que les autres
contrôleurs RATP m'ont saisi au niveau des chevilles puis m'ont
fait chuter au sol. Ils m'ont ensuite maintenu au sol jusqu'à
l'arrivée des gendarmes. Je vous précise que jusqu'à
l'arrivée des gendarmes, les agents RATP, surtout celui qui
a collé son front au mien, m'ont donné des coups de
pieds entre les jambes ou ont essayé de me tordre les poignets.
Moi, je leur disais que ce qu'ils faisaient c'était vraiment
n'importe quoi. Autour de nous une foule s'est formée qui se
demandait ce que ces contrôleurs étaient en train de
faire. Je vous précise que parmi cette foule il y avait de
nombreuses personnes qui me connaissent car j'ai vécu dans
le dixième arrondissement et que je connais très bien
la gare du Nord. Ensuite les gendarmes sont arrivés. (…)
Ils ont essayé de me faire comprendre qu'il fallait que je
me calme pour qu'ils me menottent. Je leur ai demandé de me
lever puis ensuite de me menotter. Comme je me débattais car
je pensais que ce n'était pas humain de mettre quelqu'un au
sol comme ça, ils ont tout de même été
obligés de me relever pour me menotter en faisant usage de
la force." A cet instant, Angelo Hoekelet s'accrochait fermement
à son pantalon, pour éviter de se faire passer les menottes.
"Une
fois debout et menotté le contrôleur RATP qui m'avait
touché le front a cherché à m'attraper par les
jambes. Il devait me connaître, je pense que c'est pour cela
qu'il en avait après moi. Les gendarmes et ses collègues
lui ont dit que cela ne servait à rien et que je devais être
conduit debout. C'est là que je me suis rendu compte qu'une
foule importante s'était ameutée autour de nous. Dans
le local RATP, le contrôleur a dit à ses collègues
oui vous avez vu il m'a bien mis un coup de tête. C'est là
que j'ai compris que c'était ne affaire personnelle, je
vous précise que parmi ces agents RATP il y en avait trois
d'origine maghrébine. Peut-être qu'il en avait après
moi parce que je suis noir. Ensuite, j'étais dépassé
par les événements et je les ai bombardé d'insultes."
La veille
de cette interpellation à la gare du Nord, Angelo Hoekelet
était censé prendre le train pour se rendre à
Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il devait comparaître
devant la cour d'appel pour une affaire d'outrage à magistrat,
qui lui a valu une condamnation à six mois de prison en première
instance. Hélas, il n'a pas pu s'y rendre, explique-t-il, "car
les contrôleurs n'ont pas voulu [le] laisser prendre le train
sans billet."
Piot Smolar