LA D.S.T. ET LES R.G.
CONFIRME A NOUVEAU
LE DEVELOPPEMENT DE L' ISLAMO-DELINQUANCE
175
islamistes font du prosélytisme en prison
Deux types de détenus inquiètent particulièrement
les RG, selon un rapport confidentiel : les terroristes et les convertis
à l'islam.
«Il y a actuellement dans les établissements pénitentiaires
français, 175 individus qui s'adonnent au prosélytisme
islamiste», souligne le rapport des RG.
(Photo AFP)
J.
C.
[ LE FIGARO I13 janvier 2006]
PARMI
les cent quatre-vingt-huit établissements pénitentiaires
français, soixante-huit sont aujourd'hui touchés par l'islamisme.
C'est l'une des conclusions du dernier rapport des renseignements généraux
sur «Le prosélytisme islamiste en milieu carcéral»
que Le Figaro a pu consulter. Dans ce document, diffusé le mois
dernier, la direction centrale des renseignements généraux
se livre pour la première fois à une véritable
radioscopie nationale des Fous de Dieu dans les prisons françaises.
Si
elle identifie le danger, l'étude des RG permet également
de le relativiser. Le texte précise qu'«il y a actuellement
dans les établissements pénitentiaires français,
175 individus qui s'adonnent au prosélytisme islamiste».
La répartition géographique de ces extrémistes
épouse les bastions du radicalisme islamiste avec une surreprésentation
de la région parisienne où sont incarcérés
les suspects d'activités terroristes.
Pour
70% d'entre eux, ces prédicateurs sont de nationalité
française, le reste se répartissant entre les pays du
Maghreb, la Turquie, l'ex-Yougoslavie ou le Pakistan. Ils sont en majorité
jeunes (entre 20 et 30 ans), la tranche d'âge des 40 à
60 ans ne représentant qu'une quinzaine de personnes. Pour compléter
ce portrait-robot, près de 90% viennent d'un milieu modeste.
Les deux tiers étaient au chômage ou sans profession au
moment de leur incarcération. Un quart étaient des ouvriers
ou des employés et moins de 10% étudiants, cadres ou membres
de profession libérale.
Plusieurs courants représentés
Deux
mouvements de pensée principaux influencent ces prédicateurs.
Le Tabligh, mouvement rigoriste et fondamentaliste indo-pakistanais
installé en France depuis 1972, reste largement majoritaire.
«On observe toutefois une poussée de plus en plus forte
du salafisme avec les particularités de ce mouvement : opposition
au mode de vie occidentale et légitimation de la violence»,
précise le rapport. Dix pour cent des Fous de Dieu incarcérés
adhèrent aujourd'hui aux thèses salafistes.
Deux
catégories de détenus prosélytes inquiètent
les renseignements généraux. Le premier est constitué
par les islamistes incarcérés pour des faits de terrorisme.
Les prisons françaises accueillent 99 de ces individus, dont
près d'une trentaine se livrent au prosélytisme. «L'aura
tiré de leur passé par ces individus», déplore
le rapport, «leur expérience et leur compétence,
leur permet d'agréger très vite des individus, notamment
jeunes, laissés à eux-mêmes (...)». Deuxième
objectif : la vingtaine de convertis à l'islam radical se livrant
au prosélytisme. Selon les RG, «leur engagement les conduit
souvent à vouloir démontrer que leur ferveur est plus
forte encore que celle de leurs frères». Sur les 175 individus
surveillés, une demi-douzaine pourraient basculer, au regard
de leur comportement et de leur passé, dans le terrorisme.
La
direction centrale des renseignements généraux s'intéresse
enfin aux actes de prosélytisme, un peu moins de deux cents,
recensés en 2005 dans les établissements pénitentiaires.
Pour semer le trouble derrière les barreaux, ces militants ont
recours à l'appel ou à l'incitation à la prière
collective (30%), aux pressions sur leurs codétenus (20%), aux
demandes confessionnelles comme l'aménagement d'un local religieux
ou l'acquisition de tapis pour la prière et enfin aux tentatives
d'afficher leurs convictions religieuses, comme par le port d'habits
traditionnels, systématiquement saisis par l'administration pénitentiaire.
Les pressions et menaces sur les surveillants ne représentent
qu'un 1% des faits observés.
Pour
les RG, cette politique préventive doit s'accompagner de l'organisation
de l'exercice du culte musulman au sein des établissements pénitentiaires.
Un véritable défi pour le futur aumônier musulman
des prisons.
Fous
d'Allah et voyous font cause commune sur les braquages
Après s'être connus en prison, ils s'associent pour organiser
des vols à main armée. Plusieurs affaires récentes
illustrent ces liens criminels.
Jean
Chichizola
[ LE FIGARO 13 janvier
2006]
LA
PRISON n'est pas seulement une aubaine pour les prédicateurs
islamistes. Elle est aussi le creuset où voyous et Fous de dieu
échangent leurs expériences et préparent des coups
ensemble. Depuis 2004, deux enquêtes de la Direction de la surveillance
du territoire (DST) ont démontré que l'islamo-délinquance
a changé de dimensions. Délaissant les petits trafics
traditionnels (contrefaçons, escroqueries à la carte bancaire...),
certains islamistes sont passés au vol de centaines de milliers
d'euros et aux attaques à main armée.
Premières cibles : les transports de fond
Le
mois dernier, les policiers ont ainsi démantelé le groupe
d'Ouassini Cherifi, 31 ans, soupçonné de plusieurs braquages
ou tentatives de braquage, dans l'Oise, le Nord et la région
parisienne, au profit de la cause. Le 2 janvier dernier, un islamiste
présumé, Mourad F., dont deux frères sont également
mis en examen dans le dossier, a été extrait de sa cellule
de la maison d'arrêt de Villepinte pour être entendu par
les magistrats antiterroristes. Son domicile a été perquisitionné,
les enquêteurs saisissant des documents de propagande islamiste.
Le 7 octobre 2005, le suspect tunisien de 34 ans, résidant dans
les Yvelines, a participé, avec Cherifi et un braqueur «réislamisé»
en prison, à l'attaque d'une agence de la société
de transports de fonds Securitas à Beauvais. Les braqueurs avaient
utilisé ce jour-là de l'explosif militaire mais l'attaque
avait finalement échoué et les malfaiteurs s'étaient
enfuis bredouilles. Le groupe Cherifi est également soupçonné
d'avoir attaqué un fourgon de Chronopost dans le Nord et d'avoir
tenté de braquer une grande surface de la région parisienne.
Le reste de l'explosif utilisé à Beauvais – un kilogramme
de TNT vendu par un trafiquant d'armes en relation avec les Balkans
– et les armes de la bande ont été retrouvés
le 15 décembre dernier dans un box de Clichy-sous-Bois. Les policiers
pensent toutefois qu'une partie des armes et des explosifs pourrait
encore être dans la nature.
Le
groupe Cherifi sur tous les fronts
L'enquête
a également permis de démontrer que plusieurs membres
du groupe Cherifi étaient en contact avec une autre équipe
d'islamo-braqueurs, aux méthodes plus pacifiques. Le 1er mars
2004, un employé de la Brink's, Hassan Baouchi, affirmait s'être
fait dérober un million d'euros. «Tech nicien dabiste»,
chargé de la maintenance des distributeurs automatiques de billets
(DAB), il affirmait avoir été attaqué par trois
malfaiteurs armés et encagoulés qui l'auraient forcé
à vider les coffres alimentant les distributeurs de six agences
bancaires de Seine-Saint-Denis.
Le 5 avril 2004, Hassan Baouchi est interpellé par la DST et
accusé d'être membre d'une cellule française du
Groupe islamique combattant marocain (GICM). L'enquête démontre
que Baouchi a menti et qu'il a volé le million d'euros –
dont seule une infime partie a été retrouvée –
avec la complicité de deux islamistes originaires d'Aulnay-sous-Bois,
Djamel Khalid et son frère Zinedine. C'est ce dernier qui aurait
été en relation avec les membres du groupe Cherifi.
Les
djihadistes visaient bien des avions en France
Terrorisme Dans le document qui renvoie vingt-neuf personnes devant
le tribunal correctionnel, le procureur écrit que des missiles
sol-air ont été acquis par des djihadistes qui voulaient
frapper en France.
J. C.
[ LE FIGARO 13 janvier 2006]
SELON
LES DÉCLARATIONS de l'islamiste Abou Atiya, un groupe de terroristes
a bien acquis deux missiles sol-air russes pour les utiliser en France,
armes dont nul ne sait aujourd'hui ce qu'elles sont devenues. Le réquisitoire
du procureur de Paris dans le dossier des «filières tchétchènes»,
instruit par les juges Bruguière, Coirre et Ricard, confirme
les informations que Le Figaro avait publiées le 28 octobre 2005.
C'est la première fois qu'une enquête judiciaire établit
que des islamistes ont projeté une telle attaque sur le territoire
français. Ce document va servir de base au procès de vingt-neuf
activistes devant le tribunal correctionnel de Paris prévu au
printemps prochain.
Le
texte, signé d'Anne Kostomaroff, chef de la section antiterroriste
du parquet de Paris, détaille l'affaire. La scène se déroule
dans le Caucase en 2002. «Selon Abou Atiya, précise le
réquisitoire, Taqi al-Din [islamiste algérien installé
dans le Caucase] lui confiait avoir acquis, dans le milieu de l'année
2000, deux missiles Igla afin qu'ils soient utilisés en France
contre des avions civils par deux Algériens munis de passeports
européens, qu'il avait formés à cet effet en Géorgie.»
Des
missiles introuvables
Selon
le parquet, les missiles SAM 18 Igla (aiguille) auraient été
fournis par un certain Rouslan Guelaïev. Tué en 2004, c'était
l'un des plus puissants chefs de guerre tchétchènes. De
2000 à 2002, il dut se réfugier avec ses troupes en Géorgie.
Là, dans les gorges de Pankissi, aux confins de la Tchétchénie,
il aurait rencontré une poignée de djihadistes étrangers
désireux de combattre les troupes russes ou de s'entraîner
à commettre des attentats en Europe.
Le
réquisitoire précise que l'Algérien Taqi al-Din
«réussissait à faire acheminer clandestinement en
Turquie dans un camion, les deux missiles accompagnés dans le
même convoi des deux Algériens utilisateurs potentiels
et d'un groupe de moudjahidins entraînés à la manipulation
d'armes et d'explosifs, chargés de commettre des attentats en
France». Au-dela de l'étape turque, la trace des missiles
se perd. Sur l'objectif principal, le réquisitoire précise
qu'Abou Atiya «indiquait avoir persuadé [Taqi al-Din] de
choisir une cible qu'il estimait devoir être privilégiée
: les Etats-Unis.» Nul ne sait en fait si l'Algérien a
bien été convaincu. Les missiles n'ont en tout cas jamais
réapparu.
Les
deux principaux protagonistes de l'affaire sont des activistes confirmés.
Avant son arrestation en 2003, Adnan Mohammad Sadek Abou Njila, alias
Abou Atiya, Jordanien d'origine palestinienne né en 1969, était
un proche collaborateur du chef d'al-Qaida en Irak Abou Moussab al-Zarqaoui.
Interpellé en Turquie en 2003 et expulsé vers l'Algérie,
Taqi al-Din a encadré les djihadistes étrangers arrivant
dans le Caucase.
A
en croire le procureur de Paris, la région aurait donné
d'autres idées au couple infernal Abou Atya-Taqi al-Din. «Au
début de l'année 2002, précise-t-il, Abou Atiya
chargeait Taqi al-Din de lui indiquer un expert dans le domaine nucléaire
qui pourrait procéder à l'examen d'un objet ayant l'aspect
d'une vis radioactive provenant de Russie. Abou Atiya relatait en effet
avoir aperçu en Géorgie une vis radioactive [acquise]
auprès de la mafia russe.» L'objectif du chef terroriste
était de tester ce matériel puis de confectionner un engin
explosif «sale». Le réquisitoire précise que
le départ de Géorgie d'Abou Atiya fin 2002 «mettait
un terme à ces opérations».