24.11.2005 - "Racisme anti-blanc et anti-français : poursuites contre des rappeurs envisagées ...."



"Racisme anti-blanc et anti-français : poursuites contre des rappeurs envisagées ...."


Des parlementaires réclament des poursuites contre des rappeurs
LE MONDE | 24.11.05 | 13h12 • Mis à jour le 24.11.05 | 14h09

Cent cinquante-trois députés et 49 sénateurs, majoritairement de droite, viennent de demander au ministre de la justice, Pascal Clément, d'"envisager des poursuites" à l'encontre de sept groupes de rap. Motif : leurs textes incitent, selon eux, au racisme "anti-blanc" et à la haine de "la France". Ainsi, les groupes, 113, récompensé par deux victoires de la musique en 2000, Smala, Ministère Amer, Lunatic, et les rappeurs Fabe, Salif et Monsieur R sont accusés de faire "le commerce du racisme au lieu de l'antiracisme".


Cette coalition parlementaire est à l'initiative du député UMP de la Moselle François Grosdidier. "Le message de violence de ces rappeurs reçu par des jeunes déracinés, déculturés, peut légitimer chez eux l'incivilité, au pire le terrorisme", explique l'élu qui cite les paroles du groupe Lunatic : "Quand j'vois la France les jambes écartées, j'l'encule sans huile. (...) Tu m'dis : "la France un pays libre" ; (...) attends-toi à bouffer du calibre. J'rêve de loger dans la tête d'un flic une balle de G.L.O.C.K.". Ou celles de la Smala : "Guerre raciale, guerre fatale, oeil pour oeil, dent pour dent, organisation radicale, par tous les moyens il faut leur niquer leurs mères Gouers (Français), c'est toi qui perds..."


"LA FRANCE EST UNE GARCE"


M. Grosdidier avait déjà attiré l'attention du garde des sceaux, au mois d'août, en fustigeant "FranSSe", une chanson "coup de coeur de la Fnac", comme il aime à le répéter, signée Monsieur R : "La France est une garce, n'oublie pas de la baiser jusqu'à l'épuiser ! (...) Moi, je pisse sur Napoléon et sur le général de Gaulle." L'artiste a d'ailleurs fait l'objet d'une plainte déposée par Daniel Mach, député UMP des Pyrénées-Orientales, pour "outrage aux bonnes moeurs". "On ne peut pas se cacher derrière la liberté d'expression", affirme M. Mach avant d'ajouter, virulent : "Peut-être que Sade a été trop lu par Dutroux et Céline par Hitler." L'affaire sera jugée le 6 février 2006.

De son côté, le ministre de la justice a donné l'instruction au procureur général de Paris de procéder à l'ouverture d'une enquête. La brigade de répression de la délinquance sur la personne doit déterminer s'il y a bien infraction ou prescription. Car la plupart des groupes visés par les parlementaires n'existent plus. La dernière prose du Minister Amer remonte déjà à plus de dix ans. Lunatic s'est dissous en 2002. Le chanteur Fabe a pris sa retraite d'artiste il y a déjà plus de cinq ans. Et les textes "haineux" du 113 remontent à la même période. Sur ce point, M. Grosdidier s'explique : "Le problème, c'est qu'on peut toujours acheter leur musique en ligne ou en magasin." Il poursuit : "Je ne prétends pas à l'exhaustivité. J'ai fait des recherches sur Internet. Mon fils m'a aidé, des jeunes de ma circonscription également. Mon collaborateur m'a fait une synthèse sur ce sujet dans laquelle devait figurer une quinzaine de groupes. J'ai choisi les plus violents."

Après ces recherches, le député de la Moselle a remis, mardi 22 novembre, six questions écrites à Pascal Clément demandant des sanctions pour ces rappeurs. Le 17 novembre, le site www.surlering.com, magazine underground en ligne, dans sa rubrique "culturisme", proposait à ses cyberlecteurs, une "Speciale chanson française : "Viens kiffer ton Karaoke !" où tu chantes, et tu chantes, et tu chantes en balançant ton menton direct sur l'écran tu verras c'est G-E-A-N-T." Douze groupes de rap, avec les passages des chansons qui ont fait leur succès, se succèdent parmi lesquels les sept rappeurs incriminés. M. Grosdidier affirme que "ça relève un peu du hasard. Mes recherches remontent à plus de trois semaines".

"C'est affligeant de voir que les élus ne comprennent pas la pertinence des discours", commente Olivier Cachin, spécialiste du rap français et auteur de L'Offensive rap (Découvertes Gallimard). "S'ils sont violents, c'est parce qu'ils sont issus d'un milieu extrêmement violent. Il ne faut pas s'attendre à un angélisme de leur part. Après la polygamie, les rappeurs seraient aussi responsables des émeutes des banlieues. C'est d'un mépris incroyable !"

Mustapha Kessous
Article paru dans l'édition du 25.11.05


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