INSECURITE,
LES STATISTIQUES POLICIERES SONT LOIN D'ENREGISTRER TOUTE LA
DELINQUANCE :
1/3 SEULEMENT DES VIOLENCES PHYSIQUES FONT L'OBJET DE PLAINTES..."
...........................................................................................................................
Seule une violence physique sur trois
donne lieu à un dépôt de plainte
LE
MONDE | 14.10.05 | 13h49 • Mis à jour le 14.10.05 | 13h49
Les enquêtes
de victimation, qui permettent de mieux cerner la nature et l'ampleur
de la délinquance, ont un mérite : relativiser les statistiques
officielles, qui ne reflètent que l'activité des policiers
et des gendarmes.
L'enquête
de grande ampleur conduite en janvier et février par l'Insee
et l'Institut national des hautes études de sécurité
(Inhes) auprès de 25 000 personnes âgées d'au moins
14 ans comporte deux volets : les atteintes aux biens et les violences
physiques ou verbales. Elle confirme la baisse des cambriolages et des
vols de voiture, indique une baisse du sentiment d'insécurité
et met au jour la faible part des violences physiques dénoncées
aux forces de l'ordre. Alain Bauer, le président du conseil d'orientation
de l'Observatoire national de la délinquance (OND), devait en
présenter les grandes lignes, vendredi 14 octobre.
Les agressions contre les personnes. Le chiffre est impressionnant :
4,9 % des personnes interrogées ont déclaré avoir
été agressées physiquement ou verbalement
au moins une fois en 2004 (soit près de 2,4 millions de
personnes). Les femmes sont "plus exposées que les hommes
aux agressions répétées, aux injures et menaces
et aux agressions dans l'espace privé" , note l'OND. Plus
de 40 % des victimes ont subi plus d'un fait. Dans la majorité
des cas, il s'agit d'injures et de menaces (59 %), de violences physiques
(26 %) et, enfin, de vols avec violence (10 %).
Seulement
31,3 % des violences physiques ont pour conséquence le dépôt
d'une plainte et 15 % sont enregistrées en main courante. Les
statistiques officielles indiquaient qu'en 2004, 174 000 faits de violences
physiques sans vol (dites non crapuleuses) avaient été
enregistrés ; il faudrait donc multiplier ce chiffre par trois
pour s'approcher de la réalité. Si, conformément
aux voeux du ministère de l'intérieur, l'accueil des victimes
s'impose comme une mission cruciale des forces de l'ordre, la conséquence
en sera de façon mécanique une hausse des statistiques
officielles. Ce qui ne signifiera pas pour autant que la délinquance
s'aggrave. "L'espace de la violence invisible est considérable",
note Alain Bauer. "Il faut prendre à bras-le-corps le problème
des violences intrafamiliales, où le coupable et la victime vivent
ensemble, sans attendre les plaintes." En effet, une violence physique
sur cinq est commise dans l'espace privé le plus souvent
au domicile de la victime alors qu'une insulte ou menace sur quatre
a pour cadre le lieu de travail ou d'études. Dans plus d'un cas
sur trois, l'auteur de violences physiques est connu de la victime.
Pour l'heure,
l'enquête de victimation n'est pas assez détaillée
pour permettre une lecture fine de ces chiffres. "En 2006, la nature
de chaque agression sera mieux connue et en 2007, il sera possible d'évaluer
séparément le nombre de personnes ayant subi chaque type
d'agression" , explique le président de l'OND.
Les atteintes
aux biens. L'enquête permet de confirmer les statistiques officielles
de la délinquance. Les cambriolages dans la résidence
principale et les vols de voiture sont en " baisse significative"
ces deux dernières années. Elle montre que plus de 4,5
millions de ménages (près de 18 %) ont subi au moins une
atteinte aux biens en 2004, sous forme de vol, de tentative de vol,
d'acte de vandalisme contre leur résidence ou leur véhicule.
Parmi eux,
deux millions (8 %) déclarent avoir été victimes
d'un ou de plusieurs vols en 2004. L'enquête de victimation a
recensé au total pour 2004 plus de 5,8 millions d'actes de vandalisme
et 3 millions de vols contre une résidence ou un véhicule
soit 8,8 millions de faits alors que l'ensemble des crimes
et délits enregistrés en 2004 étaient de 3,8 millions.
Explication
: seulement 18 % des actes de vandalisme et 43 % des cambriolages sont
dénoncés sous forme de plaintes. Le taux de plainte est
le plus élevé pour le vol de voiture (plus de 77 %) et
celui des cambriolages s'élève à près de
60 %. Il est de 30 % pour les vols de deux-roues.
A noter
que l'OND a réalisé un éclairage particulier sur
les vols de téléphones portables : leur nombre est près
de trois fois supérieur (620 000) à celui des vols déclarés.
L'explication résiderait dans le fait qu'une plainte n'est plus
indispensable pour obtenir gratuitement de son fournisseur un nouveau
portable.
Sentiment
d'insécurité. L'enquête de l'Inhes et de l'Insee
confirme qu'il est en baisse, comme l'indiquait déjà le
rapport 2004 de l'OND. Selon celui-ci, 13 % des Français se disaient
préoccupés par le manque de sécurité dans
leur quartier, contre 18,4 % en 2002.
Dans cette
nouvelle enquête, 9,4 % des personnes interrogées se sentent
souvent ou de temps en temps en insécurité à leur
domicile. Les femmes "sont plus de 13 % dans ce cas alors que ce
taux est inférieur à 5,5 % pour les hommes" , précise
l'OND. Dans leur vie quotidienne, les personnes interrogées redoutent
en priorité les dangers de la circulation (23,6 %) et un peu
moins la délinquance et les incivilités (14,2 %). Pour
celles et ceux qui ont subi une agression en 2004, la hiérarchie
des craintes est inversée : la délinquance apparaît
au premier rang (26,6 %).
Piotr
Smolar
Article paru dans l'édition du 15.10.05