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| 17.02.2007 | 23:41
L'ancien préfet,
seul responsable du régime de Vichy condamné pour
son rôle dans la déportation des juifs durant la Seconde
Guerre mondiale, avait été opéré mardi
pour une insuffisance cardiaque. Il avait 96 ans.

Maurice
Papon (AP)
Maurice Papon, seul haut fonctionnaire français condamné
pour complicité de crime contre l'humanité pour son
rôle dans la déportation de juifs de Bordeaux sous
l'Occupation, est mort samedi 17 février à 96 ans,
plus de quatre ans après sa libération, a annoncé
son avocat Francis Vuillemin.
Condamné
en 1998 à 10 ans de réclusion pour son action comme
secrétaire général de la préfecture
de Gironde sous l'Occupation, en fuite en 1999, il a été
incarcéré pendant près de trois ans avant d'être
remis en liberté le 18 septembre 2002 en raison de son état
de santé.
Il résidait
depuis dans sa ville natale en grande banlieue parisienne, où
il était suivi pour des problèmes cardiaques.
"Maurice
Papon est mort samedi 17 février 2007 à 16H00"
pendant son sommeil, a annoncé Me Vuillemin. Dans une clinique
à Pontault-Combault, en Seine-et-Marne, selon une source
policière.
Maurice Papon,
qui vivait retiré dans son pavillon à Gretz-Armainvilliers
(en Seine-et-Marne, près de Paris), avait été
hospitalisé le 8 février pour une "insuffisance
cardiaque" et opéré mardi.
"Anecdotique"
Alors que Me Vuillemin a rappelé que Maurice Papon n'avait
"jamais accepté sa condamnation du 2 avril 1998 par
la cour d'assises de Bordeaux" pour sa participation à
la déportation de 43 Juifs, Me Gérard Boulanger, l'un
des avocats des parties civiles au procès Papon, a regretté
qu'il n'ait "jamais admis ce qu'il avait fait".
Me Arnaud Klarsfeld
a jugé, lui, la mort de Papon "anecdotique", estimant
que l'important c'est sa "condamnation".
Benjamin Abtan,
président de l'UEJF (Union des étudiants juifs de
France) a souligné que "le procès Papon avait
été un moment-clé dans la construction de la
mémoire de la Shoah en France", voyant en lui "un
symbole de la responsabilité de l'Etat français dans
la tentative de destruction des juifs d'Europe".
Marie-George
Buffet, candidate PCF à la présidentielle, s'est indignée
qu'il ait "bénéficié jusqu'à sa
mort d'un traitement de faveur".
Avant d'être
rattrapé par son passé de fonctionnaire sous le régime
de Vichy, Maurice Papon a connu une longue carrière dans
les plus hauts rouages de l'Etat, traversant tous les régimes
de la IIIe à la Ve République.
Des postes exposés
Il a notamment occupé les postes exposés de préfet
de Constantine (1956-58) pendant la guerre d'Algérie, et
de préfet de police de Paris (1958-67) lors de la répression
sanglante de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961,
sous le général de Gaulle.
Après
un bref passage à la présidence de Sud Aviation (1967),
il entame une carrière politique: en 1968, il est élu
député UDR (le parti gaulliste de l'époque)
du Cher, en 1971 maire de Saint-Amand-Montrond (Cher) --il le restera
12 ans-- et est nommé ministre du Budget dans le troisième
gouvernement Barre (1978-81).
C'est en 1981,
juste avant la présidentielle, que le journal satirique le
Canard enchaîné publie des documents datés de
1943 et 44 signés de la main de Maurice Papon, l'impliquant
dans la déportation de juifs bordelais.
Après
17 ans de bataille juridique, l'ancien fonctionnaire est renvoyé
devant les assises de la Gironde en octobre 1997 pour un procès
qui durera six mois, en raison notamment d'interruptions pour hospitalisation.
Un procès "inéquitable"
Après l'épuisement des recours qui induit le caractère
définitif de sa condamnation, Maurice Papon a toujours clamé
son innocence.
C'est ce qu'a
rappelé son avocat, Me Vuillemin, en soulignant dans un communiqué:
"La Cour européenne des Droits de l'Homme a condamné
la France le 25 juillet 2002 pour n'avoir pas respecté les
règles du procès équitable. Le 4 avril 2002,
le Conseil d'État a déchargé Maurice Papon
de la moitié des dommages et intérêts dus aux
parties civiles pour les mettre à la charge exclusive de
l'Etat".
Il a aussi fait valoir que "le Conseil d'État a rétabli
l'ancien préfet de police du général de Gaulle
dans ses droits à pension de retraite le 4 juillet 2003,
avec effet rétroactif".
"Maurice Papon s'est battu jusqu'au bout et il est mort en
homme libre alors qu'il s'apprêtait à livrer son dernier
combat: l'action en réhabilitation", affirme l'avocat.
(AFP)