15/11/05
- Moi m'excuser beaucoup...
Analyse
non-conformiste de Maurice G.DANTEC,
écrivain, sur la société française, la République,
les banlieues, l'Islam ..."
Le
texte ci-dessous, de Maurice G. Dantec, provient du site Internet de
« Europae gentes ». Nous recommandons sa lecture à
tous ceux qui apprécient la combinaison de l’ humour grinçant
et du non conformisme.
'' Moi m'excuser beaucoup.... ''
Au moment
où les affrontements étaient les plus durs en banlieue,
Maurice G. Dantec, écrivain non conformiste de la vague dîte
"néo-réactionnaire", signait un article cynique
où son humour noir souligne avec style le malaise d'une société
enfermée dans ses schémas idéologiques.
A le lire, malgré son ton quelque peu alarmiste, il semble bien
que le premier remède à appliquer soit d'abandonner définitivement
les complexes masochistes que la pensée dominante impose à
la société française au travers des multiples moyens
de désinformation dont elle dispose.
»
« « « « « « « « «
« « « «
"Il
semblerait que depuis une dizaine de jours une série d'incivilités
mineures soit commise dans les " quartiers " de la conurbation
parisienne.
Je ne vois
franchement là aucune raison de s'inquiéter.
Au contraire, je crois le moment venu de présenter mes excuses,
les plus plates, à tous ceux qui ont su me remettre à
ma place, lors du premier semestre 2004, après que j'eus d'une
manière insupportable communiqué par e-mail avec des gens
qu'il ne fallait pas, au moment où il ne fallait pas, avec les
mots qu'il ne fallait pas. Oui, moi m'excuser beaucoup, beaucoup vraiment,
surtout auprès d'Arnaud Viviant et de Jules Joffrin, pour avoir
ainsi osé déformer à ce point la vérité,
radieuse et tranquille, de ce pays qui est - authentiquement - la Lumière
des Nations. Apprenant par la presse l'assassinat d'un inspecteur de
réverbères devant les yeux de sa femme et de sa fille,
parce qu'il venait d'empiéter impunément sur la propriété
privée de trois " jeunes des cités " - un bout
de trottoir - je me suis dit qu'avant cette cure de rééducation
médiatico-idéologique qui me fut donnée à
partir de janvier 2004, j'aurais probablement cédé à
une absurde colère et lancé un anathème injurieux
sévèrement sanctionnable - du type " bêtes
sauvages ".
Très
franchement, accuser de bestialité et de sauvagerie trois pauvres
chômeurs en BMW parce qu'ils s'étaient sentis insultés
par l'appareil photographique obscène que dirigeait vers leurs
lampadaires cet obscur tâcheron de l'urbanisme, non, ce ne peut
être toléré, et surtout pas par moi, en tout cas
plus du tout depuis que j'ai lu l'intégrale des oeuvres de Pierre
Marcelle et d'Aude Lancelin, entrecoupée de l'écoute répétée
des sketches de Dieudonné et des cassettes d'information coranique
de Tariq Ramadan. Ainsi, très humblement, je le dis et le redis
: moi m'excuser beaucoup envers tous ces jeunes artistes qui transforment
Clichy-sous-Bois et les villes adjacentes en une vaste performance de
Land-Art pyrotechnique dont on se demande bien pourquoi elle n'est pas
sponsorisée par Jack Lang, ou Delanoë. C'est beau, en effet,
une ville qui brille la nuit. Voilà des " nuits blanches
" qui se teintent de l'orange éclatant de l'essence enflammée.
Il serait absurde d'en nier la portée esthétique.
Je vois et j'entends des voix qui s'élèvent de toutes
parts avec anxiété. L'immigration islamique serait-elle
vraiment soluble dans la société occidentale ? La culture
du rap, apologie fort ludique du viol des jeunes filles blanches et
du meurtre des Français, doublée d'une volonté
parfaitement assumée de la destruction de l'horrible civilisation
occidentale, s'est parfaitement intégrée à la nouvelle
morale " rebelle ". Laisserait-elle la place à une
idéologie totalitaire propagée par des imams radicaux
venant de tout le Moyen-Orient ?
Allons,
allons.
Nous voyons ici de nouveau surgir le spectre de l'islamophobie, ce démon
qui vient remplacer la célèbre crise de communistophobie
de la seconde moitié du XXe siècle, et la non moins violente
psychose naziophobe des années 30 et 40. Des psychanalystes-anthropologues
comme Malek Chebel sont des spécialistes patentés de cette
psychologie occulte des foules. Il a pu en faire la démonstration
lors d'une émission d'Ardisson où ce puits de science
réussit le tour de force de se présenter comme modéré
tout en entrant dans une colère noire lorsque j'évoquai
incidemment la défaite inéluctable du Djihâd.
Ne pouvant, selon ce professeur émérite, - ontologiquement
parlant - comprendre le Coran, je me suis mis à la lecture de
l'intégrale de Pifou-Poche, histoire de pouvoir à l'occasion
discuter avec Laurent Baffie qui, à la simple évocation
de Saint Thomas d'Aquin se concentra en silence sur son album de coloriage.
Encore une fois, moi demander des excuses à tous ces gens.
Je me suis laissé emporter, aveuglé par tout un tas de
préjugés, comme celui qui faisait selon moi du "viol
en tournantes" un crime contre l'Humanité analogue à
celui pour lequel on poursuit des soudards serbes. Quelle exagération,
tout de même. À la limite du racisme, ne trouvez-vous pas
?
À partir du moment où l'on contredit la pensée
humanitaire-majoritaire, cela signifie bien que l'on est un adepte de
la théorie de la supériorité d'une race sur les
autres, n'est-ce pas ?
Bien sûr là encore, il est nécessaire d'établir
des règles claires. Le racisme doit être puni. Et avec
toute la sévérité requise. Mais à la condition
qu'il s'agisse d'un racisme propagé par des blancs envers d'autres
races.
Un raciste noir anti-blanc, ou anti-asiatique, un raciste arabe antisémite,
ou anti-indien ne sont pas des racistes, il m'était arrivé,
je ne sais comment, de perdre de vue ce paradigme essentiel. Moi m'excuser
beaucoup pour cet oubli gravissime. Les jeux de psychogéographie
néo-situationnistes auxquels se livrent chaque nuit ces groupes
de jeunes désoeuvrés doivent être compris comme
la réponse spontanée et festive à la grisaille
de la vie quotidienne en régime capitaliste. Je songe à
écrire un court essai sur le thème, avec l'aide de Michel
Onfray.
Des oiseaux de mauvais augure, dont j'aurais pu faire partie, si la
lumière démocratique ne m'avait enfin illuminé
de l'intérieur, de sinistres Cassandre disais-je, parlent désormais
sans la moindre vergogne de " guerre civile ". On me dit que
c'est même le terme usité par les médias étrangers
pour caractériser la situation.
Je vois très clairement à l'oeuvre derrière tout
cela - merci à Thierry Meyssan et à M.E Nabe - un machiavélique
complot américano-sioniste et christiano-fasciste qui tendrait
à faire croire que ce modèle des nations qu'est notre
République serait au bord de l'implosion politico-ethnico-religieuse.
Il ne peut en effet s'agir que d'une odieuse caricature de la réalité
: la vision de Villepin et Sarkozy, en charge de ce léger contretemps
dans notre marche vers les radieux lendemains que chantent les muezzins,
est là pour prouver à tous que les choses sont bien en
main, sous contrôle, et que ces quelques échauffourées
isolées et sporadiques ne sont en rien représentatives
de la situation générale qui prévaut sur l'ensemble
du territoire national, où règnent la paix civile et l'ordre
républicain.
C'est pourquoi, à nouveau, moi m'excuser beaucoup, moi m'excuser
le plus humblement du monde, car j'aurais pu, dans un moment d'égarement,
m'étonner que les imams des banlieues en feu demandent des excuses
au gouvernement pour une grenade lacrymogène ayant atterri accidentellement
sur les marches d'une mosquée. J'aurais pu m'étonner que
la mort accidentelle de deux adolescents s'étant enfermés
dans un transformateur haute-tension ait été présentée
faussement par les médias comme la conséquence d'un contrôle
policier ayant mal tourné et que les bandes de jeunes défavorisés-exclus
aient non seulement provoqué cette flambée de violence
à ce propos, mais que, à la différence de celle
du technicien urbaniste lynché parce qu'il prenait des photos
de réverbères, les familles des jeunes électrocutés
qui avaient refusé d'écouter les injonctions des gardiens
de l'EDF se sont vues reçues par les institutions les plus hautes
de la République.
Tout de même, s'émouvoir du sort post-mortem de rien d'autre
qu'un simple ouvrier français ! Oui, moi m'excuser, moi m'excuser
encore. Ce genre de considération aurait démontré
une néfaste résilience de xénophobie-racisme-islamophobie-fascisme
à tendance pro-sioniste, parfaitement condamnable.
Ce n'est pas parce que quelques jeunes gens, sensibilisés par
l'insurportâââble situation du peuple palestinien,
et revenus tout juste d'un voyage touristique en Iraq ou en Tchétchénie,
tirent à balles réelles sur des pompiers et des policiers
français qu'il faut en tirer des conclusions hâtives; le
fait que le cri de guerre de ces jeunes désoeuvrés soient
le fameux " Allah O Akbar " du Djihâd ne peut qu'impressionner
des cerveaux déjà influencés insidieusement par
le fascisme pro-juif et pro-américain.
Oser parler
de guerre civile !
Là encore, quelle perversion délibérée,
quelle déformation mal intentionnée des faits ! C'est
pourquoi moi m'excuser beaucoup auprès de la jeunesse en rebellitude
de la Région Parisienne, mais aussi maintenant de Toulouse, Rouen,
Lille, Strasbourg, Nancy et très bientôt de la France entière.
Moi m'excuser platement auprès des défenseurs de la bonne
pensée, la pensée vraie, la juste pensée, celle
qui maintient intact le tissu social et favorise les progrès
incessants de l'intégration, celle qui marche pacifiquement dans
les rues pour faire face à la violence urbaine.
Moi m'excuser beaucoup auprès des médias au service de
l'État Républicain, moi m'excuser beaucoup-beaucoup auprès
de leurs zélés serviteurs.
Moi m'excuser à l'avance si jamais, un jour, j'en venais à
émettre un commentaire litigieux sur la fin de la France."
Maurice G. Dantec,
à Arnaud Viviant, l'Eugénie du communisme.
Montréal, le 5 novembre de l'An de Grâce 2005