IMMIGRATION
LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION...
ENTRE FAUSSE DURETE ET VRAI LAXISME
MAIS TOUJOURS LA LANGUE DE BOIS POLITICIENNE


Compte rendu
Nicolas Sarkozy veut "choisir" les immigrés et durcir le regroupement familial
LE MONDE | 03.01.06 | 11h30 • Mis à jour le 03.01.06 | 21h07

Près d'un mois après la crise des banlieues et le regain de popularité dont il a bénéficié, le président de l'UMP et ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, entend pousser son avantage. Et, dès la mi-février, être en mesure de présenter, en conseil des ministres, son nouveau projet de loi sur l'immigration. Dans une note du 23 septembre 2005, son directeur de cabinet, Claude Guéant, avait fixé quatre objectifs prioritaires à ses services : "renforcer la capacité du gouvernement, sous contrôle du Parlement, à fixer des objectifs quantitatifs d'immigration" ; "mieux maîtriser l'immigration familiale" ; "promouvoir une immigration choisie d'étudiants et d'actifs" ; "lutter contre les détournements de procédures, s'agissant notamment des étrangers malades". Des objectifs auxquels, le 29 novembre, le premier ministre se rangeait peu ou prou. "Je veux que notre politique de l'immigration soit une politique globale, une politique choisie : c'est la condition même de son efficacité", avait déclaré Dominique de Villepin à l'issue d'une réunion du comité interministériel de contrôle contre l'immigration, emboîtant le pas de son rival sur un terrain qu'il avait jusqu'alors négligé. Le président de la République lui-même a déclaré, lors des vœux du gouvernement, mardi 3 janvier, attacher "la plus grande importance au renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière (…), notamment en matière de regroupement familial. C'est essentiel pour notre modèle d'intégration".Le texte en cours d'élaboration, dont Le Monde a obtenu une copie, répond point par point à ces objectifs. Dans sa rédaction datée du 18 décembre 2005, ni le terme, ni même le principe de"quotas", qui avait choqué l'Elysée et Matignon, ne figurent dans le texte. Dans l'entourage du ministre d'Etat, on assure toutefois que "le principe" d'objectifs quantitatifs d'immigration "n'est pas abandonné".S'il doit encore faire l'objet de discussions ministérielles et interministérielles avant d'être visé par le ministre d'Etat puis arbitré par le premier ministre, l'avant-projet de loi pose bien les jalons de "la lutte contre l'immigration subie et la promotion de l'immigration choisie", dont M. Sarkozy a fait ses priorités.La loi encadrerait désormais l'immigration de travail, ce qui n'avait jamais été fait auparavant. Le droit au séjour serait aménagé pour permettre à des étudiants étrangers formés dans l'Hexagone et à des cadres de haut niveau de travailler quelques années en France. Un étranger pourrait notamment se voir délivrer une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, sans que lui soit opposée la situation de l'emploi en France, dès lors qu'il présente un contrat de travail de dix-huit mois au minimum. Cette carte de séjour lui serait accordée pour la durée prévue ou prévisible de l'emploi. A moins qu'il n'y ait rupture du contrat de travail, auquel cas elle lui serait retirée.Il est également envisagé de créer une nouvelle carte de séjour dite "capacités et talents", valable trois ans, renouvelable. Celle-ci serait délivrée à l'étranger "susceptible de participer, du fait de ses capacités et de ses talents, de façon significative et durable au développement de l'économie française ou au rayonnement de la France dans le monde, ou au développement de [son] pays".
TRÈS ENCADRÉE

Le texte en cours d'élaboration promeut ainsi "l'immigration choisie" de travail, mais il supprime ou restreint fortement les principaux dispositifs de régularisation fondée sur une longue ancienneté de présence en France, ou sur des attaches personnelles et familiales fortes. Ainsi, un étranger en situation irrégulière ne pourrait plus être régularisé après dix années de résidence en France, comme c'était le cas depuis 1984. Aussi, la régularisation, introduite en 1998, sur le fondement de la "vie privée et familiale" – tirée directement de la Convention européenne des droits de l'homme – serait désormais très encadrée : l'étranger devrait dorénavant apporter la preuve de liens personnels et familiaux "stables et intenses, depuis au moins cinq ans" ; il devrait également justifier d'"un logement dont la localisation, la superficie, le confort et l'habitabilité permettent son insertion et, le cas échéant, celle de sa famille dans la société française, compte tenu du nombre et de l'âge de ses enfants", ainsi que de ressources "stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins (…), au moins égales au smic mensuel (…), indépendamment des prestations sociales et allocations familiales".
Seraient également fortement durcies les conditions d'admission au séjour des étrangers entrés en France mineurs et des étrangers malades. Ces derniers notamment ne bénéficieraient plus, de plein droit, d'une carte de séjour. Il faudrait désormais qu'ils justifient d'une présence en France "d'au moins un an" et que leur "état de santé nécessite des soins dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital, sous réserve qu'ils ne puissent bénéficier, en raison de l'absence des moyens sanitaires adéquats, d'un traitement approprié à leur état dans le pays dont ils sont originaires ou dans tout autre pays dans lequel ils sont légalement admissibles". L'objectif étant aussi de "mieux maîtriser" l'immigration familiale, l'avant-projet de loi réévalue à la hausse les critères du regroupement familial en termes de ressources, de logement et de délais requis de séjour sur le territoire français pour en faire la demande. Il durcit également la législation sur la filiation par reconnaissance et celle sur les mariages mixtes.Enfin, la "condition d'intégration républicaine", introduite en 2003 pour certains bénéficiaires de la carte de résident, deviendrait désormais une condition quasi générale d'attribution d'une carte de séjour, temporaire ou permanente. Les conjoints de Français, notamment, jusqu'ici appelés à obtenir de plein droit une carte de résident, pourraient se la voir refuser s'ils ne répondent pas à cette exigence. L'avant-projet de loi dans sa version du 18 novembre va même jusqu'à suggérer que cette condition d'intégration soit requise non seulement pour le demandeur, mais également pour son conjoint et ses enfants.
Laetitia Van Eeckhout et Philippe Ridet

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Un projet dans le cadre de la ligne européenne
LE MONDE | 03.01.06 | 14h12
BRUXELLES BUREAU EUROPÉEN

e projet préparé par Nicolas Sarkozy sur l'immigration s'inscrit dans les orientations définies en commun au niveau européen. Certes, la politique communautaire laisse, en la matière, une assez grande marge de manoeuvre aux Etats membres, mais elle indique des directions qui ont été acceptées par les gouvernements et qui doivent se traduire dans leurs législations.


Ainsi le durcissement des conditions du regroupement familial prévu par le projet français est-il dans la droite ligne d'une directive adoptée en 2003. Le texte prévoit d'allonger d'un an à dix-huit mois la durée de résidence requise pour ouvrir le droit au regroupement familial. La directive européenne, elle, mentionne "une période qui ne peut dépasser deux ans". Deux autres conditions, rendues plus strictes par le projet, concernent les ressources et le logement du demandeur. Elles figurent aussi dans la directive.
Le projet de M. Sarkozy ajoute que le logement doit permettre "l'insertion" de la famille et que le demandeur doit "se conformer aux conditions de l'intégration républicaine dans la société française". Ces notions sont absentes de la directive, mais elles correspondent à une demande des autorités européennes, qui invitent les Etats à favoriser une meilleure intégration par l'application de mesures qui ne relèvent pas de la compétence communautaire. L'article 3 de la directive indique par ailleurs que celle-ci "ne porte pas atteinte à la faculté qu'ont les Etats membres d'adopter ou de maintenir des conditions plus favorables".Le texte français tient compte également de la volonté exprimée par les institutions européennes d'encourager l'immigration légale, soit au bénéfice d'étudiants, soit au bénéfice de travailleurs qualifiés. C'est ce que Nicolas Sarkozy appelle l'immigration choisie. Une directive sur l'admission des étudiants a été adoptée en 2004 et des textes sont en préparation sur celle des travailleurs. Plusieurs dispositions du projet français vont dans le même sens, notamment celle qui crée une période probatoire pour les étudiants en fin de cursus ou encore celle qui simplifie les modalités d'attribution d'un titre de séjour à certaines catégories d'étudiants.De même, le texte français redéfinit les modalités de l'immigration de travail, rassemblant dans un même article les dispositions sur l'admission aux fins d'emploi. Il crée une nouvelle carte de séjour, dite "capacités et talents", à l'intention des étrangers appelés à contribuer au développement de l'économie française ou à celui de leur propre pays. Une innovation en relation directe avec la politique de l'Union. Thomas Ferenczi
Article paru dans l'édition du 04.01.06

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Tollé des associations contre le projet de loi sur l'immigration de Nicolas Sarkozy
LEMONDE.FR | 03.01.06 | 21h03 • Mis à jour le 03.01.06 | 21h21

uit associations dont Act Up et la Cimade ont dénoncé, mardi 3 janvier, le projet de loi sur l'immigration préparé par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, qui durcit les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Elles le qualifient "d'inhumain" et de "raciste" et affichent leur volonté de "le combattre". Ce projet de réforme du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) "conduit à une négation radicale des droits fondamentaux de la personne", déclarent les associations dans un communiqué commun.


Dans un communiqué séparé, Act Up estime que ce projet condamne les étrangers malades en situation irrégulière à la "précarité absolue", voire à une "mort certaine", en remettant en cause le principe de la régularisation pour soins. Les huit associations dénoncent la "perspective utilitariste" dans laquelle s'inscrit, selon elles, ce projet de loi qui veut promouvoir une "immigration choisie". "Ne sera acceptable en France que l'étranger perçu comme rentable pour son économie", écrivent-elles.

Le projet de loi, qui doit être présenté début 2006, durcit notamment les conditions du droit de séjour, du regroupement familial, de la régularisation des sans-papiers. Il entérine la priorité donnée par M. Sarkozy à une "immigration choisie" d'étrangers diplômés dans des secteurs recherchés par l'économie française et rejette "une immigration subie".

"NOUVELLE ÉTAPE DANS LA GUERRE AUX ÉTRANGERS"

Selon Act Up, la Cimade (service oecuménique d'entraide), la Fasti (la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés), le Gisti (Groupe d'intervention et de soutien aux travailleurs immigrés), la LDH (Ligue des droits de l'homme), le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) et le 9ème Collectif des sans-papiers, ce projet "annonce une nouvelle étape dans la guerre aux étrangers menée par le gouvernement".

Dans ce projet, le gouvernement prévoit de relever les conditions du regroupement familial (ressources, logement, avis du maire sur l'intégration républicaine de la famille, connaissance du français) et durcit les conditions de délivrance de la carte "vie privée et familiale" pour les mineurs à la majorité.
La notion de plein droit pour les malades étrangers disparaît, les critères médicaux sont restreints à des soins "urgents et vitaux", dénoncent les associations. Le projet de loi supprime également le droit à une autorisation de séjour pour les sans-papiers présents depuis au moins 10 ans en France. Les associations relèvent que ces mesures vont "repousser dans des zones de non droit" des personnes "ni expulsables, ni régularisables". Parallèlement, le projet offre une voie royale aux "cerveaux étrangers", notent-elles.
En novembre, le ministre de l'intérieur avait réaffirmé devant le Sénat sa volonté de lutter contre l'immigration clandestine qu'il considère comme "un facteur de déstabilisation de la société". "Il appartient à la Nation de fixer le nombre de migrants qu'elle souhaite accueillir et de les choisir en fonction de ses capacités d'accueil et de ses intérêts", avait-il répété, en souhaitant "attirer en France les compétences dont notre pays a besoin". Selon les associations, dont certaines ont dénoncé ces derniers mois une dérive de M. Sarkozy vers des thèses chères à l'extrême droite dans la perspective de la présidentielle de 2007, ce projet de loi est "raciste".
Avec AFP et Reuters