LE
PAPE DEMANDE LA LIBERATION DE RAHMAN
AFGHANISTAN
NOUVELOBS.COM
| 25.03.06 | 15:46
Le
pape Benoît XVI demande la libération de l'Afghan qui risque
la peine de mort pour s'être converti au christianisme.
Abdul Rahman (AP)
Hamid Karzaï est très sollicité. Le 25 mars, deux
jours après les coups de téléphones du Premier
ministre canadien, Stephen Harper, et de Condoleezza Rice, c'est au
tour du pape Benoît XVI de demander par lettre au président
afghan la grâce pour l'Afghan passible de la peine de mort pour
s'être converti au christianisme.
Hier déjà, les diverses pressions internationales avaient
poussé un haut responsable du gouvernement afghan à annoncer
que l'homme "devrait bientôt être libéré".
Abdul Rahman, 41 ans, a été emprisonné
il y a deux semaines pour avoir abandonné l'islam et épousé
la foi chrétienne, ce
qui est passible de la peine de mort selon la loi islamique en vigueur
en Afghanistan.
Mercredi déjà, avait été évoqué
la possibilité qu'il échappe à la mort en raison
d'un "problème mental". "Il a peut-être
un problème psychologique", a déclaré le porte-parole
de la Cour suprême Wakil Omari. "Son cas doit être
étudié par les autorités médicales. S'il
est prouvé qu'il a un problème psychologique, il pourrait
ne pas être jugé".
Une forte
pression internationale
Ces
déclarations interviennent alors que plusieurs gouvernements
occidentaux, à commencer par les Etats-Unis, principal soutien
du président Hamid Karzai, ont exprimé leur inquiétude,
révélant les contradictions entre certains principes occidentaux
et ceux de l'islam. L'éventuel problème psychologique
d'Abdul Rahman, outre lui permettre d'échapper à la mort,
aurait l'avantage d'éviter une crise politique durable au gouvernement
Karzai, écartelé entre des bailleurs de fonds internationaux
de culture chrétienne et une opinion publique musulmane très
conservatrice. Après les Etats-Unis, l'Italie et l'Allemagne,
le représentant spécial de l'ONU en Afghanistan, Tom Koenigs,
a lui aussi fait part de sa "préoccupation", et appelé
les autorités afghanes à respecter la liberté de
culte de Abdul Rahman.
Aucune
loi contraire à la charia
La
constitution de la République islamique d'Afghanistan, adoptée
en janvier 2004, stipule qu'"aucune loi ne peut être contraire
aux principes" de la charia, ou loi de l'islam, laquelle interdit
à tout musulman de se convertir à une autre religion,
sous peine d'être exécuté.
Mais elle cite également en préambule la déclaration
universelle des droits de l'homme, à laquelle "l'Afghanistan
a adhéré en tant que membre de l'ONU", et qui garantit
la liberté de culte. Dans la matinée, la présidence
afghane avait réagi pour la première fois à cette
affaire en indiquant qu'elle devait "être traitée
par le seul pouvoir judiciaire", tout en se déclarant "attachée
au respect des droits de l'Homme". Abdul Rahman a abandonné
l'islam pour le christianisme il y a 16 ans, alors qu'il travaillait
pour une ONG chrétienne à Peshawar (Pakistan). Il a ensuite
passé neuf ans en Allemagne, avant de revenir en Afghanistan
en 2005. Selon des sources judiciaires, ses relations très orageuses
avec sa famille, qui a la garde de ses deux filles de 13 et 14 ans,
auraient conduit celle-ci à dénoncer sa conversion à
la police.
"Aucun
regret"
Lors
de sa première audition par les juges, Rahman a admis sa conversion
au christianisme, ajoutant qu'il n'avait "aucun regret", selon
le juge Ansarullah Mawlavizada. Il dispose de deux mois pour présenter
sa défense, a ajouté le juge, sans s'avancer sur une date
concernant la fin du procès.
"S'il ne revient pas à l'islam, il recevra la peine de mort,
comme le prévoit la loi. S'il revient à l'islam, le tribunal
a deux options: lui pardonner, ou lui infliger des châtiments
mineurs". La perspective d'un tel procès, le premier depuis
la chute des talibans à la fin 2001, et surtout d'une éventuelle
peine de mort a hérissé les pays occidentaux, qui estiment
que toute exécution pour ces motifs reviendrait à bafouer
la démocratie naissante qu'ils tentent de promouvoir en Afghanistan.
Jugeant cette situation "insupportable", le secrétaire
d'Etat allemand à la Défense, Friedbert Pflüger,
avait ainsi lancé un appel à la communauté internationale
en soulignant que son pays "participe à la stabilisation
du pays avec 2.450 soldats afin que le pays devienne démocratique,
et non pas pour que des peines de mort soient prononcées pour
des motifs religieux".