L'affaire
devient une affaire d'Etat. En dénonçant mercredi la
« démission » de la justice face à la délinquance
juvénile en Seine-Saint-Denis, Nicolas Sarkozy s'est mis dans
une situation politique très délicate à sept
mois de la présidentielle. Hier, ses attaques contre les magistrats
du 93 ont provoqué de virulentes réactions dans la magistrature
et la classe politique, y compris dans son propre camp.
Plusieurs
ministres ont pris la défense des magistrats. Le porte-parole
du gouvernement, Jean-François Copé, a estimé
qu'ils ont « pleinement à coeur de faire respecter la
règle de droit ». Pascal Clément, garde des Sceaux,
a déclaré que « les magistrats de Bobigny font
un travail très dur et le font bien ». Dominique de Villepin,
adversaire nº 1 de Sarkozy au sein de la majorité, a de
son côté ajouté que « tout le gouvernement
» est « conscient de la tâche difficile des magistrats
».
Seuls
les amis du ministre de l'Intérieur ont pris la défense
de leur champion. Pour le député UMP Yves Jégo,
Nicolas Sarkozy « pose les vraies questions ». François
Fillon, lui, voit dans la situation en Seine-Saint-Denis la justification
de la « vraie rupture » prônée par le candidat
de droite à la présidentielle de 2007.
L'opposition,
elle, a tiré à boulets rouges. Jack Lang a estimé
que le ministre de l'Intérieur devait démissionner.
Arnaud Montebourg l'a qualifié d'« anti-républicain
dangereux » en ne respectant pas la séparation des pouvoirs
(lire ci-dessous). Laurent Fabius a demandé à Jacques
Chirac de « rappeler à l'ordre » son ministre d'Etat.
Le président
de la République ne s'est pas exprimé. Mais il reçoit
ce matin à l'Elysée Guy Canivet, premier président
de la Cour de cassation, le plus haut magistrat du siège, qui
a réagi hier publiquement – fait rarissime – et
a demandé une audience à Jacques Chirac. Pour Canivet,
les déclarations de Sarkozy sont « une nouvelle atteinte
à l'indépendance de l'autorité judiciaire ».
Son confrère, Renaud Chazal de Mauriac, premier président
de la cour d'appel de Paris, a, lui, fustigé « la stigmatisation
de la justice à travers des formules chocs et réductrices
». Droit dans ses bottes, Nicolas Sarkozy a réagi en
fin de journée, estimant que « les Français savent
bien » qu'il dit la « vérité ».
Bastien
Bonnefous