Les islamistes projetaient un attentat à Paris



Jean Chichizola
20 mars 2006, (Rubrique France)
Vingt-six personnes sont jugées à partir d'aujourd'hui dans l'affaire dite des «filières tchétchènes».


VINGT-SIX ISLAMISTES présumés comparaissent aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre du procès dit des «filières tchétchènes». Les débats devraient s'achever le 12 mai.

Les prévenus, arrêtés entre 2002 et 2005, sont accusés d'avoir participé à une filière d'acheminement de djihadistes vers la Géorgie dans le but de combattre en Tchétchénie et, pour certains d'entre eux, d'avoir projeté en 2002 un attentat à l'arme chimique ou biologique en France. Poursuivis pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», ils encourent une peine maximale de dix ans de prison.

Rebutés par le bourbier caucasien

Ce procès permettra notamment de constater l'extraordinaire mobilité des volontaires islamistes qui, après s'être entraînés en Afghanistan à la fin des années 90 et au début des années 2000, se sont, pour une poignée d'entre eux, aventurés en Géorgie avec l'espoir de passer en Tchétchénie. Rebutés par le bourbier caucasien, ils se tourneront à partir de 2003 vers l'Irak.

L'un des principaux prévenus illustre cette démarche. Said Arif, 40 ans, ancien lieutenant de l'armée algérienne, a séjourné dans les camps d'entraînement d'al-Qaida en Afghanistan, puis en Géorgie en 2001-2002 avant d'être interpellé en Syrie en 2003 et expulsé vers Paris. Il a été envoyé dans le Caucase par des membres du groupe de Francfort qui projetait un attentat à Strasbourg en décembre 2000. Le plan avait été déjoué in extremis par l'arrestation du gros des terroristes à Francfort.

Installé dans les gorges de Pankissi (nord de la Géorgie), Said Arif retrouve des membres du groupe de Francfort, des responsables d'al-Qaida, comme le Jordanien Abou Atya, et des combattants tchétchènes repliés temporairement. L'enquête a révélé le caractère explosif de ces rencontres. Incarcéré en Jordanie depuis 2003, Abou Atya a ainsi évoqué l'acquisition de matériau radioactif ou encore le projet d'attentat au missile sol-air contre des avions civils en France ourdi par un islamiste algérien, Taqi al-Din. Interpellé en Turquie en 2003, ce dernier a été expulsé vers Alger.

Des attentats chimiques en région parisienne

Le tribunal n'aura pas à juger de ces faits. Mais d'un autre complot présumé. Une partie des djihadistes auraient en effet quitté le Caucase en 2002 pour préparer des attentats chimiques en région parisienne. En décembre 2002, la DST interpelle deux groupes d'islamistes à La Courneuve et Romainville (Seine-Saint-Denis). Le premier est dirigé par un homme sorti des maquis algériens de la région de Chlef. A Romainville, le chef présumé de la cellule a un tout autre profil. Menad Benchellali est un Français né à Vénissieux (Rhône) où ses proches vivent toujours. Ancien d'Afghanistan, il revient de Géorgie. Tous deux seraient des experts en explosifs. Les perquisitions permettent la découverte d'éléments troublants : un atelier de faux papiers, des circuits imprimés, un système de mise à feu dissimulé dans une machine à laver et une liste de produits suspects.

Treize mois plus tard, un nouveau coup de filet permet la découverte d'un laboratoire de fabrication d'un poison mortel, la ricine. Menad Benchellali est soupçonné d'avoir monté ce dispositif. Ses parents et l'un de ses frères sont interpellés et mis en examen. Le 11 janvier 2005, trois derniers suspects, des Algériens originaires de la région de Chlef, sont arrêtés à Paris.

Au-delà du débat sur la culpabilité des uns ou des autres, le procès qui s'ouvre aujourd'hui permettra de préciser un point essentiel : l'objectif des terroristes présumés. Tout a été évoqué : de l'ambassade de Russie à un magasin parisien en passant par des commissariats de police ou encore... la tour Eiffel !