IMMIGRATION
A SANGATTE, MAGRE LA FERMETURE, LE TRAFIC CONTINUE.
Les réfugiés
continuent d'affluer à Calais
IMMIGRATION - Malgré la fermeture du centre de Sangatte, de 200
à 300 candidats à l'exil en Angleterre errent dans le
port français.
Jean Valbay - Le Figaro [28 décembre 2005]
QUELLE SOLUTION
pour les réfugiés de Calais, alors que la réouverture
d'un centre d'hébergement est rejetée par les autorités
nationales, le maire communiste de la ville, Jacky Hénin, et
les habitants, à commencer par ceux de Sangatte ?
La question se pose
à nouveau en cette période de fête où l'errance
de 200 à 300 réfugiés sur les quais et dans certains
quartiers excentrés contraste avec l'atmosphère joyeuse
créée dans le centre-ville par les illuminations, les
chants diffusés par haut-parleurs et l'animation commerciale.
Face au théâtre, qui s'apprête à fêter
son centenaire, dans le secteur rénové des quatre boulevards
qui n'a jamais attiré autant de chalands, un commerçant,
approuvé par ses clients, regrette qu'«à l'extérieur,
Calais apparaisse comme la ville de la misère du bout du monde,
alors qu'elle n'a jamais été aussi dynamique. Nous subissons
cet afflux de pauvres bougres et nous n'y pouvons rien».
On a assisté,
la semaine dernière, à l'accroissement de la pression
policière, notamment quand des dizaines de CRS sont intervenus
quai Paul-Devot pour emmener une centaine de clandestins venus recevoir
leur repas du soir des mains des bénévoles de l'association
Belle Etoile. Les réfugiés ont ensuite été
emmenés vers des centres d'hébergement dispersés
à travers la France. «Une opération inutile, déplore
l'abbé Boutoille, du collectif C-SUR. Ils vont s'enfuir le plus
vite possible pour revenir à Calais. Ce sont de bons marcheurs,
puisque certains sont venus du centre de l'Afrique à pied.»
Ce que confirme Nicolas Sarkozy dans sa lettre réponse adressée
récemment à l'évêque d'Arras, Mgr Jaeger,
qui lui avait écrit : «Je suis étonné de
constater que la République se comporte à leur égard
comme s'ils n'existaient pas.»
L'Angleterre reste
un eldorado
Précisant
que «tous les services de l'Etat concernés se mobilisent
pour organiser l'hébergement des migrants dans la région
même», le ministre de l'Intérieur ajoutait que «la
difficulté vient de ce que des personnes refusent de rester dans
les structures d'accueil et repartent d'elles-mêmes vers le Calaisis,
alors qu'il est impossible de les maintenir contre leur gré dans
ces hébergements».
L'Angleterre reste
pour ces pauvres hères, parmi lesquels figurent de plus en plus
d'Africains, un eldorado, et les passeurs continuent à jouer
de ce mirage. «C'est aussi la présence de ces derniers
qui impose une action répressive tout en tenant compte de la
dimension humanitaire», souligne-t-on à la sous-préfecture.
L'action de quelques
dizaines de bénévoles vient d'être renforcée
par l'arrivée d'une équipe de Médecins sans frontières,
«car la situation est vraiment exceptionnelle», dit le docteur
Jacques Bernard, qui «soigne beaucoup de traumatismes dus aux
chutes ainsi que des douleurs articulaires provoquées par le
fait que ces hommes marchent beaucoup». Pour lutter contre le
froid, sacs de couchage, blousons, bonnets ont été distribués
à cette population fragilisée.
Nicolas Sarkozy,
qui s'était déplacé à Calais en novembre,
au lendemain du viol d'une handicapée par deux clandestins, a
prévu d'y retourner en janvier pour montrer qu'il ne se désintéresse
pas du problème, mais pour réaffirmer également
son refus de «rouvrir un nouveau Sangatte».
La population des
migrants a changé
Une volonté
partagée par le maire de Calais, qui «ne veu(t) pas être
complice de la formation d'un nouveau centre de ce type». S'il
admet la complexité du problème, l'élu continue
néanmoins de penser que «Nicolas Sarkozy se trompe de stratégie,
car ce n'est pas par la répression qu'on le réglera».
D'abord, la population des migrants a changé. Kurdes et Afghans
ont laissé place à des Somaliens, Erythréens et
autres habitants de l'Afrique subsaharienne qui arrivent à Calais
sans aucuns papiers. D'où l'impossibilité de les renvoyer
chez eux, comme le suggère le ministre, puisqu'on ne sait pas
vraiment d'où ils viennent. Par ailleurs, Kurdes et Afghans n'étaient
pas toujours démunis d'argent, alors que les nouveaux migrants
le sont.
«Ce n'est
pas à Calais même, mais en amont qu'il faut s'attaquer
aux réseaux de passeurs internationaux», suggère-t-on
à la mairie, où Jacky Hénin ne cesse de répéter
: «Le problème est de dimension européenne, voire
maintenant euro-africaine. Calais n'est que le terminal d'une source
qui ne se tarit pas et qui ne tarira pas tant que l'Angleterre continuera
avec ses lois laxistes de séduire les miséreux.»