L’immigration
choisie, une dangereuse lubie chère à N. Sarkozy...
Telles
sont , en substance, les conclusions du rapport de l’inspection
générale de l’administration qui pointe que
la France n'a plus, dans l'état actuel de son économie,
les moyens d'accueillir de nouveaux immigrés.
INTÉGRATION
Commandé par Nicolas Sarkozy, un rapport dénonce des «
capacités d'accueil saturées »
L'immigration choisie se heurte à la réalité des
besoins
LE MONDE Article paru dans l'édition du 18.03.06
Le constat est tranché : « La France n'a plus, dans l'état
actuel de son économie, les moyens d'accueillir des immigrants.
» Celui qui le dresse, Richard Castera, inspecteur général
de l'administration, s'était vu confier en septembre 2005 une
mission d'évaluation des « capacités d'accueil de
la France et ses besoins » par le ministre de l'intérieur.
Si l'analyse
de M. Castera ne fait encore l'objet que d'un rapport d'étape,
dont Le Monde a eu copie, le ministère de l'intérieur
s'est bien gardé de l'ébruiter. Ses premières conclusions
battent en brèche l'idée d' « immigration choisie
» que Nicolas Sarkozy entend promouvoir à travers le nouveau
projet de loi qu'il devrait présenter en conseil des ministres
en avril.
Pour M.
Castera, la France doit prendre acte du fait que ses capacités
d'accueil ne lui permettent pas d'intégrer dans de bonnes conditions
le flux migratoire qu'elle admet chaque année - plus de 160 000
personnes en 2004 selon ses estimations. Et elle doit faire des choix
pour réduire ce flux. « L'immigration «choisie»
ne se substituera pas à l'immigration «subie», elle
risque au contraire de créer une vague supplémentaire
d'entrée d'immigrés qui ne seront pas à l'abri
du chômage », soutient-il.
M. Castera
affirme donc que la France « n'a d'autres choix que de réduire,
au moins pendant quelques années, le flux des personnes entrant
sur son territoire », avant d'ajouter : « Faute de quoi,
elle s'expose à de nouvelles explosions comme celle qu'elle a
connue en novembre dans les banlieues ».
C'est en
particulier dans le domaine du logement, mais plus encore en matière
d'emploi, que l'intégration pose problème, relève
M. Castera. Son raisonnement est simple. Chaque année, plus de
100 000 étrangers se présentent sur le marché du
travail. A l'immigration pour motif professionnel - 11 400 personnes
en 2004 -, s'ajoutent les immigrants pour motifs familiaux disposant
d'un titre de séjour les autorisant à travailler.
«
SITUATION ATYPIQUE »
Or le secteur
privé, le seul qui leur soit accessible, ne génère
pas suffisamment d'emplois pour satisfaire les demandes : en 2004, il
enregistrait 86 000 créations nettes. « Les capacités
d'accueil des populations immigrées sont donc totalement saturées.
Et les premières victimes de cette réalité sont
les étrangers », relève M. Castera, soulignant que
le taux de chômage de ces populations est bien supérieur
à la moyenne de la population (17,6 % contre 9,7 %).
Dans un
autre rapport, « Besoins de main-d'oeuvre et politique migratoire
», mis en ligne vendredi 17 mars (www.strategie.gouv.fr.), le
Centre d'analyse stratégique (CAS, ex-Commissariat général
du Plan) est loin d'être aussi définitif.
«
Qu'il s'agisse de sa population totale ou de sa population active, la
France ne connaîtra pas, à l'horizon 2015, à la
différence d'autres pays européens, de problème
démographique global qui justifierait un recours massif à
l'immigration », soulignent les experts du centre. Cependant,
précisent-ils, « ce constat n'interdit pas à la
France de s'interroger sur l'immigration ciblée dont elle a besoin,
pour répondre à certaines difficultés sectorielles
de son économie ou, de façon plus positive, pour enrichir
son développement et sa croissance ».
Bien que
vieillissante, la France, observe le CAS, se trouve dans une situation
atypique en Europe, avec un accroissement de sa population, peu lié
aux flux migratoires. Son taux de fécondité (1,94 enfant
par femme en 2005), la place au premier rang européen, à
égalité avec l'Irlande. Reste que l'économie française
connaît d'ores et déjà des pénuries de main-d'oeuvre
dans certains secteurs comme le bâtiment et les travaux publics,
l'industrie mécanique, l'hôtellerie-restauration, ou le
secteur hospitalier et parahospitalier. Un phénomène qui
n'ira qu'en s'amplifiant.
Face à
ces tensions qui grèvent le développement des entreprises
et « ne se résorberont pas à court terme »,
l'immigration peut constituer « une solution transitoire »,
selon le CAS. Les auteurs du rapport jugent « indispensable »
de faciliter le recours à la main-d'oeuvre étrangère
par les employeurs ne parvenant pas à pourvoir leurs postes de
travail.
«
SOUS-EMPLOI »
D'autant
qu'à l'horizon 2015, avec le départ à la retraite
des baby-boomers, le nombre de postes à pourvoir devrait augmenter.
Ces tensions se feront sentir pour l'essentiel dans des métiers
très qualifiés, mais aussi pour des emplois peu qualifiés,
en particulier les services à la personne.
Sur ce
point, Richard Castera réfute l'idée de faire appel à
l'immigration pour compenser les insuffisances de main-d'oeuvre. «
Le chômage et le sous-emploi, ainsi que la faiblesse du taux d'activité
de certaines catégories de personnes (seniors, femmes, jeunes),
offrent des gisements considérables de main-d'oeuvre. Des politiques
actives d'emploi et de formation professionnelle peuvent permettre d'ajuster
offre et demande si des besoins sectoriels ou spécialisés
se font sentir. Si des emplois sont à pourvoir, la priorité
doit être impérativement accordée à réduire
le chômage, et notamment celui des immigrés déjà
présents en France », objecte-t-il enfin.
Une priorité
que le CAS met également en avant. Il suggère d'ailleurs
d'ajouter au contrat d'accueil et d'intégration un volet insertion
professionnelle et d'ouvrir les professions fermées aux étrangers.
Il ne manque pas de souligner que l'ouverture du marché du travail
aux salariés des nouveaux états membres de l'Union européenne,
au plus tard à partir de 2009, permettra sans doute de pourvoir
à une partie des besoins. Un « recours accru et ciblé
» à l'immigration extra-communautaire n'en est pas moins
souhaitable dans les secteurs faisant face à des tensions structurelles,
soutient-il.
Pour gérer
ces migrations de travail, le centre, peu convaincu par les quotas,
défend une « gestion déconcentrée ».
Il appelle l'administration à accélérer et simplifier
les procédures d'attribution des autorisations de travail. Pour
nourrir ce qu'il préconise : « Une immigration plus qualifiée
et plus fluide. »
Laetitia
Van Eeckhout