Les forces de l'ordre, cible privilégiée des violences
urbaines
LE MONDE | 16.10.06 | 11h13 • Mis �jour
le 16.10.06 | 17h08
'indicateur national des violences urbaines confirme un sentiment
né ces dernières semaines, au gré de quelques
agressions de policiers fort débattues : les violences contre
les forces de l'ordre et, plus généralement, les représentants
des services publics (pompiers, personnels de santé, etc.)
sont en hausse de 30 % au mois de septembre par rapport à août,
un mois traditionnellement calme dans les cités en raison des
vacances.
Près de 480 faits ont été recensés par
la direction centrale de la sécurité publique (DCSP)
et la direction centrale des renseignements généraux
(DCRG). "Le paradoxe de la situation actuelle, c'est que la situation
est plus calme qu'on ne le pensait, si on compare à la période
du contrat premier embauche au printemps ou au mois de juillet, souligne
Michel Gaudin, le directeur général de la police nationale.
Il y a, cependant, un phénomène d'amplification médiatique
autour des agressions de policiers." Les syndicats de policiers
estiment, pour leur part, qu'un désir inédit de cibler
la police se diffuse actuellement.
Si les estimations mensuelles nécessitent toujours d'être
prudents dans l'analyse, elles sont confirmées par d'autres
chiffres. Depuis le début de l'année, le nombre de ces
violences s'élève à près de 4 200. Selon
le ministère de l'intérieur, le nombre de policiers
blessés en mission au cours des six premiers mois s'est élevé
à 2 458 et celui des blessés en service (simples accidents
du travail) à 3 183. Pour les blessés en mission, la
tendance est donc largement supérieure à 2005 (4 246
pour toute l'année) et 2004 (3 842). "Il y a une façon
très simple d'avoir moins de policiers blessés, c'est
de laisser les quartiers à l'abandon. Nous, nous avons choisi
de multiplier les interpellations", remarque Michel Gaudin.
Au total, l'indicateur des violences urbaines – outil mis en
place en 2005, qui compte neuf rubriques et ne prétend pas
à l'exhaustivité –, a enregistré 7 690
faits en septembre, contre 7 350 en août, soit un total de près
de 76 900 depuis le 1er janvier. Une tendance se dessine depuis la
rentrée : la violence se déplace des cibles matérielles
aux cibles humaines. Les incendies de poubelles et de biens publics
ont ainsi baissé de 10 % en septembre ; le nombre d'incendies
de voitures semble aussi se tasser depuis la fin juin (près
de 3 200 faits en septembre, contre 3 100 en août).
En revanche, les jets de projectile ont augmenté de 30 %,
de même que les rodéos urbains, qui servent souvent d'appât
pour faire entrer les forces de l'ordre dans les cités (près
de 510 faits en septembre). Derrière ces statistiques, les
spécialistes policiers perçoivent une délinquance
plus dure, mieux organisée, sans pour autant tirer de conclusions
définitives sur la multiplication des agressions contre les
policiers. Les RG s'interrogent particulièrement sur un effet
de mimétisme que pourrait susciter la multiplication des reportages
et des articles sur l'anniversaire des violences urbaines de novembre
2005.
Toutefois, selon eux, les conditions de la commémoration ne
sont pas réunies à l'heure actuelle. Il n'existerait
pas de solidarité fédératrice entre quartiers
sensibles; les auteurs habituels de ces violences urbaines ne peuvent
pas s'appuyer sur une date symbolique forte, comme le 14 juillet ou
le 31 décembre, nuits traditionnellement marquées par
une multiplication des incendies de voitures. La fin du ramadan et
les vacances scolaires, à la fin du mois, seront un test important.
Le ministère de l'intérieur note aussi le rôle
très actif joué par les syndicats de policiers dans
la médiatisation des agressions contre les forces de l'ordre,
le 19 septembre dans la cité des Tarterêts, à
Corbeil-Essonnes (Essonne) et le 1er octobre dans la cité des
Musiciens aux Mureaux (Yvelines). "Il y a eu, c'est incontestable,
une mise en scène syndicale très efficace, une façon
de monter les choses en épingle, notamment au moment des Mureaux",
explique-t-on au cabinet de Nicolas Sarkozy.
A la fin du mois de novembre auront lieu les élections professionnelles
chez les policiers. Cette échéance provoque actuellement
une activité syndicale intense, d'autant plus que, chez les
gardiens de la paix et les officiers, le scrutin s'annonce indécis.
A l'approche de l'anniversaire des violences urbaines, tout événement
qui a trait aux banlieues provoque sur le champ la rédaction
de communiqués syndicaux, réclamant plus de moyens ou
dénonçant le sort fait aux fonctionnaires. Les représentants
des principales organisations devraient être reçus, mardi
17 octobre, au ministère de l'intérieur.
Pour l'heure, Nicolas Sarkozy n'envisage pas de faire de déplacement
en banlieues, afin de ne pas "forcer dans le symbolique",
comme le résume son entourage.
Piotr Smolar
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Villepin demande un renforcement des poursuites et des peines contre
les auteurs d'agression de policiers
LEMONDE.FR avec AFP | 16.10.06 | 15h12 • Mis �jour
le 16.10.06 | 17h19
près la série d'agressions dont ont été
victimes des policiers ces dernières semaines, le premier ministre
a demandé, lundi 16 octobre, au ministre de l'intérieur,
Nicolas Sarkozy, et au ministre de la justice, Pascal Clément,
"un renforcement des poursuites et des peines en cas d'agression
des forces de l'ordre". Dominique de Villepin a également
appelé à un "renforcement de la coordination de
tous les services de l'Etat dans le domaine de la prévention
de la délinquance".
Dominique de Villepin a fait ces annonces après une rencontre
à Matignon avec les responsables d'associations présentes
sur le terrain des zones urbaines sensibles. Tous ont exprimé
un sentiment d'inquiétude face à l'aggravation de la
situation, un an après les émeutes qui avaient secoué
les cités en novembre 2005. "On est un peu inquiets à
l'approche de la date anniversaire parce que, quand même, il
y a des tensions dans les quartiers", a déclaré
Hassan Ben M'Barek, porte-parole du collectif Banlieues respects,
à l'issue de cette réunion, à laquelle assistaient
également les ministres des sports et de la promotion de l'égalité
des chances, Jean-François Lamour et Azouz Begag.
STIGMATISATION DES BANLIEUES
Karim Oumnia, PDG d'une entreprise d'équipements sportifs,
a mis en garde contre les amalgames, affirmant qu'il "ne faut
pas que ces tensions deviennent la lutte d'une partie de la France
contre l'autre" car "ce ne sont pas les cités qui
font ces événements, mais quelques personnes, et la
majorité des habitants, qui sont maghrébins ou africains,
sont contre ces événements".
Les associations ont dans l'ensemble regretté que le discours
politique, à l'approche de l'élection présidentielle,
stigmatise les banlieues et les immigrés. "Toutes les
thématiques qui opposent les citoyens les uns aux autres, les
structures les unes aux autres, les magistrats aux policiers, sont
un discours dangereux et nous serons tous perdants si on continue",
a ainsi estimé Ali Aïssaoui, d'UNIR (Union nationale des
initiatives républicaines). De même, Stéphane
Ouraoui, président de Pas de quartier, tous citoyens, redoute
que les habitants des banlieues dites "difficiles" ne soient
"les otages de la prochaine campagne présidentielle".
Enfin, le collectif Banlieues respects a réitéré
sa demande d'un "débat parlementaire" sur l'utilisation
des 700 millions d'euros accordés après les émeutes.
"100 millions ont été attribués aux associations
et 600 millions aux élus locaux", a relevé M. Ben
M'Barek. "Au bout d'un an, on s'aperçoit que ceux qui
en ont profité sont les grands réseaux associatifs nationaux
et les élus locaux", alors que les associations de terrain
"n'ont pratiquement rien eu du tout", a-t-il regretté.
Le premier ministre devrait leur donner une réponse "prochainement"
sur ce débat. Il a toutefois rappelé que, depuis les
émeutes de l'automne 2005 dans les banlieues, "plus de
cent mesures ont été décidées et sont
actuellement mises en œuvre pour inverser des processus de ségrégation
et d'exclusion sociale".
Epinay-sur-Seine : des policiers agressés par une trentaine
de jeunes
LEMONDE.FR avec AFP | 14.10.06 | 12h52 • Mis à jour le
14.10.06 | 21h32
es policiers ont été agressés par une trentaine
de jeunes, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 octobre à
Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, et l'un d'eux, blessé,
a été hospitalisé, selon plusieurs syndicats
de police.
Selon les premiers éléments de l'enquête, des
policiers locaux ont été appelés vendredi peu
avant 23 heures pour un vol à la roulotte du côté
de la cité sensible Orgement, à Epinay-sur-Seine. Arrivés
sur place en voiture, entre deux et quatre policiers de la brigade
anti-criminalité (BAC) ont été "entourés
par une trentaine de jeunes dont certains encagoulés".
Ces derniers ont bloqué le véhicule de la BAC avec leurs
voitures et ont aspergé les policiers avec du gaz lacrymogène.
Les policiers ont réussi à sortir de leur véhicule
de service en tirant des coups de feu en l'air. L'un d'eux a été
blessé "par un jet de pierre" qui l'a atteint à
la mâchoire et a été admis à l'hôpital.
Ses jours ne sont pas en danger, a précisé la police.
Il s'agirait, selon Frédéric Lagache, secrétaire
national d'Alliance (premier syndicat de gardiens de la paix), d'un
"guet-apens". Cette thèse est également confirmée
par des habitants du quartier qui ont été témoin
de la scène. Le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy,
a adressé samedi un courrier au policier blessé à
Epinay en lui exprimant son "total soutien".
Les syndicats de police s'inquiètent eux de la hausse des
violences contre les forces de l'ordre. L'UNSA-police a dénoncé
samedi des "agressions de plus en plus violentes". Le syndicat
indépendant des commissaires de police exige pour sa part des
"sanctions exemplaires".
Trois policiers ont été agressés à Epinay-sur-Seine
LE MONDE | 16.10.06 | 16h08
endredi 13, trois policiers de la brigade anticriminalité (BAC)
qui circulaient à bord d'un véhicule de police ont été
agressés par des jeunes cité d'Orgement à Epinaya-sur-Seine
(Seine-Saint-Denis). Le conducteur de la voiture, Christophe Estève,
30 ans, grièvement blessé au visage par un projectile,
a dû être hospitalisé à Eaubonne (Val-d'Oise).
Les forces de l'ordre attaquées à Ris-Orangis et à
La Courneuve
Des policiers ont été victimes de jets de pierres à
Ris-Orangis (Essonne), samedi 14 octobre, vers 23 h 30, alors qu'ils
intervenaient pour mettre fin à une bagarre entre une cinquantaine
de jeunes gens pendant une soirée festive. Ceux-ci se sont
retournés contre les policiers à leur arrivée.
Une vingtaine de personnes, de source policière, ont commencé
à lancer des pierres. Ils ont ensuite été rejoints
par une trentaine d'autres individus. Les policiers ont fait usage
de grenades lacrymogènes. Quatre jeunes gens, de Grigny et
de Corbeil-Essonnes, ont été interpellés. Par
ailleurs, des policiers ont fait usage de leurs armes de service,
jeudi 12 octobre, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), "afin
de se dégager" face "à une trentaine de jeunes
les ayant pris à partie", selon une source policière.
[-] fermer
Son état ne suscitant plus d'inquiétude, il devait sortir
dans la journée de lundi. "On est passé à
côté d'un véritable drame, un cap a été
franchi", ont déclaré des syndicats de policiers.
Il était un peu plus de 22 h 30, vendredi, lorsqu'au pied
de l'immeuble qui barre la rue de Strasbourg, une vingtaine de jeunes
cagoulés, armés de battes et de pierres de ballast s'en
sont pris à la patrouille alertée pour des vols à
la roulotte.
Selon le directeur départemental de la sécurité
publique, David Skuli, les fonctionnaires "ont été
piégés dans un véritable guet-apens". Coincés
dans leur véhicule bloqué par deux voitures mises en
travers de la chaussée, les policiers ont dû faire face
à des jets de pierre et à des coups de barre fracassant
leur pare-brise.
Toujours selon la même source, les fonctionnaires ont fait
usage de leur flash-ball à plusieurs reprises, afin de se protéger
de leurs agresseurs qui menaçaient de les asphyxier avec des
bombes lacrymogènes. Ils n'ont dû leur salut qu'à
l'arrivée d'un nouveau véhicule dépêché
en renfort.
"LES PETITS"
Dimanche, un car de CRS avait pris position en bas du pont de la Résistance,
à l'entrée de la cité. Cinq fonctionnaires arrêtaient
des véhicules, procédant à des vérifications
d'identités.
Au cours des dernières semaines, les habitants n'ont relevé
aucune tension entre jeunes et policiers, dans ce quartier réputé
calme. "Ici, c'est plutôt tranquille", estime un vieux
monsieur, retraité de l'usine Alsthom de Saint-Ouen. Arrivé
dans la cité il y a trente-cinq ans, il assure n'avoir jamais
eu à "se plaindre" tout en déplorant l'attitude
souvent "agressive" des policiers qui multiplient les contrôles.
Non loin de là, à l'angle de la rue de Nancy, en face
de l'église Saint-Patrick, un groupe de jeunes gens assis sur
un muret s'en prend verbalement aux forces de l'ordre. "Ils n'arrêtent
pas de nous contrôler, nous insultent, nous traitent de connards
et de bâtards", affirment-ils.
Eux non plus n'ont rien vu vendredi. Toutefois, ils sont convaincus
que ce sont "les petits" qui ont monté le coup. Les
petits ? Des gosses de 15 ou 16 ans pressés, selon eux, d'en
découdre avec "les keufs".
Yves Bordenave
Article paru dans l'édition du 17.10.06