6,9 millions de Français vivent
avec moins de 800 euros
Selon l'Insee, en 2004, les 10 % de personnes les plus modestes percevaient
moins
de 753 euros par mois et les 10 % les plus aisées plus de 2
363 euros.
LE MONDE | 23.11.06 | 13h41 • Mis à jour le 23.11.06
| 13h54
n 2004,
la France comptait 6,9 millions de personnes pauvres, disposant de
moins de 788 euros par mois pour vivre. De 1996 à 2004, à
la faveur de l'augmentation générale du niveau de vie,
qui s'est accru de 12 % en moyenne, la proportion de pauvres dans
la population totale a diminué - passant de 13,5 % à
11,7 % - révèle l'édition 2006 de l'ouvrage de
l'Institut national de la statistique et des études économiques
(Insee) sur Les revenus et le patrimoine des ménages, rendue
publique jeudi 23 novembre.
Toutefois, précise l'Insee, cette diminution s'est interrompue
en fin de période : 2003 et 2004 - qui ont vu augmenter fortement
le chômage, le nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion
(RMI) et de travailleurs pauvres - ont davantage été
des années de stabilisation de la pauvreté. De plus,
si l'on ajoute à cette catégorie de pauvres - au sens
monétaire - les personnes qui cumulent des conditions de vie
difficiles et de faibles ressources, conduisant à des privations,
près du quart de la population (22 %) appartient à l'une
ou l'autre de ces deux catégories, 5 % des individus cumulant
les deux formes de pauvreté.
Autre
précision apportée par l'Insee : l'augmentation générale
du niveau de vie sur huit ans a bénéficié principalement
aux personnes aux revenus les plus modestes et aux plus aisées,
qui ont vu leurs niveaux de vie respectifs augmenter en moyenne de
20 % pour les premiers et de 13 % pour les seconds. Le niveau de vie
moyen mensuel s'établit, en 2004, à 1 503 euros par
personne, et le seuil de revenu qui sépare la population en
deux est de 1 314 euros.
Ce n'est
pas une surprise, la répartition des revenus reste inégalitaire
: les 20 % des individus aux niveaux de vie les plus faibles détiennent
9,6 % de la masse des revenus par unité de consommation, contre
37 % pour les 20 % des plus aisés.
Les 10
% de personnes aux revenus les plus modestes disposaient en 2004 de
moins de 753 euros par mois, le RMI pour une personne seule étant
à cette date de 418 euros et le minimum vieillesse de 588 euros
mensuels. Les 10 % les plus aisés avaient, eux, 2 363 euros
pour vivre.
Dans
la même période, la composition de la population pauvre
a beaucoup évolué. Elle compte moins de familles nombreuses
(couples avec trois enfants ou plus) et davantage de personnes seules
(17 % des pauvres en 2004 contre 14 % en 1996) et de familles monoparentales
(16 % contre 13 %).
En outre,
la pauvreté monétaire a continué à se
déplacer des petites agglomérations vers les grandes
villes. Près d'une personne pauvre sur quatre vit désormais
dans des villes de plus de 200 000 habitants. La proportion de pauvres
habitant une commune rurale est passée, en huit ans, de 30
% à 27 %.
Longtemps,
les personnes âgées ont été sur-représentées
au sein de la population pauvre. C'est de moins en moins le cas.
L'Insee
révèle en effet que la population des seniors - les
plus de 55 ans - est très hétérogène.
Les 55-64 ans, qui sont dans une phase de transition entre la vie
active et la retraite mais participent encore majoritairement au marché
du travail, bénéficient d'un niveau de vie supérieur
à celui des plus jeunes mais aussi à celui de leurs
aînés. L'écart de niveau de vie entre les "jeunes"
seniors et les plus de 65 ans est ainsi de l'ordre de 15 % en faveur
des premiers.
En 2003,
précise l'Insee, le niveau de vie annuel moyen des plus de
55 ans était de 18 100 euros, très légèrement
supérieur (+ 2,7 %) à celui de l'ensemble de la population.
Mais la même année, les personnes de plus de 65 ans disposaient
de 16 700 euros par an pour vivre : leur niveau de vie était,
lui, inférieur de 7,8 % à celui de l'ensemble de la
population. Cette hétérogénéité
de situations s'explique notamment par le fait qu'à la faveur
de l'augmentation du travail des femmes, chaque nouvelle génération
atteignant la tranche d'âge 55-64 ans a connu des taux d'activité
plus élevés que la précédente, et bénéficie
de droits à la retraite plus importants.
Dernier
enseignement et non des moindres apporté par l'Insee : à
l'heure où l'UMP propose la suppression des droits de donation
et de succession "pour tous les patrimoines petits et moyens"
et envisage d'exonérer 90 % à 95 % des ménages
jusqu'à 300 000 euros, le patrimoine moyen des ménages
vivant en France métropolitaine était de 165 000 euros
en 2004, la moitié disposant de plus de 98 000 euros de patrimoine.
Toutefois, cette moyenne dissimule d'importantes disparités.
Les 10 % de personnes les plus riches possèdent au total 46
% de l'ensemble du patrimoine avec des avoirs supérieurs à
382 000 euros, et les 10 % les plus pauvres moins de 900 euros.
Enfin,
parmi les ménages propriétaires de leur résidence
principale et parmi les plus de 60 ans, les inégalités
patrimoniales sont restées stables. En revanche, elles ont
progressé au sein de la population âgée de 30
à 50 ans. Le patrimoine brut des jeunes, qui ont de plus en
plus de mal à devenir propriétaire, est moindre en 2004
que douze ans auparavant.
Claire
Guélaud et Rémi Barroux
Article paru dans l'édition du 24.11.06.