Le foulard islamique, symbole des divisions en Turquie
publié le samedi 21 juillet 2007


La question du foulard islamique sera au centre des élections législatives anticipées organisées dimanche en Turquie. Le régime strictement laJique de ce pays à majorité musulmane interdit aux femmes de porter le foulard dans des bâtiments publics -les universités, par exemple- ou dans un cadre officiel. Certains, dont le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, souhaitent revoir cette loi.
L’AKP, parti issu de la mouvance islamiste, devrait être reconduit, même si les sondages le créditent d’une majorité plus faible que celle dont il dispose actuellement. Mais le sujet du foulard n’en reste pas moins source de très profondes divisions.

Non seulement le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, qui s’appuie pourtant sur deux tiers des sièges du Parlement, n’a pas osé toucher à la loi depuis son arrivée au pouvoir, disant attendre un "consensus institutionnel". Mais c’est la question du foulard qui a précipité l’organisation des législatives de dimanche.

Les mouvements laJiques avaient effectivement vivement réagi lorsque l’AKP avait nommé comme candidat à la présidentielle le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gul, dont la femme porte le foulard en public. L’opposition a boycotté l’élection du président au Parlement et des rassemblements massifs ont eu lieu dans les plus grandes villes du pays en faveur de la laJicité. Pouvait-on laisser entrer une femme portant le foulard dans le palais qu’avait occupé Mustafa Kemal Ataturk, père de l’Etat laJic moderne qui vint se substituer à l’empire Ottoman au lendemain de la Première guerre mondiale ? Les protestations ont finalement conduit M. Gul à retirer sa candidature et le gouvernement à convoquer des élections anticipées en juillet.

L’interdiction du foulard se situe donc au centre de la vie publique turque, marquée ces dernières années par la poussée de l’islam politique.

En 1999, Huda Kaya et ses deux filles avaient été poursuivies en justice pour avoir "tenté de dissoudre la République turque par la force" -un chef d’inculpation passible de la peine capitale à l’époque. Leur crime ? Elles avaient participé avec des milliers d’autres à un rassemblement contre l’interdiction du port du foulard islamique à l’université.

La société turque a beaucoup changé depuis, mais les classes laJiques, soutenues par l’armée, s’opposent toujours à la levée de l’interdiction. "Nous croyons en notre droit de célébrer notre religion et de vivre avec dignité", souligne cependant Huda Kaya, veuve de 47 ans, qui a passé sept mois en prison avec ses filles après leur condamnation en 1999.

Le foulard a été interdit dans les universités après un coup d’Etat militaire en 1980. Et nombreux sont ceux qui aimeraient que cela reste la règle : Cicek Isiksel, une étudiante de 23 ans vêtue de jeans et d’un débardeur vert, dit craindre l’influence croissante du mouvement islamiste.

"Je ne veux pas voir des filles avec des foulards dans les universités. Si un parti disait qu’il l’autoriserait, je ne voterais pas pour (lui). C’est pourquoi je vote pour le CHP", le Parti républicain du peuple (laJic), qui affirme que la Turquie doit "gagner la bataille contre la mentalité médiévale".

Huda Kaya ne perd pas espoir. "Les gens ont toujours trouvé un moyen de vivre ensemble dans l’histoire", avance-t-elle. "Je suis sûre que cette interdiction prendra fin un jour". Presse Canadienne