Finance islamique : ce que charrie la charia

( lu de "Charlotte Corday" sur le site http://www.lesmanantsduroi.com )



Partageant leur passion pour la spéculation en bourse, les femmes de Dubaï suivent les cours depuis leur domicile dont elles ne peuvent sortir
(source : http://www.middle-east-online.com).

Et l’attrait des gros sous donne à l’Union de Banques Suisses les yeux de Chimène. Quand Charia et pompes à Phynance font bon ménage…

le 11 avril 2006


Finance islamique : ce que charrie la charia

L'Union de Banques Suisses (UBS) vient de décider l'intégration complète de sa filiale coranique Noriba. Celle-ci, installée à Bahreïn, était la plus réputée des banques spécialisées dans la gestion de fortune au service des milliardaires du pétrole désireux de ne placer leurs fonds que dans des activités respectant scrupuleusement la charia. Entre autres, leur portefeuille ne doit pas contenir d'actions de sociétés produisant ou distribuant des vins et spiritueux, ou des produits alimentaires à base de porc, ni de produits financiers dérivés liés à ces sociétés.

Mais la liste des interdictions s'étend bien au delà. Elle concerne les parcs de loisirs, où les femmes se promènent non voilées, et nombre d'activités touristiques, dès lors que la mixité en petite tenue y est possible ; également, les jeux de hasard et les industries d'armement. La discrétion est de mise quant aux sociétés dirigées par des Israélites, mais on imagine volontiers qu'en privé, les gestionnaires de Noriba doivent se flatter, devant leurs meilleurs clients, de leur faire une chasse impitoyable.

Pourquoi UBS a-t-elle choisi de distribuer désormais ces produits d'exclusion sous son nom propre ? C'est qu'ils ont beaucoup de succès, et que les classes moyennes musulmanes des cinq continents désirent y accéder aussi. Il faut donc leur offrir une marque banalisée. UBS ne voulait pas laisser l'initiative de la démocratisation du "Sharia compliant banking" ne profiter qu'à ses seuls concurrents, parmi lesquels HSBC (qui rappelons-le aux clients français de l'ancien CCF, veut dire "Hong Kong and Shangai Banking Corporation") ainsi que notre touche à tout nationale, la BNP-Paribas.

Ne croyez pas cependant que le fondamentalisme islamique se soit subrepticement infiltré dans le saint des saints feutré de la finance zurichoise. Les choses sont en fait beaucoup plus triviales. Les produits de la "Sharia compliance" ne sont en effet que le point d'entrée de la maîtrise d'un vaste marché destiné aux épargnants occidentaux : celui de la "finance éthique".

Qu'elle soit "éthique" ou "équitable", cette finance proposée à notre bonne conscience est incontestablement à la mode. Elle joue à la fois sur les fibres écologiques, pacifistes et humanitaires du public. Elle permet à celui-ci de faire fructifier son argent, mais sans se compromettre avec les pollueurs ou les marchands de canons. Et elle permet à la banque de se donner à bon compte une image "citoyenne", respectueuse de l'environnement, pourchassant la discrimination et le racisme, soutenant de grandes causes humanitaires... toutes vertus théologales fort prisées à notre époque.

Seulement voilà : pour sympathique qu'il soit, le valeureux planteur de café biologique du Guatemala ne rapporte guère plus d'argent que ne le faisait jadis le hippie élevant ses brebis dans le Larzac. Pas de quoi fabriquer des produits financiers attractifs pour la clientèle ! Alors que les milliardaires du Golfe, eux, ont la surface suffisante pour exiger de leur banquier qu'il soit à la fois respectueux de la charia et aussi rentable que le meilleur alcool, le plus suave des saucissons ou le plus coquin des établissements de débauche nocturne.

Les banques qui ont su développer une ingénierie financière propre à satisfaire l'appétit de lucre des émirs du pétrole peuvent donc maintenant la réutiliser, à grande échelle, pour proposer aux épargnants occidentaux des produits déclarés garantis exempts d'armement, d'alcool et de toutes activités nocives pour la santé ou l'environnement, mais dont le rendement est compétitif : le fric avec l'éthique en prime, ou inversement l'éthique avec en prime le fric, quel bel avantage comparatif sur la concurrence, dans nos sociétés où la bonne conscience est aussi indispensable à la vie que l'oxygène à nos poumons.

Et c'est ainsi que les plus chauds tenants de la "lutte contre l'exclusion" viennent sans le savoir se servir au rayon de l'exclusion la plus farouche....

Un seul moyen d'occulter cette triste réalité : voilons-nous la face !


Charlotte Corday, le 11 avril 2006