LE
MONDE | 07.05.07 | 09h25 • Mis à jour le 07.05.07 | 09h25
Neuf
personnages, en dehors des poids lourds politiques, ont entouré
discrètement Nicolas Sarkozy durant sa longue campagne. Chacun
à sa manière a contribué à sa victoire.
Henri
Guaino, le parolier à succès, 50 ans, conseiller référendaire
à la Cour des comptes, principal rédacteur des discours
de la campagne.
On croyait
M. Sarkozy seulement nourri de variété française,
de pizzas et d'émissions de télévision grand
public. Enfant de la télé, il n'avouait qu'une passion
pour Albert Cohen et Louis-Ferdinand Céline.
Et puis est arrivé M. Guaino et son cortège
de grands auteurs. A partir du printemps 2006, cet ancien conseiller
de Philippe Séguin s'attache à façonner une nouvelle
image du candidat, à rebours de sa réputation de libéral.
Jour et nuit, il peaufine formules et envolées lyriques. Dort
parfois dans le capharnaüm de son bureau du ministère
de l'aménagement du territoire. Il a fait dire au candidat
du Victor Hugo, du Paul Valéry, et bien sûr du Léon
Blum, du Jean Jaurès, du Jules Ferry.
"C'est la campagne dont je rêvais depuis
longtemps. Un truc de fond", se réjouit-il aujourd'hui.
Mais, se souvenant qu'il fut un artisan de la victoire de Jacques
Chirac en 1995 avant d'être un des premiers déçus
du chiraquisme, il prévient : "L'attente est à
la mesure du triomphe. On n'a pas le droit de se tromper."
Claude
Guéant, l'arbitre des ego, 62 ans, préfet, directeur
de campagne.
Novice en politique, mais rompu aux arcanes du pouvoir,
il a pris une double revanche. D'abord contre Jean-Louis Bianco, directeur
de campagne de Ségolène Royal, qu'il admirait lorsqu'il
était son condisciple à l'ENA. Ensuite contre tous ceux
– nombreux – qui prévoyaient son échec.
En l'imposant, M. Sarkozy mise d'abord sur son autorité dissimulée
derrière un bienveillant sourire.
Alors que l'équipe de l'UMP jalouse celle du
QG de la rue d'Enghien, il hérite du surnom de "La Suisse",
en hommage à sa neutralité entre grognards de la "sarkozie"
et nouveaux venus, traités de "petits marquis". On
ne lui connaît qu'une erreur : celle d'avoir égaré
pendant trois jours la lettre du Canard enchaîné demandant
des explications sur les conditions d'achat et de travaux de l'appartement
de M. Sarkozy à Neuilly. Malgré cela, sa place est réservée
depuis longtemps au poste de futur secrétaire général
de l'Elysée.
Rachida
Dati, l'atout du naturel, 41 ans, magistrate, porte-parole du candidat
Sarkozy.
Son sourire a fait fureur sur les plateaux de télévision.
Fille d'un Algérien et d'une Marocaine, magistrate, elle a
imposé son charme, son bagout, son naturel et son ambition
à tous ceux qui l'ont aidée dans sa carrière
: Albin Chalandon, Simone Veil, Nicolas Sarkozy. C'est à Cécilia
Sarkozy, l'épouse du candidat, qu'elle doit sa promotion au
poste de porte-parole.
Piètre oratrice, elle a malgré tout
été très applaudie à chaque fois qu'elle
a eu à prendre la parole. Symbole de la France black, blanc,
beur à la mode Sarkozy ? Elle réfute : "Je ne suis
pas l'Arabe qui s'occupe des Arabes." Mais c'est bien elle qui
a préparé et organisé les rencontres à
risques du candidat avec les habitants des banlieues à Perpignan
et à Meaux. Son échec : malgré ses efforts et
quelques relais sur place, elle n'a pas pu faire revenir M. Sarkozy
sur la dalle d'Argenteuil (Val-d'Oise).
Jean-Michel
Goudard, l'ami de 20 ans, 68 ans, publicitaire.
C'est Claude Chirac qui les a fait se connaître
en 1988. "Je vais te présenter un type formidable",
lui a-t-elle dit. "Je l'ai adoré tout de suite",
assure M. Goudard, qui travaille pour le compte du RPR et de M. Chirac
depuis 1978. La trahison balladurienne ne les a pas éloignés.
Au grand dam de Bernadette et Claude Chirac, c'est chez lui, à
New York, que Nicolas et Cécilia Sarkozy viennent digérer
la défaite.
Onze ans plus tard, sachant qu'il prend sa retraite,
le candidat lui propose de travailler à son service. Sa seule
condition : "Il faut que tu en aies vraiment envie et que tu
me donnes tout ton temps." Sans bureau au QG, M. Goudard a travaillé
le plus souvent avec M. Sarkozy dans son très chic appartement
du 16e arrondissement de Paris. Il s'est souvent heurté à
l'autre publicitaire, François de La Brosse. Mais son véritable
rôle était aussi de rassurer le candidat. "Il sait
que je l'admire et que je ne le trahirai jamais."
François
de la Brosse, la revanche de "Pignon", 57 ans, publicitaire.
Parce que l'épouse de M. Sarkozy l'a choisi
pour créer le site du candidat, sarkozy.fr (qui fermera le
jour de la passation de pouvoir), et penser le visuel de la campagne,
beaucoup ont vu derrière ce quinquagénaire affable et
capable de beaucoup de recul sur lui-même "l'homme de Cécilia".
Il ne
s'en cache pas, avouant lui- même qu'il a "deux patrons,
Cécilia et Nicolas". Son arrivée a fait sourire
les vieux routiers de la com', qui, jaloux de leur pré carré,
l'ont affublé aussitôt du surnom de "Pignon",
héros du film Le Dîner de cons. Lui feint de ne pas s'offusquer.
A l'attention de ses détracteurs, il garde une photo du portail
du site de Barack Obama, candidat démocrate à la présidentielle
américaine. Il ressemble beaucoup à celui qu'il a conçu.
Il rêve
de poursuivre et de créer un site de communication du gouvernement
où les ministres expliqueraient eux-mêmes leur action.
"C'est comme à la fin du film, dit-il, Pignon en sort
grandi."
Manuel Aeschlimann, un conseiller au
secret, 42 ans, député des Hauts-de-Seine.
Omniprésent
pendant la pré-campagne du candidat Sarkozy, de la campagne
du référendum 2005 jusqu'au printemps 2006, il disparaît
subitement des écrans radars ensuite. Plus d'interview, plus
d'apparitions médiatiques pour celui que M. Sarkozy avait nommé
responsable du département opinion publique de l'UMP. A cela
deux explications : sa mise en examen pour complicité de favoritisme
dans l'attribution d'un marché public en septembre 2006 et
l'inimitié des sarkozystes historiques, qui se méfient
de sa personnalité secrète et rugueuse.
Pourtant, c'est lui qui, dès ses premières notes d'analyse,
fait valoir au futur candidat que l'élection ne se jouera pas
sur le clivage droite-gauche, mais sur des "enjeux". Il
lui explique, sondages à l'appui, la différence entre
la "sphère publique", qui demande l'ordre, et la
"sphère privée", en attente de plus de liberté.
Il l'alerte sur le transfert du vote Le Pen vers un vote UMP. Et il
lui conseille la "zen attitude". Pendant sa mise à
l'écart, il a continué de transmettre ses notes au candidat,
sans contrôle de l'entourage.
Bernadette Chirac, la voix de l'Elysée, 73 ans, première
dame de France.
"Heureusement qu'on vous a", avait-elle
glissé un jour à l'oreille de M. Sarkozy. "Vous
êtes ma bonne fée", lui avait-il à son tour
déclaré en public. Dans cette campagne présidentielle,
Mme Chirac aura soutenu le candidat de l'UMP bien plus que "naturellement".
Alors
que celui du chef de l'Etat procédait de la logique politique,
le soutien de son épouse n'était pas exempt de ferveur.
Véritable femme de droite, Mme Chirac a oublié ses griefs
de 1995 pour participer à deux meetings de M. Sarkozy, à
Lyon et à Montpellier. Brandissant sa main comme un trophée,
la faisant applaudir, le candidat lui a permis de goûter une
dernière fois la chaleur des applaudissements. Afin que son
mari ait tout de même sa part dans la victoire, elle affirme
contre toute évidence : "Je n'ai jamais observé
que Nicolas Sarkozy ait été en contradiction ou en opposition
avec les douze années de présidence de mon mari."
François
Sarkozy, l'accompagnateur, 50 ans, médecin et chef d'entreprise.
Le frère
cadet de M. Sarkozy a été beaucoup vu au cours de la
campagne. C'est chez lui, dans sa maison des Alpilles, que l'ex-ministre
a passé de nombreux week-ends ces derniers mois. En l'absence
de Mme Sarkozy – qui n'a été officiellement présente
au côté de son mari que le 14 janvier et le 22 avril,
et enfin dimanche 6 mai sur le podium dressé place de la Concorde,
à Paris, au soir de la victoire –, il a symbolisé
une présence familiale autour du candidat. Interrogé
un jour sur le sens de sa présence, François Sarkozy,
soucieux de lever toute ambiguïté, avait précisé
: "Je ne le soutiens pas, je l'accompagne." Autres membres
de la famille Sarkozy aperçus au cours de cette campagne :
ses deux fils aînés, Pierre et Jean, et sa demi-sœur,
Caroline. Ainsi que les deux filles de Cécilia, Judith et Jeanne-Marie.
Arno
Klarsfeld, l'homme des dossiers difficiles, 41 ans, avocat.
C'est tout lui. Accompagnant M. Sarkozy en visite
à Nantes, M. Klarsfeld, avocat lunaire et médiatique,
a gardé cousues les poches de son costume tout neuf ainsi que
la fente d'aisance dans le dos : "Ma mère ne me l'a pas
dit", se justifie-t-il. Ratant le cortège officiel parce
qu'il s'était attardé un peu trop à donner des
interviews à la sortie d'une rencontre avec des syndicalistes
d'EADS, il embarque dans le car des journalistes. A quoi peut-il bien
servir ?, se demande-t-on, lorsque le ministre de l'intérieur
lui confie le soin de débrouiller les difficiles dossiers de
la régularisation des enfants scolarisés de sans-papiers,
au printemps 2006, puis celui du squat de Cachan.
Deux
causes soutenues par les intellectuels et les "people".
"Arno fait un travail remarquable", répondait M.
Sarkozy aux sceptiques. En reconnaissance de ses mérites et
de l'aide apportée pour humaniser l'image du candidat, M. Klarsfeld
a eu droit à une place au premier rang pour son dernier meeting.
Philippe Ridet
http://www.lexpress.fr/info/region/dossier/hautsdeseine/dossier.asp?ida=455656&p=3#
Paru dans LEXPRESS.fr du 08/02/2007
Hauts-de-Seine
Le système Sarkozy
Ses hommes clefs par Pierre-Yves Lautrou
Au premier rang de la poignée d'élus sur qui le président
du conseil général s'appuie pour tenir le département,
l'expérimenté Patrick Devedjian et le jeune Philippe
Juvin
En trente ans de carrière politique dans les Hauts-de-Seine,
Nicolas Sarkozy s'est forgé un solide réseau, où
se mêlent amis de toujours, barons de poids, talents en herbe
et pasquaïens ralliés. «C'est sa famille, explique
Roger Karoutchi, sénateur des Hauts-de-Seine, il les
connaît tous.»
Le responsable
des fédérations à l'UMP, candidat à la
mairie de Nanterre et président du groupe UMP à la région,
est justement l'un des hommes clefs du système Sarkozy dans
le département. Ami de plus de trente ans (ils se sont rencontrés
encore étudiants, en 1975), compagnon des batailles politiques
altoséquanaises depuis plus de vingt ans, Karoutchi est un
très proche, ami de Cécilia - dont il partage le bureau
au siège de campagne. Lorsqu'il faut déminer un dossier
ou convaincre un élu, c'est Karoutchi qui s'y colle, fort de
sa parfaite connaissance du terrain et de l'appareil.
Dans
un genre différent, l'autre missus dominicus du premier cercle
s'appelle Frédéric Lefebvre. Adjoint
au maire de Garches chargé des sports et des événements,
cet ancien assistant parlementaire de Patrick Ollier et de Michèle
Alliot-Marie est recruté, en 1993, comme conseiller parlementaire,
lorsque le maire de Neuilly devient ministre du Budget. Depuis, Lefebvre,
également directeur de cabinet du président de l'UMP,
joue le rôle de porte-flingue préféré du
candidat, toujours prêt à agiter la menace d'un retrait
d'investiture à un récalcitrant. Craint par les élus,
on lui impute la plupart des manœuvres politiques locales.
Dans
ce département composé de nombreux fiefs, Nicolas Sarkozy
doit aussi compter avec les barons locaux. Parmi eux, il s'appuie
essentiellement sur Patrick Devedjian et les époux
Balkany. Le premier, ancien ministre, député d'Antony,
dont il fut longtemps maire, n'est conseiller général
que depuis 2004. Mais il ambitionne d'être le prochain patron
du département en cas de victoire du ministre de l'Intérieur
à la présidentielle. Peu apprécié des
élus, Devedjian a pour lui d'être le seul homme politique
de stature nationale dans les Hauts-de-Seine, d'entretenir une longue
relation avec Nicolas Sarkozy et de maîtriser l'appareil UMP
local, dont il est secrétaire départemental.
Avec
Isabelle et Patrick Balkany, c'est une autre histoire. Intimes
du couple Sarkozy depuis longtemps, le député maire
de Levallois et sa première adjointe sont avant tout des amis.
Isabelle, confidente de Cécilia, a gagné en importance
au conseil général depuis qu'elle occupe le poste de
vice-présidente, chargée des collèges. Son travail
est unanimement reconnu; seul son style, trop gouailleur, l'empêche
encore de jouer les premiers rôles dans le département.
Parmi
les vice-présidents, Philippe Juvin, maire de La Garenne-Colombes,
incarne l'étoile montante de la Sarkozie altoséquanaise.
A 42 ans, il cumule la délégation à la cohésion
sociale, à la solidarité et au handicap au conseil général
avec un job de professeur de médecine et de patron des urgences
à l'hôpital Beaujon de Clichy. Plus discrètement,
il est aussi secrétaire départemental adjoint de l'UMP
92 et conseille le candidat à l'élection présidentielle
sur les questions de santé. Une trajectoire à faire
pâlir de jalousie nombre d'élus, qui jugent le jeune
Juvin un peu trop pressé…
Dire
du mal des protégés du président, ce n'est pas
le genre de Jacques Gautier: fidèle parmi
les fidèles, le premier vice-président du conseil général
se veut le plus loyal des élus de l'assemblée départementale.
Le maire de Garches a croisé la trajectoire de Nicolas Sarkozy
dans un syndicat intercommunal de gestion des ordures, où le
maire de Neuilly d'alors l'avait déjà pris comme second.
Homme de l'ombre et de consensus (il a été élu
président de l'Association des 36 maires des Hauts-de-Seine
à l'unanimité), il incarne la doublure idéale
du patron, fort occupé par ailleurs.
Conseiller
général depuis plus de vingt ans, Gautier a aussi le
mérite de marquer le changement dans la continuité:
une stratégie importante pour Nicolas Sarkozy, qui peut ainsi
compter sur l'appui de plusieurs poids lourds pasquaïens du département.
Ainsi l'office HLM est-il resté aux mains de Jean-Paul
Dova, également vice-président chargé
du personnel - un poste d'importance. Quant à Bernard
Bled, l'ancien directeur général des services
de Pasqua, il a été recasé à l'Etablissement
public d'aménagement de la Défense, qui connaît
de nouvelles ambitions; tout sauf un placard. Autres proches de l'ancien
président qui jouent un rôle dans le dispositif sarkozien:
Eric Cesari, le nouveau directeur de cabinet, et,
surtout, Jean-Jacques Guillet. Député
des Hauts-de-Seine et longtemps premier adjoint à Sèvres,
ce fidèle de Charles Pasqua a été élu
président du groupe UMP au conseil général. Un
signe fort et, pour Sarkozy, une «découverte»,
assure-t-on dans son entourage. Manière de dire que, dans les
Hauts-de-Seine comme ailleurs, tout change et rien ne change…
12. Le gardien du temple, Louis-Charles Bary
Le maire de Neuilly a succédé à Nicolas Sarkozy
en 2002. A 80 ans, il siège depuis plus de trente ans au conseil
municipal et au conseil général, dont il est l'un des
vice-présidents.
13.
Le soutien gênant, Manuel Aeschlimann
Le député maire d'Asnières, conseiller du président
de l'UMP pour l'opinion publique, cumule procès et dérapages
dans sa ville, qu'il veut laboratoire de la «France d'après».
