Eurabia : le voile islamique pose problème aussi en Grande-Bretagne
Lundi 16 octobre 2006


Reportage
Le débat sur le voile islamique est relancé par la suspension d'une enseignante outre-Manche
LE MONDE | 16.10.06 | 14h59 • Mis à jour le 16.10.06 | 14h59
LONDRES CORRESPONDANT

Le débat sur le port du voile islamique dans les lieux publics, lancé en Grande-Bretagne par Jack Straw, ministre des relations avec le parlement et ancien ministre des affaires étrangères, a monté d'un cran. Plusieurs ministres, députés et intellectuels l'ont alimenté à l'occasion de la découverte d'une nouvelle affaire qui met en scène une jeune institutrice musulmane.

Aishah Azmi, 24 ans, enseigne comme assistante dans une école d'Etat anglicane de Dewsbury, au nord de l'Angleterre, où la majorité des élèves, âgés de 7 à 11 ans, sont musulmans. Cette mère de deux enfants, mariée à un médecin, portait le voile - qui recouvrait son visage sauf les yeux - pendant ses cours. Des écoliers se sont plaints d'avoir du mal à comprendre ses leçons d'anglais. La direction lui a demandé d'ôter son voile en classe. Elle a refusé, et a été suspendue.

Le chef d'établissement dit avoir pris sa décision en fonction du seul intérêt des élèves et sans motivation religieuse. Dans cette école, la majorité des enfants ont pour première langue l'urdu, le pendjabi, ou le gujarati, trois langues d'Asie du Sud pratiquées dans leur famille. Leur apprentissage de l'anglais exige un soin particulier. "Ces enfants ont besoin de voir le visage, et notamment le mouvement des lèvres de leur enseignante", a expliqué un porte-parole des autorités locales.

Aishah Azmi a saisi la justice. Elle assure maintenant qu'elle accepterait d'enlever son voile pendant les cours, à condition qu'elle puisse le remettre dès sa sortie de classe pour que son visage ne soit pas vu de ses collègues enseignants.

Dans une interview à la BBC, elle a reconnu que lors de son entretien d'embauche, qui s'est tenu en présence d'un homme, elle ne portait pas le voile et n'avait pas fait connaître son intention d'enseigner voilée.

L'affaire a relancé la controverse. Phil Woolas, secrétaire d'Etat au gouvernement local, a appelé au licenciement d'Aishah Azmi : "Elle s'est mise elle-même dans cette situation. Il y a en démocratie des limites à ne pas franchir." L'un des dirigeants conservateurs, David Davis, a reproché à certains leaders musulmans de prôner "un apartheid volontaire". Gordon Brown, probable prochain premier ministre, a estimé "préférable pour la Grande-Bretagne que moins de femmes portent le voile".

Après les propos de Jack Straw, Tony Blair avait temporisé en affirmant que le voile relevait d'un "choix personnel", mais qu'on pouvait en discuter "sans devenir hystérique". La polémique s'est étendue entre-temps aux signes d'appartenance religieuse. On a appris samedi qu'une hôtesse d'accueil de British Airways avait été licenciée pour avoir refusé d'enlever un collier orné d'un petit crucifix. Un ministre, Peter Hain, a jugé cette décision "idiote".

Jean-Pierre Langellier
Article paru dans l'édition du 17.10.06