Editorial lucide du "Point"
sur les causes principales du mal français,



L'éditorial de Claude Imbert – © le Point 10/11/05 - N°1730 Le bûcher d'une politique


Comment, dans nos banlieues, en est-on arrivé là ? Pas le moment, vous dira-t-on, de répondre ! Dommage ! Car ce drame révèle comme jamais le vice qui, depuis des décennies, ruine notre vie publique : celui d'enfouir toutes les vérités qui fâchent sous l'angélisme ou la jérémiade, celui de préférer le prêche à l'action. Celui, en somme, d'une longue incurie. Car enfin, le déferlement depuis 30 ans d'une immigration incontrôlée si étrangère à nos croyances, à nos moeurs et à nos lois avait d'avance compromis le lent travail de biologie sociale que requiert une intégration heureuse, et d'ailleurs nécessaire. Le flux - celui surtout d'Afrique noire - sans cesse grossi par le regroupement familial - voire polygame -, loin d'irriguer calmement la nation, aura constitué ces poches stagnantes où grouillent de mauvaises fièvres. Leur avenir était écrit d'avance. Mais... l'avenir arrive trop tard !

A ceux qui peignaient un échec inévitable on répondit cent fois, mille fois que le fameux creuset intégrateur à la française mettrait bon ordre à ce désordre, et qu'il en irait de l'immigration maghrébine et d'Afrique noire comme, jadis, de l'italienne ou de l'espagnole. Historique aveuglement ! Aujourd'hui, l'avenir se pointe. Il est hideux.

Avec une parentèle le plus souvent étrangère à notre langue, la graine de casseurs se sème, avant 10 ans, par l'échec scolaire et la maraude. Tout autour, dans le confinement et la promiscuité du ghetto, s'élabore un bouillon de contre-culture... On y voit grandir une contre-société avec son « économie » de la drogue et du recel, ses caïds et leur fretin, ses codes, ses territoires claniques. Et désormais l'émulation des cités pour le tableau d'honneur que délivre la télé dans l'Audimat des émeutes.

Dans ces microsociétés vouées aux rixes interethniques, on ne connaît qu'un seul fédérateur : l'enragement de tous contre les agents ou symboles du pays d'accueil. Une rage qu'attise un tourbillon de rumeurs insanes contre quoi la vérité et la « transparence » n'ont guère de chances. Un jeu de guérilla qu'inspirent des Intifadas télévisées venues d'ailleurs.

Enflé par le mimétisme médiatique, c'est alors le harcèlement mi-ludique, mi-criminel de policiers, de pompiers, de médecins. On voit des enfants de 12 à 15 ans incendier des crèches, écoles maternelles, gymnases, transports publics, pharmacies, églises...

C'est miracle que, dans des lieux à ce point gagnés par les foucades tribales, tant de résidents paisibles parviennent encore à vivre leur vie. Beaucoup songent, s'ils le peuvent, à s'en aller. Mais, qui sait ? l'excès, cette fois-ci, de la violence, et sa conversion à l'émeute, les convaincra-t-il de prendre en main leur propre sécurité ? Convenez qu'il faut aux paisibles une sacrée résolution. Car si la police arrête des coupables, la justice, bridée par le Code et le droit des mineurs, les relâche sans tarder. Et l'on voit vite les voyous plastronner et menacer à nouveau. Aujourd'hui, en tout cas, l'embrasement devrait mettre en sourdine l'ancestrale rhétorique sur prévention et répression. Et remiser, pour quelques semaines, la sollicitude « sociologique » pour les voyous. Les émeutiers et les criminels doivent être arrêtés et châtiés pour ce qu'ils font.

Avoir laissé s'installer le fait communautaire sous ses pires auspices et vouloir y répondre par une politique d'intégration plus conforme, en effet, à la tradition française, voilà la quadrature du cercle ! A voir la somme impressionnante de sang-froid chez les policiers, les pompiers, de dévouement chez les enseignants, les associations communales, les médiateurs, les sportifs et autres animateurs, on devrait ne pas désespérer, ne pas jeter le manche après la cognée. Encore faudrait-il que la nation intégrante ne donne pas le spectacle de ses propres désintégrations. Encore faudrait-il qu'un pacte national rassemble, contre ce brasier, pouvoir et opposition pour l'intérêt commun de la nation. Qu'on cesse, au sein même de l'Etat, d'entortiller le ministre de l'Intérieur. Et de jeter les 45 000 carcasses de voitures incendiées depuis dix mois dans les sacs à malice de la campagne présidentielle !

Le dommage national est considérable. On savait la nation exténuée. Le monde la voit titubante. Derrière les incendies de l'émeute, toute une politique brûle dans un plus vaste bûcher: le chômage y calcine notre
« modèle social » et la guérilla urbaine y brûle notre modèle d'intégration. Ces prétendus « modèles », le mensonge et la velléité les ont livrés aux flammes.