INTEGRATION
DES IMMIGRES EXTRA-EUROPPENS:L'ECHEC DU "MODELE FRANCAIS"
ET DE LA POLITIQUE DE N. SARKOZY ALIAS MONSIEUR VOITURES BRULEES .
L'échec
du modèle français
LEMONDE.FR | 04.11.05 | 11h10 • Mis à jour le 04.11.05
| 12h31
Les mêmes
photographies reviennent en boucle, depuis quelques jours, à
la "une" des sites de presse européens. Des voitures
et des bus embrasés, à Aulnay-sous-Bois ou dans d'autres
villes de la banlieue parisienne. "Paris est en flammes" titre
vendredi matin la Süddeutsche Zeitung de Munich. La Frankfurter
allgemeine Zeitung va jusqu'à reprendre les propos d'un habitant
de Clichy-sous-Bois : la nuit dernière, "c'était
un peu comme à Bagdad".
LA
FAUTE À SARKOZY ?
Pour Der Standard, c'est "le désespoir" qui se révolte.
Le quotidien viennois restitue le fil des événements :
deux jeunes qui meurent électrocutés, "vraisemblablement
après avoir fui, pris de panique, devant une patrouille de police".
Et, ensuite, Nicolas Sarkozy qui multiplie les faux pas, donnant plusieurs
versions des événements et qualifiant de "racaille"
la jeunesse des banlieues. "La raison des incartades de Sarkozy
est facile à trouver, commente le quotidien viennois. Le ministre
de l'intérieur, ambitieux, veut devenir président en 2007,
et il a cru ce but déjà à portée de main.
Jacques Chirac est vieux, moins populaire et affaibli physiquement.
Mais Sarkozy doit affronter un nouveau concurrent sérieux, Dominique
de Villepin. Beaucoup de ses excès rhétoriques viennent
de là."
Sarkozy, artificier en chef ? Le Daily Telegraph de Londres est partagé
: le quotidien conservateur, lui non plus, ne goûte pas les écarts
de langage du ministre de l'intérieur, qui lui rappellent "le
discours de l'extrême droite". Mais il le souligne d'emblée
: Sarkozy "avait raison d'appeler à une politique de tolérance
zéro". Même embarras dans les colonnes du Guardian
: "M. Sarkozy est l'un des rares hommes politiques français
prêt à attaquer de front les problèmes de l'immigration
et de l'intégration, pourtant liés. Il a de bonnes idées
sur la discrimination positive et le financement des mosquées
par l'Etat, même s'il lorgne trop du côté de l'extrême
droite et du leader du Front national, Jean-Marie Le Pen."
Pour Le Temps de Genève, in fine, "la défaite est
double" : elle est autant celle de Nicolas Sarkozy que celle de
Dominique de Villepin, impuissant à reprendre la main. Et, au-delà,
les émeutes marquent l'échec de "tous les gouvernements,
de gauche comme de droite", qui se sont succédé.
"Le dialogue est rompu entre la République et une partie
de sa jeunesse. Dans la bataille rangée nocturne qui se joue
dans les rues de Seine-Saint-Denis, les CRS encagoulés ne défendent
rien de moins, aux yeux des caillasseurs, que l'ordre des perdants :
celui de cette classe populaire ou moyenne laminée dont les enfants
haïssent aujourd'hui l'héritage."
LES
BANLIEUES FRANÇAISES, LE CONTRE-MODÈLE
Les émeutes ont été l'occasion, pour les quotidiens
européens, de venir faire un tour dans les banlieues parisiennes.
Leur diagnostic est sans appel. Die Welt de Berlin décrit "des
ulcères cancéreux" qui ne cessent de s'étendre,
des espaces "dans lesquels plus un policier n'ose s'aventurer,
et où les bandes criminelles dictent leur loi." La Neues
Deutschland, quotidien d'ex-RDA, évoque des zones minées
par "un apartheid social et ethnique, en plein milieu de l'Europe"
: "Ces villes sont de grands culs-de-sac en marge de la société.
Aucun travail. Aucune valeur. Aucune confiance. Aucun espoir. Personne
n'en part."
Les banlieues parisiennes les plus pauvres "sont aussi lugubres
que leurs noms sont pittoresques", poursuit l'éditorialiste
du Times. Selon le quotidien londonien, toute "comparaison menée
avec la Grande-Bretagne est erronée. Paris n'a rien de la tolérance
et de la diversité de Londres. Les tensions qui l'agitent ont
davantage à voir avec les anciennes villes industrielles du Nord
de l'Angleterre." Le Financial Times enfonce le clou : "Dans
la foulée des violents incidents perpétrés par
certains de leurs citoyens, et parce qu'ils étaient critiqués
pour avoir été trop laxistes en matière d'intégration,
certains dirigeants européens, surtout en Grande-Bretagne et
aux Pays-Bas, commencaient à prêter du mérite à
la méthode française, traditionnellement plus interventionniste",
reconnaît l'éditorialiste du quotidien financier. Mais
les récents événements ont montré que "le
modèle français n'était pas meilleur", estime-t-il.
"Ce qui se passe à Paris est déjà
survenu dans le passé", constate pour sa part Diario de
Noticias de Lisbonne : "En matière de violence urbaine,
la ville ne cesse de piétiner, et ce n'est pas un hasard si la
France est l'un des pays d'Europe où l'extrême droite a
la plus large façade institutionnelle." Même inquiétude
pour l'éditorialiste de Die Welt, qui conclut : "Tous risquent
de sortir perdants de l'exploitation politique des événements
: les membres de partis politiques établis, mais aussi les millions
de gens condamnés à vivre dans ces zones à problèmes.
Le bénéficiaire unique pourrait bien encore en être
Jean-Marie Le Pen. Si le gouvernement et l'opposition n'unissent pas
leurs forces pour résoudre la question, on peut déjà
se résoudre à le voir de nouveau triompher à la
présentielle, dans dix-huit mois."
Marie
Bélœil