Le
Real Madrid et le Barça liés au docteur Fuentes
LE
MONDE | 07.12.06 | 13h18 • Mis à jour le 07.12.06 | 14h04
Les clients
du docteur Eufemiano Fuentes, que la justice espagnole soupçonne
d'être l'instigateur du vaste réseau de dopage sanguin
auquel les cyclistes Jan Ullrich, Ivan Basso et 56autres coureurs auraient
recouru, ne se comptent pas uniquement dans le monde du vélo.
Des clubs de football, dont le FC Barcelone (où évoluent
notamment des joueurs comme Ronaldinho, Samuel Eto'o, Deco...) et le
Real Madrid (Zinédine Zidane jusqu'en juin, Ronaldo, Roberto
Carlos, David Beckham, Raul...), auraient également fait appel
aux services du médecin canarien.
Le
Monde a eu accès à une série de documents confidentiels,
qui ne sont pas nominatifs : les plans de préparation des deux
clubs rédigés de la main du docteur Fuentes sur une simple
feuille de papier A4. Ainsi, le programme de la saison 2005-2006 du
"Barça" est réalisé pour répondre
à l'objectif principal du club (la Ligue des champions, remportée
en mai par les Catalans) et à l'échéance internationale
des joueurs (la Coupe du monde). Des flèches inclinées
vers le haut ou vers le bas indiquent des périodes d'intense
compétition ou de tests physiques.
En
fonction de ces rendez-vous et du calendrier du championnat espagnol
– aussi remporté par le FC Barcelone la saison dernière
– sont notés sur le programme des signes manuscrits (un
rond,"IG" ) correspondant à des périodes de
préparation ou de récupération. Ces inscriptions
codées sont les mêmes que celles répertoriées
sur les plans de préparation établis par le docteur Fuentes
pour les coureurs de l'équipe cycliste Liberty Seguros, que la
police espagnole, la Guardia Civil, a saisi en mai dans le cadre de"l'opération
Puerto".
Dans
leur rapport d'enquête, les policiers relèvent que ces
signes cachent des produits dopants : un rond indique l'administration
de stéroïdes anabolisants et"IG" correspond à
l'IGF-1 (Insulin Growth Factor), un précurseur indétectable
de l'hormone de croissance.
Dans
les programmes des équipes de football, d'autres signes apparaissent,
mais exceptionnellement, ces plans étant destinés à
l'ensemble d'une équipe : le"e" entouré, qui
correspond à l'extraction ou à la réinjection de
sang déjà prélevé, et le point dans un cercle,
identifiant l'administration d'érythropoïétine (EPO).
Selon nos informations, les joueurs bénéficiaient aussi
d'un suivi personnalisé qui pouvait justifier une intervention
médicale en cas de blessure ou de fatigue.
La
Guardia Civil n'a pas saisi les documents dont Le Monde a eu connaissance
et qui, outre le FC Barcelone et le Real Madrid, concernent également
le FC Valence et le Betis Séville. Les agents affectés
à l'"opération Puerto" ont perquisitionné
uniquement les appartements madrilènes du docteur Fuentes. Ils
ne se sont pas rendus aux Canaries, lieu de résidence principal
du médecin, pour y inspecter ses autres bureaux. Aussi, lorsqu'ils
ont interpellé le médecin, le 23 mai, ils n'ont, semble-t-il,
retrouvé qu'une petite partie de ses"fiches clients".
Officiellement,
Eufemiano Fuentes n'apparaît pas dans le staff médical
du FC Barcelone et du Real Madrid. Aucun contrat écrit n'a été
passé entre les clubs et le médecin. Celui-ci transmettait
ses instructions pour les traitements médicaux via le médecin
d'équipe et recevait la visite de certains joueurs. L'ex-coureur
cycliste Jesus Manzano, dont les révélations en 2004 ont
mis la Guardia Civil sur la piste du docteur Fuentes, confirme au Monde
avoir croisé dans un des cabinets de ce dernier "un joueur
de Madrid", dont il ne veut pas révéler l'identité.
A
deux reprises, le FC Barcelone a, par ailleurs, tenté d'engager
Eufemiano Fuentes. La première fois, en 1996, après que
le médecin se fut occupé du club de Elche, en 2e division,
pendant la saison 1995-1996. Eufemiano Fuentes préféra
alors s'engager à plein temps avec l'équipe cycliste professionnelle
Kelme. La deuxième proposition du Barça, relayée
par la presse espagnole, remonte à fin 2002. Le médecin
avait invoqué des raisons familiales pour refuser l'offre.
Plusieurs
affaires ont déjà lié le monde du football au dopage.
Ainsi, le procès de la Juventus Turin a mis en évidence
qu'entre 1994 et 1998, le médecin du club avait pratiqué
des transfusions et administré de l'EPO. Le médecin, Riccardo
Agricola, condamné en première instance pour"fraude
sportive et administration d'EPO", avait été relaxé
en appel, le 14 décembre 2005.
Par
ailleurs, en 2003, dans une gaffe restée célèbre,
Johnny Hallyday avait assuré devant les caméras de Canal+
que Zinédine Zidane allait deux fois par an dans une clinique
en Suisse pour se faire oxygéner son sang.
Durant
le Mondial, où les 228 contrôles antidopage se sont révélés
négatifs, la FIFA, l'instance dirigeante du football mondial,
n'a pratiqué aucun contrôle sanguin.
Stéphane Mandard