MARC MENNESSIER.
LE FIGARO Publié le 02 février 2007
Actualisé le 02 février 2007 : 08h33
« Les êtres vivants n'ont pas subi d'évolution,
mais furent bien créés », souligne l'auteur
de L'Atlas de la création sur plus de 700 pages.
Vialeron/Le Figaro .
« L'Atlas de la Création » a été
envoyé dans la plupart des établissements scolaires
et universitaires. Le ministère de l'Éducation a demandé
qu'il ne soit pas diffusé aux élèves et étudiants.
DEPUIS une semaine, la plupart des universités, lycées
et collèges de France ont reçu un livre luxueux, intitulé
L'Atlas de la Création, qui réfute sur 770 pages très
richement illustrées le darwinisme et la théorie de
l'évolution. Écrit par un certain Harun Yahya (de
son vrai nom Adnan Oktar), de nationalité turque, l'ouvrage,
directement expédié à plusieurs dizaines de
milliers d'exemplaires depuis la Turquie et l'Allemagne, entend
dénoncer « l'imposture des évolutionnistes,
leurs affirmations trompeuses » et surtout « les liens
occultes existant entre le darwinisme et les sanglantes idéologies
telles que le fascisme et le communisme ».
Selon l'auteur, les théories de Charles
Darwin (1809-1882) seraient même « la réelle
source du terrorisme ». On peut lire par exemple, sous une
photo représentant les attentats du 11 Septembre, cette légende
stupéfiante : « Ceux qui perpétuent la terreur
dans le monde sont en réalité des darwinistes. Le
darwinisme est la seule philosophie qui valorise et donc encourage
le conflit. »
« Bien plus insidieux »
Très vite alerté, le cabinet du
ministre de l'Éducation nationale, Gilles de Robien, a discrètement
demandé aux recteurs d'académie de veiller à
ce que ce livre, « qui ne correspond pas au contenu des programmes
établis par le ministre, ne figure pas dans les centres de
documentation et d'information des établissements scolaires
».
« Il s'agit d'une nouvelle forme de créationnisme,
bien plus insidieuse que celle, d'inspiration chrétienne,
qui sévit en Amérique du Nord » explique au
Figaro le biologiste Hervé Le Guyader, de la faculté
de Jussieu à Paris, qui vient de procéder à
la demande de l'Inspection générale de l'Éducation
nationale à une analyse détaillée de L'Atlas
de la Création.
Harun Yahya ne prétend pas, en effet, que
le monde et ce qui l'habite a été créé
il y a six mille ans et en sept jours, comme le dit la Genèse.
L'auteur, de confession musulmane, admet au contraire que la Terre
a bel et bien 4,6 milliards d'années, son âge réel.
Il s'appuie d'ailleurs sur les très nombreux fossiles retrouvés
depuis deux siècles dans le monde entier pour asséner
que « les espèces n'ont jamais changé ».
Une série de sept ouvrages
L'auteur présente ainsi, dans le désordre
le plus complet, de magnifiques photos de spécimens de poissons,
de hyènes, de fourmis, d'étoiles de mer ou encore
de feuilles d'arbres, vieux de plusieurs dizaines de millions d'années,
qu'il compare à une photo de leur descendant actuel pour
bien montrer qu'ils se ressemblent. Et que, donc, « les êtres
vivants n'ont pas subi d'évolution, mais furent bien créés
»...
« La méthode peut s'avérer
redoutablement efficace sur un public non averti, s'inquiète
Hervé Le Guyader. Car ces espèces a priori semblables
sont en fait très différentes les unes des autres
tant sur le plan anatomique que génomique. La plupart seraient
incapables de se reproduire entre elles ! »
L'auteur, qui cite abondamment le Coran, conclut
que « la création est un fait », prouve «
l'existence de l'âme » et prophétise «
la fin du matérialisme ». Reste à savoir qui
se cache derrière Harun Yahya et surtout qui a financé
l'édition et la distribution massive - et gratuite - de ce
livre hors de prix ? D'autant qu'il s'agit du premier volume d'une
série de sept ouvrages. Autre mystère : comment la
maison d'édition s'est-elle procuré les noms des destinataires
de l'ouvrage, mentionnés en toutes lettres sur les colis
?
Les chefs d'établissement responsables,
sous surveillance, de leurs bibliothèques
A. SÉ.
Publié le 02 février 2007
Actualisé le 02 février 2007 : 07h19
Si l'envoi du livre de Harun Yayha s'est fait en masse et de manière
nominative, ce n'est pas la première fois que les enseignants
reçoivent des ouvrages à caractère très
contestable. « Il y a quelques années, des lycées
avaient été inondés d'ouvrages de l'Église
de scientologie », se souvient-on au rectorat de Lyon. Autres
exemples, « les oeuvres de Kim Il-sung », s'amuse-t-on
à l'université de Paris XI Orsay. Comment éviter
que de tels ouvrages soient mis à la disposition des élèves
des collèges ? Dans ce cas, ce sont le plus souvent des chefs
d'établissement qui ont alerté les rectorats