M. Chirac s'affiche à gauche pour sa fin de présidence
JACQUES
CHIRAC,PRESIDENT LE PLUS CALAMITEUX DE LA Vème REPUBLIQUE, ENTEND
FINIR SON MANDAT PLUS A GAUCHE
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M. Chirac s'affiche à gauche pour sa fin de présidence
LE MONDE | 06.01.06 | 13h27 • Mis à jour le 06.01.06 |
14h03
Lui
et lui seul. En répondant aux voeux du gouvernement, de la presse,
des forces vives, des corps constitués, des autorités
religieuses, des soldats, des diplomates, des Corréziens et de
tous les autres, bref des Français, pendant la première
quinzaine de l'année, Jacques Chirac se met en scène tel
qu'en lui-même.
Autres
annonces
Social.
Réforme du financement de la protection sociale soumise au Conseil
d'orientation pour l'emploi avant l'été et engagée
d'ici à la fin de l'année. "Sécurisation"
accrue des parcours professionnels en 2006.
PME. 2 milliards d'euros seront investis par l'Etat en 2006 pour les
PME les plus dynamiques.
Numérique.
Basculement sur la télévision numérique d'ici à
2010. Développement de la télévision sur mobiles
en haute définition d'ici à la mi-2007. Réforme
de la loi de 1986 sur l'audiovisuel en septembre.
Énergie.
Projet de loi avant la fin de l'été sur le stockage des
déchets radioactifs. Création en 2006 d'une autorité
indépendante de contrôle de la sécurité nucléaire,
de la radioprotection et de l'information. Fin 2007, les véhicules
publics devront utiliser un tiers de biocarburants. La RATP et la SNCF
ne devront "plus utiliser une goutte de pétrole d'ici vingt
ans".
Tant pis pour sa majorité, si sarkozyste, qu'il prend à
rebrousse-poil, tant pis pour le patronat qu'il hérisse, tant
pis pour la gauche qu'il pille, tant pis pour son premier ministre qui
peut bien, à son tour, s'effacer un peu. Tant pis pour les pessimistes,
les extrémistes, les intolérants. Tant pis pour ceux qui
l'ont cru mort. C'est ce que semble penser ce président en fin
de règne, comme si la certitude de ne pas se représenter
l'avait désormais libéré.
On
dit parfois que, sur le tard, on revient vers sa jeunesse. "Le
Chi", comme certains l'ont surnommé à droite, celui
qui vendait L'Humanité à la bouche des métros,
parachève un long virage vers la gauche. A la famille politique
d'en face, il emprunte ses solutions pour financer le "trou de
la Sécu". A la CGT, il ravit son idée de "sécurisation
des parcours professionnels". A son panthéon personnel,
abolitionniste de toujours, il ajoute une gloire de la gauche, en décidant
de graver dans la Constitution la suppression de la peine de mort, voulue
en 1981 par François Mitterrand.
Féministe,
écologiste, c'est toujours à la gauche qu'il emprunte
: il faut désormais accélérer la mise en place
de la parité, favoriser les carburants propres et faire de la
France un modèle de transparence en matière de nucléaire.
Ce n'est pas une lubie de 2006. Il a voulu la loi sur l'égalité
professionnelle entre les hommes et les femmes bientôt votée
au Parlement. Et en 2005, le président avait fait avaler à
contrecoeur aux députés et aux sénateurs la charte
de l'environnement.
Gageons
que c'est aussi le petit-fils de l'instituteur laïcard, franc-maçon
et républicain qui se manifeste en tentant de restaurer l'égalité
des chances. Ce n'est plus pour pousser les petits jusqu'au certificat
d'études, mais pour ouvrir les voies dites royales, celles des
classes préparatoires, à ceux qui ne savent même
pas qu'elles existent. Ou qui n'osent pas en rêver. Là
encore, un projet de la gauche. C'est sans doute dans cette catégorie
que l'on pourrait ranger l'idée, que M. Chirac devait proposer,
vendredi 6 janvier à Metz, d'ouvrir plus largement les portes
de la fonction publique en rendant les concours moins académiques.
L'an
passé, en proposant une taxe sur les billets d'avions pour financer
le développement, en augmentant le smic, en poussant le microcrédit,
M. Chirac ne prenait pas spécialement des mesures de droite.
Lorsque, devant les drames de l'immigration qui se sont produits à
Ceuta et à Melilla, il s'écrie en privé, le 25
octobre 2005 : "C'est ça ou mourir de faim. Une énorme
vague est en train de se créer, qui sera incontrôlable.
Alors, on va les attendre avec des mitrailleuses ? Naturellement pas
! Il y a des abus manifestes, mais les moyens coercitifs, c'est un cautère
sur une jambe de bois", dit-il en fustigeant le modèle libéral
où "un tout petit nombre concentre les richesses et laisse
à l'extérieur un nombre croissant qui n'a rien".
En
se laissant aller sur sa pente naturelle, il ne s'agit pas seulement
pour M. Chirac de se faire plaisir en pensant faire du bien à
la France. Il s'agit aussi de se démarquer de l'homme qui l'a
le plus durement critiqué depuis le début du quinquennat,
Nicolas Sarkozy. Car "Nicolas est trop à droite pour gagner
la présidentielle"... Une petite phrase qui court de plus
en plus souvent à l'Elysée.
Et
le président est trop à gauche, pense l'UMP. Il n'y a
guère que sur la loi du 23 février 2005, qui reconnaît
le "rôle positif" de la colonisation, que le chef de
l'Etat a calé. Il n'a pas abrogé. Jusqu'au dernier moment,
ses proches ont cru qu'il saisirait le Conseil constitutionnel qui aurait
pu "déclasser" l'article 4, au motif qu'il ne relevait
pas du domaine législatif — en vertu de l'article 37 de
la Constitution. Mais M. Chirac a adopté une solution de la réécriture,
pour ne pas fâcher davantage sa majorité, ni la clientèle
des rapatriés. Faut-il voir là encore un lointain souvenir
du jeune lieutenant qui partit pour l'Algérie française,
un jour du mois de mai 1956 ?
La
présidentielle de mai 2007, Jacques Chirac n'en sera pas. Du
moins comme candidat. Alors, pour ses voeux, moment éminemment
présidentiel, le chef de l'Etat n'a qu'une idée : laisser
sa trace, sa voie propre, comme il l'avait dit au moment de la guerre
d'Irak. En se réservant les annonces, en ne citant pas Dominique
de Villepin, alors qu'il avait mentionné chaleureusement Jean-Pierre
Raffarin les 31 décembre 2002, 2003 et 2004. En se projetant
encore une fois par ses décisions, dans la France de... 2020.
Car il ne se sent vivant que dans l'action.
Béatrice
Gurrey
Article paru dans l'édition du 07.01.06
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