Tanguy Berthemet (avec AFP) .
Publié le 21 septembre 2006
Actualisé le 21 septembre 2006 : 08h05
Les
trois hommes tués ont été présentés
comme les meneurs d'un assaut contre une mosquée en 2000. L'exécution
risque de raviver les tensions entre les communautés.
L'EXÉCUTION
de trois catholiques aux Célèbes pourrait raviver les
vieilles rivalités entre chrétiens et musulmans. La
justice indonésienne, qui a confirmé que les condamnés
devraient être passés par les armes aujourd'hui, ne l'ignore
pas. Jakarta a déployé plus de 4 000 policiers dans
cette île, la quatrième du pays.
L'exécution vient comme une fin tragique à un long feuilleton
qui a opposé la petite minorité chrétienne du
pays (5%), soutenue par une partie des intellectuels et des médias,
aux quelque 210 millions de musulmans. Fabianus Tibo, 60 ans, Dominggus
da Silva, 43 ans, et Marinus Riwu, 54 ans, avaient été
condamnés en 2001 à la peine capitale pour leurs rôles
dans les tueries intercommunautaires de l'année précédente,
qui avaient fait plus d'un millier de morts, toutes confessions confondues.
Les trois hommes avaient été présentés
par les autorités comme les meneurs d'une opération
contre une mosquée de la ville de Poso. Près de 200
personnes, dont des enfants, y avaient été massacrées
à la machette.
Lors des débats, la défense a vivement contesté
cette version. Selon leur avocat, Stefanus Roy Rening, les condamnés,
des paysans pauvres et quasi analphabètes, ne présentent
pas le profil de «cerveaux». Ils ont de plus toujours
nié les faits qui leur sont reprochés. L'organisation
Amnesty International a dit «craindre que ces trois hommes n'aient
pas bénéficié d'un procès équitable».
Ces arguments n'ont pas plus été entendus que les appels
à la clémence lancés par les diplomates et Benoît
XVI. Le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono,
est inflexible. Et plus personne ne semblait croire hier à
une grâce de dernière minute. Pas même les trois
condamnés, qui se sont contentés d'exprimer leurs dernières
volontés.
Les extrémistes musulmans ont fait de la mort des trois malheureux
une question de principe. Des manifestations ont même été
organisées pour hâter leur exécution. Malgré
les accords de paix signés à Sulawesi (l'autre nom des
Célèbes) en 2001, les violences religieuses n'ont pas
cessé, et les meurtres de chrétiens y sont récurrents.
«Certains responsables gouvernementaux estiment que (...) si
vous offrez à la communauté musulmane l'exécution
de ces hommes, alors soudainement le sentiment d'injustice prendra
fin», analyse Sidney Jones, spécialiste de l'islamisme
en Indonésie.