Thierry Oberlé
11 avril 2006, (Rubrique International)
Alger estime que les conditions nécessaires
à la «refondation des relations entre les deux pays»
ne sont pas réunies.
APRÈS
DES MOIS d'atermoiements, le projet de traité d'amitié
franco-algérien vient de subir un nouveau revers. Porte-voix
désigné par Abdelaziz Bouteflika, le ministre des
Affaires étrangères algérien, Mohammed Bedjaoui,
a renvoyé à un futur lointain l'initiative lancée
en février 2003 par le président français.
«Les conditions objectives et subjectives nécessaires
à la signature du traité ne sont pas suffisamment
propices aujourd'hui», a-t-il indiqué. Et d'expliquer
: «Ce traité n'est pas un traité entre deux
présidents mais entre deux peuples. Il faut préparer
l'opinion pour emporter l'adhésion de l'ensemble des acteurs
de nos sociétés.» Ce changement d'optique
prend des allures de renoncement lorsque Mohammed Bedjaoui ajoute
: «Chirac a eu le courage politique vis-à-vis de
son opinion de vouloir tourner la page du passé, mais il
y a des difficultés sur le plan français, et nous
ne voulons pas ajouter aux difficultés.» Assis à
ses côtés, son homologue français encaisse.
Tout au long de son premier séjour à Alger, Philippe
Douste-Blazy a entretenu la flamme pour tenter de remettre sur
les rails un projet mis à mal en France comme en Algérie
par des péripéties de politique intérieure.
Cherchant à rassurer ses interlocuteurs, il a insisté
sur la «volonté de l'opinion publique française
de signer le traité». «Les Français
sont très pour. Ils considèrent qu'il s'agit d'un
plus et ont une volonté profonde d'être liés
à l'Algérie», répétait, inlassable,
le ministre des Affaires étrangères.
A la repentance pour expier les crimes du colonialisme devait
se substituer une qualification moins moralisatrice de la présence
française en terre algérienne sur la base d'une
déclaration commune. Mais l'idée de pacte lancée
lors du voyage du président français en Algérie
en février 2003 bute toujours sur la mémoire de
la colonisation. Les deux pays ont les pires difficultés
à purger le passé, comme l'attestent les divergences
sur la question des harkis. Alger ne veut pas entendre parler
de ces «traîtres», alors que Paris souhaite
qu'ils «puissent se rendre dignement en Algérie».
Et en dépit de l'abrogation par le Conseil constitutionnel
des passages litigieux de l'article 4 sur le caractère
«positif» de la colonisation, Alger garde durablement
ses distances avec Paris.
Le chaud et le froid
En décembre, l'hospitalisation d'Abdelaziz Bouteflika pendant
plusieurs semaines au Val-de-Grâce, à Paris, a servi
à justifier les retards. Mais, depuis, le président
algérien a repris ses activités internationales
: il était au sommet arabe de Khartoum en mars, il a reçu
Vladimir Poutine pour signer un contrat d'armes qui va permettre
à l'Algérie de disposer de la force militaire la
mieux équipée de la région et il diversifie
les partenariats. Son entretien avec Philippe Douste-Blazy a duré
hier deux heures trente, durant lesquelles il a fait souffler
comme à son habitude le chaud et le froid. Il a conditionné
la signature algérienne à des exigences sur la simplification
des procédures de visas octroyés et à l'«approfondissement
du travail de mémoire».
Interrogé sur sa santé sur le perron d'El-Mouradia,
la présidence algérienne, Abdelaziz Bouteflika a
affirmé qu'il se portait «comme un charme».
«Il faut continuer à se parler et se dire ce qu'on
pense les uns des autres», a, de son côté,
assuré Philippe Douste-Blazy dont l'allant contrastait
avec le manque flagrant d'enthousiasme des responsables algériens.