A
Bondy, la laïcité s’arrête devant le cimetière
15/1/2006 - L’Hebdo (Lausanne)
A Bondy, la laïcité
s’arrête devant le cimetière
Les croque-morts
de la ville de Bondy font de moins bonnes affaires depuis qu’une
société de pompes funèbres musulmane a ouvert ses
portes.
Avec 47 000 habitants, Bondy n’est pas une ville gigantesque,
mais on n’y trouve pas moins de cinq sociétés de
pompes funèbres. Sans doute trop, à entendre les plaintes
de plusieurs d’entre elles, qui évoquent une concurrence
de plus en plus rude et un nombre de défunts en diminution. On
vit de plus en plus longtemps, en France, et cela a une influence négative
sur les affaires des croque-morts !
Une des cinq entreprises
de pompes funèbres s’en sort pourtant beaucoup mieux que
les autres. Son truc ? Elle s’est spécialisée dans
la clientèle musulmane. Son patron, M. Mahi, garantit de rapatrier
les défunts “au pays” en suivant les rites funéraires
prescrits par la tradition. “Les affaires vont bien, je ne peux
pas me plaindre”, reconnaît cet Algérien habitant
en France depuis plus de trente ans.
Le succès
doit beaucoup à une rumeur (fondée ou non) selon laquelle
certaines maisons de pompes funèbres de Paris auraient négligé,
à une époque, le rite de la toilette funéraire.
Quoi qu’il en soit, depuis l’ouverture d’Obsèques
France Méditerranée, en 1998, les clients affluent. Les
musulmans, qui représenteraient “30 % à 40 %”
des habitants de Bondy, selon M. Mahi, semblent préférer
s’adresser à un croque-mort confessionnel plutôt
qu’à des sociétés “laïques”.
Même s’il
le dit en termes très polis, cette attitude irrite Gérard
Veclin, le directeur de la société Intermarbres, juste
à côté de l’église de Bondy. “Nous,
nous sommes une entreprise laïque, nous nous occupons de tout le
monde : les athées, les chrétiens, les juifs, les musulmans…”
Chez les concurrents, par contre, on ne s’adresse qu’à
une seule communauté. “Je n’aime pas trop cela. Moi,
je suis profondément républicain.”
Le message de laïcité
ne semble pas passer dans la communauté musulmane. Chez Obsèques
France Méditerranée, on identifie en tout cas sans hésiter
les croque-morts “laïques” comme “des catholiques
ou des athées”. La difficulté à intégrer
la république devant la mort s’étend également
aux cimetières de Bondy. Celui du nord de la ville a ouvert un
carré musulman, mais reste jusqu’à présent
très peu utilisé, malgré la très grande
communauté maghrébine de Bondy. Onze nouvelles tombes
en 2002, dix-huit en 2003, dix-neuf en 2004. Au cimetière de
Bondy-Sud, laïque et sans carré confessionnel, il n’y
a quasiment que des familles françaises de souche.
La raison de cette
absence de la communauté musulmane est simple. “Quatre-vingt-dix
pour cent des défunts se font rapatrier”, explique M. Mahi.
Pourquoi en est-il ainsi ? Un internaute avance une explication : “La
mort et l’inhumation en terre impie sont des malédictions
qui viennent s’ajouter à une existence immigrée
(interdiction théorique pour un musulman de vivre en territoire
du kufr, sauf en cas d’absolue nécessité, qui ne
doit être que temporaire).” Mais M. Mahi balaie l’argument
: “C’est maintenant la première génération
d’immigrés qui décèdent. A partir de la troisième
génération, les gens voudront sans doute se faire enterrer
sur place.” Pour l’instant, le retournement de tendance
ne s’est pas encore manifesté. Mais l’intégration
de la communauté immigrée se lira aussi au cimetière
ces prochaines années.
Source
: L’Hebdo (Lausanne)