Paris, nouveau terrain de jeu pour bandes rivales
lundi 03 septembre 2007


Difficile de passer plus de quelques jours sans entendre parler d'incidents violents aux abords de la gare du Nord. Le dernier événement remonte à dimanche après-midi. Des heurts entre jeunes de bandes rivales ont commencé au Casa 128, rue Lafayette, (10e ardt), une boîte de nuit fréquentée notamment par des jeunes des banlieues nord de Paris, avant de se poursuivre dans la rue. Le bilan est de 18 arrestations, 15 contrôles d'identité et deux blessés légers, d'après le syndicat synergie Officiers. L'audition des personnes interpellées était en cours lundi pour tenter de comprendre quel a été l'élément déclencheur de ces nouveaux affrontements. Mais d'ores et déjà, cette affaire ressemble étrangement à quelques autres.

Depuis la mi-août, c'est en effet la quatrième fois que des bandes rivales s'affrontent ainsi dans le nord de la capitale. Le 13 août, une altercation a opposé deux individus, membres de deux bandes rivales, au Folie's Pigalle. Quelques échauffourées s'en sont suivies à l'extérieur de l'établissement. Dimanche 26 août, une nouvelle bagarre entre bandes, gare du Nord, faisait deux blessés graves à coup de couteaux. Trois jeunes ont depuis été mis en examen pour "tentative d'assassinat" et "violence en réunion". Moins de 24 heures plus tard, dans la nuit du 27 au 28 août, une cinquantaine de jeunes gens armés pour certains de "machettes et de hachoirs" s'opposaient de nouveau aux abords de la place Pigalle.

"Def Mafia" contre "GDN"

D'après les premiers éléments d'enquête, des "connexions" ont pu être faites entre ces trois affaires. Il s'agirait toujours des deux mêmes bandes rivales. D'un côté Def Mafia, "Def" étant l'abréviation du mot Défense, lieu où les membres de la bande ont pour habitude de se regrouper. De l'autre, GDN, comme gare du Nord, lieu où ces autres jeunes se retrouvent régulièrement. L'origine exacte de leurs altercations répétées reste encore floue. Selon Mohamed Douhane, de Synergie Officiers, "un certain Kevin, 18 ans, leader des Def Mafia aurait reproché à un membre du GDN, dont le chef n'a pas encore été identifié avec certitude par les RG, d'avoir essayé de pénétrer sa bande pour recueillir des informations et les balancer aux flics". Depuis, toute rencontre fortuite, une banale histoire de fille ou un différend commercial sur du trafic de drogue suffirait à provoquer des bagarres.

Aujourd'hui, la police "s'inquiète" de la recrudescence de ces affrontements. D'autant que ces jeunes sont "difficiles à pister". "Avant, les bandes se réunissaient surtout sur des critères géographiques, constate Mohamed Douhane. Ils défendaient un territoire. Là, nous avons affaire à des bandes composées de jeunes issus des 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris et de banlieusards issus du 92, 94 et du 95. Ils sont très mobiles et se structurent à partir de rencontres. Ils ne viennent pas des mêmes quartiers mais vivent des mêmes trafics : la drogue, le vol à l'arraché, etc... Ils se regroupent pour être plus forts. Ce sont des voyous au profil similaire : violents et certains de leur impunité".

Combien sont-ils par bande ? "Trente, quarante, cinquante, plus... C'est impossible à dire", répond Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint de Synergie Officiers. Ce sont des nébuleuses qui s'agrègent et se désagrègent au fur et à mesure de leurs affaires criminelles".

Manque criant de coordination policière

Les syndicats de police déplorent aujourd'hui un "manque de coordination et d'échange d'informations" entre la préfecture de police de Paris et les différentes directions de sûreté départementale. Pour traiter correctement le phénomène, ils demandent la mise en place d'un commandement unique sous l'autorité du préfet de police. Sur ce point Michèle Alliot-Marie semble les avoir entendus. La ministre de l'Intérieur, qui s'est rendue lundi midi gare du Nord, a annoncé qu'elle réunirait dès jeudi l'ensemble des préfets des départements d'Ile-de-France et le préfet de police, Michel Gaudin, en vue d'"améliorer la coopération opérationnelle" de la police en IDF.

Autre revendication policière : la mise en place d'outils juridiques adaptés à ce genre de délinquance. "La loi Dati sur la récidive ne nous sert pas à grand-chose en l'état", lâche l'un d'eux, reprenant l'exemple du fameux Kevin : "ce type a 15 casseroles derrière lui : viol, stup', vol, violence... mais aux yeux de la justice, il est toujours considéré comme un primo-délinquant car il n'y a pas de multi-récidive sur les mêmes faits". Dont acte.