Difficile de passer plus de quelques jours sans entendre parler
d'incidents violents aux abords de la gare du Nord. Le dernier
événement remonte à dimanche après-midi.
Des heurts entre jeunes de bandes rivales ont commencé
au Casa 128, rue Lafayette, (10e ardt), une boîte de
nuit fréquentée notamment par des jeunes des
banlieues nord de Paris, avant de se poursuivre dans la rue.
Le bilan est de 18 arrestations, 15 contrôles d'identité
et deux blessés légers, d'après le syndicat
synergie Officiers. L'audition des personnes interpellées
était en cours lundi pour tenter de comprendre quel
a été l'élément déclencheur
de ces nouveaux affrontements. Mais d'ores et déjà,
cette affaire ressemble étrangement à quelques
autres.
Depuis la mi-août, c'est en effet la quatrième
fois que des bandes rivales s'affrontent ainsi dans le nord
de la capitale. Le 13 août, une altercation a opposé
deux individus, membres de deux bandes rivales, au Folie's
Pigalle. Quelques échauffourées s'en sont suivies
à l'extérieur de l'établissement. Dimanche
26 août, une nouvelle bagarre entre bandes, gare du
Nord, faisait deux blessés graves à coup de
couteaux. Trois jeunes ont depuis été mis en
examen pour "tentative d'assassinat" et "violence
en réunion". Moins de 24 heures plus tard, dans
la nuit du 27 au 28 août, une cinquantaine de jeunes
gens armés pour certains de "machettes et de hachoirs"
s'opposaient de nouveau aux abords de la place Pigalle.
"Def Mafia" contre "GDN"
D'après les premiers éléments d'enquête,
des "connexions" ont pu être faites entre
ces trois affaires. Il s'agirait toujours des deux mêmes
bandes rivales. D'un côté Def Mafia, "Def"
étant l'abréviation du mot Défense, lieu
où les membres de la bande ont pour habitude de se
regrouper. De l'autre, GDN, comme gare du Nord, lieu où
ces autres jeunes se retrouvent régulièrement.
L'origine exacte de leurs altercations répétées
reste encore floue. Selon Mohamed Douhane, de Synergie Officiers,
"un certain Kevin, 18 ans, leader des Def Mafia aurait
reproché à un membre du GDN, dont le chef n'a
pas encore été identifié avec certitude
par les RG, d'avoir essayé de pénétrer
sa bande pour recueillir des informations et les balancer
aux flics". Depuis, toute rencontre fortuite, une banale
histoire de fille ou un différend commercial sur du
trafic de drogue suffirait à provoquer des bagarres.
Aujourd'hui, la police "s'inquiète" de la
recrudescence de ces affrontements. D'autant que ces jeunes
sont "difficiles à pister". "Avant,
les bandes se réunissaient surtout sur des critères
géographiques, constate Mohamed Douhane. Ils défendaient
un territoire. Là, nous avons affaire à des
bandes composées de jeunes issus des 10e, 18e, 19e
et 20e arrondissements de Paris et de banlieusards issus du
92, 94 et du 95. Ils sont très mobiles et se structurent
à partir de rencontres. Ils ne viennent pas des mêmes
quartiers mais vivent des mêmes trafics : la drogue,
le vol à l'arraché, etc... Ils se regroupent
pour être plus forts. Ce sont des voyous au profil similaire
: violents et certains de leur impunité".
Combien
sont-ils par bande ? "Trente, quarante, cinquante, plus...
C'est impossible à dire", répond Patrice
Ribeiro, secrétaire général adjoint de
Synergie Officiers. Ce sont des nébuleuses qui s'agrègent
et se désagrègent au fur et à mesure
de leurs affaires criminelles".
Manque criant de coordination policière
Les syndicats de police déplorent aujourd'hui un "manque
de coordination et d'échange d'informations" entre
la préfecture de police de Paris et les différentes
directions de sûreté départementale. Pour
traiter correctement le phénomène, ils demandent
la mise en place d'un commandement unique sous l'autorité
du préfet de police. Sur ce point Michèle Alliot-Marie
semble les avoir entendus. La ministre de l'Intérieur,
qui s'est rendue lundi midi gare du Nord, a annoncé
qu'elle réunirait dès jeudi l'ensemble des préfets
des départements d'Ile-de-France et le préfet
de police, Michel Gaudin, en vue d'"améliorer
la coopération opérationnelle" de la police
en IDF.
Autre revendication policière : la mise en place d'outils
juridiques adaptés à ce genre de délinquance.
"La loi Dati sur la récidive ne nous sert pas
à grand-chose en l'état", lâche l'un
d'eux, reprenant l'exemple du fameux Kevin : "ce type
a 15 casseroles derrière lui : viol, stup', vol, violence...
mais aux yeux de la justice, il est toujours considéré
comme un primo-délinquant car il n'y a pas de multi-récidive
sur les mêmes faits". Dont acte.