02.12.1805 - 02.12.2005

IL Y A 200 ANS .... "LE SOLEIL D'AUSTERLITZ"
mais la "république" chirachienne préfère se répandre sur les banlieues ethniques plutôt que de célébrer l'événement !



La nouvelle bataille d'Austerlitz
Par Jean des Cars
[02 décembre 2005]

Le «devoir de mémoire» serait-il sélectif ? On peut tristement s'interroger quand on constate que la commémoration de la plus connue des victoires de Napoléon, le 2 décembre 1805, est célébrée aujourd'hui avec une pénible discrétion...

Charles-de-Gaulle représentait la France. Et le 21 octobre, nous avons eu droit à une soirée franco-britannique, sous le double haut patronage de la reine Elsabeth II et du président Chirac. L'Entente cordiale n'en a pas été écornée. Or, sauf erreur, pour les Français, Trafalgar reste un cuisant désastre naval. Et Austerlitz une victoire emblématique, celle qui a consolidé le sacre de 1804 et conduit à la dislocation du Saint Empire romain germanique, ce qui n'est pas rien.Le paradoxe est gênant. L'anniversaire de la bataille de Trafalgar, il y a quelques mois, a été entouré de fastes maritimes spectaculaires : au milieu d'une escadre de la Royal Navy, le porte-avions Officiellement, le triomphe d'il y a deux siècles n'a droit qu'à un ersatz. Une misère. On s'excuse, on a honte ! L'autoflagellation et une sournoise repentance ont encore frappé. Il semble, ces temps-ci, que nos dirigeants préfèrent évoquer des défaites plutôt que des victoires. Or, les souvenirs napoléoniens sont présents dans notre République. Deux exemples : chaque semaine, à l'Elysée, le Conseil des ministres se tient dans le salon Murat. Et notre premier ministre a signé une brillante étude sur «Les Cent-Jours» qu'il eut la délicatesse, rare chez les politiques, d'écrire lui-même ! Que l'on aime ou que l'on déteste l'Empereur, sujet de nouvelles polémiques aussi ridicules qu'insensées, le passé n'est pas falsifiable.

L'erreur est de juger les événements d'il y a deux siècles avec les critères et les obsessions d'aujourd'hui. L'histoire ne se fractionne pas. «Les faits sont têtus», disait Lénine. Quel est le programme officiel ? Ce soir, entre 17 h 30 et 20 heures, la place Vendôme vivra à l'heure impériale sous l'ombre portée de sa haute colonne. La projection d'un film sur grand écran sera suivie d'une prise d'armes avec quatre cents saint-cyriens, en présence du ministre de la Défense et de celui des Anciens Combattants. Pourquoi n'a-t-on pas choisi les Invalides, où repose Napoléon, et le Musée de l'armée ? Premier mystère dans cette bataille du souvenir occulté.


Sans l'initiative du Comité Vendôme et de la Saint-Cyrienne, nous n'aurions droit, à Paris, qu'à une marche funèbre, celle qui accompagne le politiquement correct. Une fois de plus.L'endroit, que toute l'Europe connaît, s'appelle aujourd'hui Slavkov et se trouve en République tchèque, à 8 kilomètres de Brno, anciennement Brunn, et à plus de 200 kilomètres de Prague. S'il y a des Français ce soir sur cette immense plaine vallonnée, on le devra à l'initiative du général Kessler, qui a négocié, avec la Saint-Cyrienne et la Sabretache, un avion militaire spécial pour transporter une centaine de personnes dont plusieurs généraux jusqu'au château d'Austerlitz, magnifique édifice baroque où l'Empereur avait installé son quartier général.


Mais l'organisateur discret, même s'il s'en défend avec élégance, de ce rattrapage est Yves Guéna, ancien ministre, ancien président du Conseil constitutionnel, président de l'Institut de monde arabe et de la Fondation Charles-de-Gaulle. Ce gaulliste viscéral, également historien, s'est étonné de la frilosité des autorités françaises. Sans en être l'organisateur direct, il présidera le dîner, servi dans l'ancienne résidence de la famille Kaunitz, dont était issu l'illustre chancelier de l'impératrice Marie-Thérèse. C'est Yves Guéna qui conduit la nouvelle bataille d'Austerlitz, la plus dure, celle contre l'oubli volontaire. Il se dit très honoré de cette mission inattendue. Or, comme ce républicain le rappelle avec malice, «tout ce qui est national est nôtre», selon le mot d'un prince d'Orléans. La preuve que notre histoire ne saurait être saucissonnée pour choisir les prétendus bons morceaux et rejeter les supposés mauvais.


En revanche, on peut se réjouir, l'honneur sera sauf dès ce soir, dans la nuit glacée d'Austerlitz, à l'endroit même où l'Empereur, par une manoeuvre géniale, profita du brouillard pour faire avancer la Grande Armée, numériquement plus faible et moins bien dotée en artillerie que ses adversaires. Cette attitude est d'autant plus choquante que, sur place, la bataille fait l'objet d'un véritable culte et le site reste protégé comme on défend et honore chez nous les cimetières militaires.

Rien n'a changé, ni le tumulus d'où l'empereur des Français commanda les manoeuvres ni celui d'où les souverains austro-russes subirent leurs défaites. Le silence, solennel, qui y règne n'est pas celui du refus mais du respect. Sur le plateau de Pratzen, l'un des trois sites des engagements, à côté d'un remarquable musée, on peut lire, entre autres : «La gloire est le soleil des morts !»


Chaque 2 décembre, des milliers de gens revêtent les uniformes de l'époque. Cette année et pendant plusieurs jours, ils sont des dizaines de milliers. On a peine à croire que la France occulte ces cérémonies grandioses rappelant une date essentielle de l'histoire européenne d'autant que commémorer ne veut pas dire célébrer.

Cerise sur le gâteau, l'Otan envisage la construction d'un radar, ce qui met en émoi les associations historiques mais prouve que cette puissante organisation militaire rend justice à Napoléon. Après le soleil, le radar d'Austerlitz démontre l'intérêt stratégique de l'événement. La presse étrangère évoque largement cette page d'histoire, notamment l'influent quotidien allemand Frankfurter Allegemeine Zeitung, dans son édition du 26 novembre. On y souligne la peur des Français, qui changèrent le nom de Moravie en «mort à vie» !


Aux dernières nouvelles, Mme Alliot-Marie, notre ministre de la Défense, devrait quitter la place Vendôme pour rejoindre Austerlitz dans la nuit. Elle risque d'y arriver tard, pour une cérémonie qualifiée, bizarrement, de «privée». On pourra toujours nous dire que le 2 décembre peut être commémoré le 3. Ce ne sera pas la première fois que nous devrons remettre les pendules à l'heure.

(*) Ecrivain. Dernier ouvrage paru : Le Roman de Vienne (Editions du Rocher)