Asnières : laboratoire du communautarisme pour la «France
d'Après»
Par Ariel Weinberg, juillet 2006
A Asnières, le maire Manuel Aeschlimann, Sarko Boy activiste
revendiquant le statut de "laboratoire du sarkozysme" pour
sa ville, développe des approches étonnantes sur le
thème du communautarisme, outillées par des pratiques
agressives de marketing politique. Il n'est donc pas inutile d'y faire
un tour pour qui voudrait se faire une idée s'il fera bon ou
mal vivre dans la "France d'Après" promise par Nicolas
Sarkozy.
source
: u-m-p.org Examinons le tract, glané sur un site d'opposition
à la majorité municipale UMP d'Asnières, de la
campagne électorale pour les cantonales 2004, dans les quartiers
nord d'Asnières à forte population immigrée ou
d'origine maghrébine :
Titre
: "Algérie, Maroc, Tunisie, et les autres… avec
Patricia Chavinier" : le tract s'adresse à des électeurs
– donc de la nationalité française et majeurs.
Mais il les identifie avant tout par leur appartenance à une
communauté extra-nationale, qu'il entend flatter.
Suit une litanie des actions de la municipalité en faveur de
la "communauté" : "La future rénovation
de la mosquée d'Asnières, la création d'un carré
musulman au cimetière d'Asnières, … c'est à
Manuel Aeschlimann que nous le devons".
Au verso, les témoignages d'allégeance et de reconnaissance
fusent, signés "Amar", "Tarik", "Naima"…
Accompagné d'un tract supplémentaire d'allégeance
de M. Bentebra, président du club de football local et intronisé
en quelque sorte en "chef de la tribu" des électeurs
de la "communauté".
A lui
seul, il résume l'approche communautariste et ses possibles
dérives :
Traitement
différencié du citoyen vu comme une "cible"
marketing : un discours différent est tenu selon l'appartenance
ethnique, religieuse, l'âge, le sexe, etc. Gageons que ce tract
ne fut pas diffusé dans les quartiers cossus d'Asnières,
qui ressemblent plus à Neuilly qu'à Gennevilliers…
La ville d'Asnières consacre d'ailleurs des moyens considérables
à cette communication "ciblée" puisque, comme
le relate Le Monde du 7 mars 2006, article "A Asnières,
"il faut cibler chaque groupe"" :
""Rien de ce qui est groupe organisé sur Asnières
ne m'est étranger", annonce fièrement Manuel Aeschlimann…
Les critères plus classiques de l'âge et du sexe ont
engendré pas moins de cinq publications mensuelles, éditées
par la mairie et "envoyées nominativement" selon
des "listes de diffusion propres à chaque support"
: au généraliste Asnières infos s'ajoute Emploi
du temps, pour les retraités, et Citadine, pour les femmes
; les jeunes reçoivent Passe l'info. Quant aux "petits
Asniérois", ils peuvent lire un éditorial de leur
maire dans Martin malin et Martin junior."
Relation
clientéliste au citoyen : le politique ne vise plus à
créer un espace commun, républicain, laïc, qui
rassemble, au-delà des différences, autour de valeurs
communes, tout en respectant les choix individuels de chacun, mais
de satisfaire chaque groupe selon ses intérêts contradictoires,
avec prime au plus fort. Il n'est plus le lieu du rassemblement, autour
d'idées et de valeurs mais l'arène de la division et
du morcellement, avec pour seul point de rassemblement le chef autocrate
qui tient pour vassaux les chefs des communautés qui lui auront
fait allégeance et qu'il récompense en retour. C'est
ainsi que Manuel Aeschlimann théorise, au sein de l'UMP, la
manière de "récupérer" l'électorat
d'extrême-droite tout en "draguant" les communautés
antillaises et maghrébines, par exemple dans Le Figaro du 7
juillet 2005, "Manuel Aeschlimann : L'homme qui renseigne le
président de l'UMP" :
"Dans deux notes successives, il analyse la «volatilité»
de l'électorat du FN et démontre - chiffres à
l'appui - que «la moitié de l'électorat de Jean-Marie
Le Pen est susceptible de voter pour Nicolas Sarkozy en 2007».
«Petit à petit, le vote idéologique est remplacé
par le vote sur enjeux, estime Manuel Aeschlimann. Et cela touche
de plein fouet le FN, renchérit-il. On peut prendre des voix
à la droite dure.» Dans le même esprit, l'élu
local expérimente chez lui, à Asnières, ses propres
méthodes. En 2002, il lance un conseil des communautés
qui permet, dit-il, d'identifier les problèmes de chaque communauté
et d'y répondre. «En trois ans, on a vu les courbes électorales
s'infléchir. Les trois quarts de l'électorat antillais
et les deux tiers des électeurs d'origine maghrébine
votent maintenant pour l'UMP», assure-t-il, validant ainsi la
vision «communautariste» défendue par le président
de l'UMP. Dans une de ses notes, Manuel Aeschlimann écrit «qu'un
vote sur enjeux induit inévitablement une stratégie
électorale adaptée qui passe par des argumentaires ciblés»."
Ces approches
de la politique, fondées sur une "proximité"
et un "pragmatisme" auto-proclamés, au risque de
la contradiction et de la dissolution de la communauté de valeurs,
sont prises en défaut, par exemple, sur les points suivants
:
L'utilisation
détournée des fichiers électoraux : Manuel Aeschlimann
le déclare sans détour au Figaro (cf. article ci-dessus)
: "Sans état d'âme, il suggère carrément
que l'UMP «récupère» les listes électorales
afin de cibler les problèmes des électeurs". On
imagine sans peine quelques agents municipaux de la ville d'Asnières,
passant en revue les listes municipales afin d'y dénicher "Amar",
"Tarik" et "Naima", supposés musulmans,
en prévision d'une lettre "ciblée" annonçant
le démarrage des travaux de la future mosquée en présence
du Maire…
Les brimades
des associations qui ne font pas allégeance : Le site www.asnierois.org
rapporte, le 26 mars 2005 ("A Asnières j'ai retrouvé
l'oeil de Moscou"), que les présidents des associations
d'Asnières qui reçoivent une subvention de la ville
auraient été "invités", lors d'un entretien
en tête-à-tête avec l'adjoint délégué
aux associations à livrer à la mairie les noms de leurs
adhérents : quelle est la finalité de ce procédé
illégal ? Probablement, compléter la cartographie de
l'électorat asniérois en vue d'affiner la "stratégie
marketing" de la Mairie ? Dans le même registre, L'Humanité
du 8 novembre 2003, article "Asnières Les méthodes
musclées du député maire UMP - Totalitarisme
municipal" rapporte :
"AC !, le MRAP, le Planning familial, la JOC, la Ligue des droits
de l'homme, Asnières quartier libre, Cité d'idées...
de nombreuses associations qui travaillent dans les quartiers populaires
du nord de la commune sont mises au ban : suppression de toute subvention,
exclusion du forum annuel des associations, non accès aux salles
municipales. La Conférence Saint-Vincent-de-Paul, association
caritative locale liée à la paroisse, n'est guère
mieux traitée…".
Le soutien
au développement de lieux de cultes : Dans la rubrique "Mosquée"
du site d'opposition www.asnierois.org, le feuilleton de l'aide de
la Mairie à l'association al-Hidayah al-Islamya pour la construction
d'une mosquée est relaté : l'opposition reproche à
Manuel Aeschlimann :
1) de n'avoir communiqué sur le sujet que vis-à-vis
des Asniérois d'origine musulmane au lieu d'une concertation
avec tous (cf. le tract analysé en introduction)
2) d'avoir laissé outrepasser les règles d'urbanisme
pour la construction de la mosquée en question (modification
du POS)
3) d'aider financièrement cette association afin de contribuer,
de manière détournée (car interdite par la loi
de 1905 sur la laïcité), à la construction/agrandissement
de la mosquée
4) et surtout, de la position ambiguë de l'association concernée
: elle a financé en effet la publication à des milliers
d'exemplaires d'une traduction française de l'ouvrage de Sayeb
Qutb, "A l'ombre du Coran" - inspirateur des mouvements
salafistes les plus radicaux et prônant des moyens de lutte
tels que : terreur, martyre et propagande, pour une purification de
l'islam... Dans un registre très différent, les conditions
suspectes voire subreptices d'attribution d'un permis de construire
pour une salle du royaume à destination de la communauté
des témoins de Jehovah d'Asnières (cf. article "les
trois miracles des témoins de Jehovah d'Asnières")
sont rapportées : aucune communication aux habitants ou aux
élus sur le sujet (sujet découvert, par hasard, un an
après le dépôt du permis, par un élu d'opposition),
apparente illégalité de certaines dispositions du permis,
...
Enfin,
on ne peut clore cette visite du communautarisme de la "France
d'Après" sans s'attarder sur les relations privilégiées
qui semblent lier la mairie d'Asnières à la République
Islamique d'Iran - dans la lignée des relations obscures qui
semblent avoir existé de tout temps entre la droite dure française
et les dictatures moyen-orientales (charles pasqua ou jean-marie le
pen et l'Irak, par exemple). Le site Iran-resist avait déjà
écrit sur le "lobbying pro-mollah à la mairie d'Asnières"
en retraçant le parcours du directeur de cabinet d'origine
iranienne de Manuel Aeschlimann, et l'organisation d'une manifestation
à l'Hotel-de-Ville d'Asnières, en janvier 2005, lors
de laquelle Manuel Aeschlimann remit la médaille d'or de la
ville à l'ambassadeur de la république islamique d'Iran.
Francis
Ramine Pourbagher, ancien président de la chambre de commerce
France-Iran, est le directeur de cabinet et attaché parlementaire
de Manuel Aeschlimann, lui-même membre du groupe d'amitié
France-Iran à l'Assemblée Nationale. Jusque-là
tout va bien. L'affaire n'aurait pas fait grand bruit si Francis Pourbagher
n'avait pas - en pleine crise sur le nucléaire iranien sur
fond de discours révisionniste et antisémite du président
Ahmadinejad - manifesté son allégeance au régime
iranien à la télévision publique iranienne en
août 2005. Le fait que son frère soutienne officiellement
la politique nucléaire du Président Ahmadinejad (cf.
article paru fin 2005 dans la presse iranienne, tendance intégriste,
"les français mettent à l'écart un directeur
pour délit de soutien à Ahmadinejad") et que sa
mère, résidant en Iran, écrive un article dans
laquelle elle explique attendre "l'Holocauste de l'Occident"
(cf. article paru fin 2005 dans la presse iranienne, tendance intégriste,
"le sens de la démocratie occidentale, c'est l'holocauste")
ajoutent certainement quelques piments au profil peu modéré
de ce collaborateur. L'ironie de l'affaire, c'est que le député
Aeschlimann a déclaré récemment sur France 3
(domaine public du 4 février) :
"J'ai
[Manuel Aeschlimann] été le premier à les condamner
publiquement [les mollahs au pouvoir en Iran] ... C'est une espèce
de polémique lancée par une opposition en mal d'idée,
qui considère que mon directeur de cabinet [Francis Pourbagher],
sur le principe qu'il est iranien, est nécessairement en phase
avec le système, ce qui n'est pas le cas puisque lui et sa
famille se sont sauvés justement de l'Iran quand les mollahs
sont arrivés".
Lundi 21 Août 2006