L'afflux
d'immigrés force l'Europe à revoir sa relation à
l'Afrique
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Infographie
Les routes africaines de l'immigration clandestine
LE MONDE | 24.08.04 | 13h45 • Mis à jour le 24.08.04 | 14h45
LE MONDE | 07.10.05 | 13h22 • Mis à jour le 07.10.05 |
13h55
BRUXELLES de notre bureau européen
L'afflux
croissant de candidats à l'immigration aux frontières
méditerranéennes de trois pays de l'Union européenne
– l'Espagne, l'Italie et Malte – oblige les
Vingt-Cinq à réexaminer leur politique sur l'immigration.
Les nombreux
naufrages d'immigrés clandestins qui essaient de gagner la Sicile
ont conduit l'Italie à se tourner vers la Libye, principal pays
de transit vers l'Europe dans cette partie de la Méditerranée,
pour tenter de freiner le mouvement migratoire. Les graves incidents
survenus au Maroc au seuil des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla,
qui, jeudi 6 octobre, ont fait six morts, appellent également
une collaboration accrue entre Madrid et Rabat. Mais au-delà
des nécessaires accords bilatéraux entre les Etats européens
et les pays voisins par lesquels transitent les migrants, issus le plus
souvent de l'Afrique subsaharienne, l'Union est appelée à
l'aide pour harmoniser les législations et coordonner les actions.
Le ministre espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel
Moratinos, a ainsi invité l'Europe à se mobiliser pour
faire face à la crise. "Il est urgent, a-t-il déclaré
à Strasbourg, devant l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe, que l'Union européenne joue un rôle de premier
plan dans ce domaine tant en ce qui concerne les politiques de migrations
que pour l'élaboration d'un ambitieux plan de coopération
avec l'Afrique". Selon M. Moratinos, "il s'agit d'une priorité
pour l'Europe, et pas seulement pour l'Espagne" . Le ministre demande
aux Vingt-Cinq de "gérer ensemble ce phénomène
qui risque sinon de nous dépasser et nous entraîner dans
des effets dévastateurs".
Le commissaire
européen à la liberté, la justice et la sécurité,
Franco Frattini, a répondu positivement à la demande du
gouvernement espagnol en annonçant notamment qu'une mission technique,
issue de la nouvelle agence européenne de gestion de la coopération
opérationnelle aux frontières extérieures, en cours
d'installation, allait se rendre sur place. Il a également indiqué
qu'une aide de 40 millions d'euros serait débloquée pour
aider le Maroc à contrôler ses frontières et qu'un
accord de réadmission des immigrants clandestins, en négociation
depuis un an et demi, pourrait être conclu avant la fin de l'année
avec Rabat. "L'Europe est prête à s'engager rapidement
sur le terrain , a-t-il déclaré, mais elle exige aussi
du Maroc un engagement fort et clair à lutter contre l'immigration
clandestine."
Dans un
entretien au quotidien italien La Stampa, M. Frattini, qui lorsqu'il
était ministre des affaires étrangères de M. Berlusconi
a dû faire face, à ce titre, aux pressions migratoires,
affirme que "personne en Europe ne peut se sentir protégé
à l'intérieur d'une forteresse parce que la forteresse
s'est écroulée". Les images de Ceuta et Melilla,
ajoute-t-il, montrent que "la force du désespoir est vraiment
grande" et que "l'Europe ne peut plus penser s'y opposer par
des fils de fer barbelés" .
Invité
à commenter des propos du ministre italien de l'intérieur,
Giuseppe Pisanu, qui s'est plaint, dans une lettre au même quotidien,
de la "somnolence" de l'Europe sur cette question, le commissaire
européen lui donne raison en jugeant que certains pays d'Europe,
parce qu'ils sont "géographiquement éloignés"
des lieux où se rencontrent le désespoir et le trafic
d'êtres humains, manifestent peu d'empressement à affronter
ce problème. Il souhaite que les Vingt-Cinq donnent à
la Commission "des pouvoirs effectifs de coordination". Il
se dit également d'accord avec l'idée lancée par
M. Pisanu d'un "plan Marshall" pour aider l'Afrique subsaharienne.
"UN PACTE EURO-AFRICAIN"
La Commission, qui adoptera mercredi 12 octobre, à l'initiative
du commissaire au développement, Louis Michel, une communication
définissant "une stratégie pour l'Afrique" et
proposant "un pacte euro-africain pour accélérer
le développement de l'Afrique" , considère qu'au-delà
de la lutte contre l'immigration illégale, du contrôle
des frontières et du rapatriement des clandestins le principal
moyen de freiner les flux migratoires est de mener une politique de
développement plus ambitieuse dans les pays d'où proviennent
les immigrés. L'UE a notamment engagé, en juin 2005, un
dialogue avec la Libye sur ces questions.
En se prononçant,
à cette occasion, pour "une approche globale et intégrée
de l'immigration dans la région méditerranéenne"
, les ministres de l'intérieur des Vingt-Cinq ont souligné
la nécessité d'"intensifier la coopération
avec les pays situés aux frontières méridionales
de l'Union européenne, de même qu'avec un certain nombre
de pays d'origine et de transit importants du continent africain"
. Il s'agit, expliquaient-ils, de "renforcer la capacité
de ces pays" pour leur permettre de "mieux gérer l'immigration"
et d'"offrir une protection aux réfugiés". Dans
le cas de la Libye, la "portée" et l'"évolution"
d'une telle coopération devait dépendre des engagements
de Tripoli en matière d'asile et de droits fondamentaux.
Thomas
Ferenczi
Article paru dans l'édition du 08.10.05