ANNABIS
A 18 ans, un lycéen sur cinq est fumeur régulier de cannabis

[Le Figaro : 14 avril 2004]

Selon les résultats d'une étude de l'Inserm et de l'Observatoire français des drogues (OFDT), à l'âge de 18 ans la consommation régulière (au moins dix fois par mois) concerne désormais 21% des garçons et 7% des filles. La proportion de lycéens de 16 et 17 ans ayant fumé du cannabis plus de dix fois dans l'année a, quant à elle, triplé en dix ans, passant de 7% en 1993 à 21% en 2003. Chez les filles, la proportion est passée de 4% en 1993 à 11% en 1999 et 2003.


[Le Parisien : 14.04.2004]
Florence Deguen et Marc Payet

Drogues.

De plus en plus de jeunes fument des joints
Une enquête rendue publique ce matin l'atteste : le nombre de jeunes, collégiens et lycéens, qui essayent ou fument régulièrement du cannabis, continue d'augmenter. Cette drogue, pas si douce, est en train de s'imposer chez les ados.

Les pétards seraient-ils plus « tendance » que les bonnes vieilles cigarettes ? Les résultats de l'enquête Espad menée auprès de 16 000 collégiens et lycéens âgés de 12 à 18 ans dans 400 établissements*, montrent une très forte progression de la consommation du cannabis en France. Le nombre d'ados de 16-17 ans qui avouent avoir fumé au moins une fois un « pétard » a plus que doublé en dix ans. En 2003, près d'un garçon sur deux et 41 % des filles de cette tranche d'âge y ont déjà « goûté ».
La « première bouffée » n'est pas la seule à devenir chose courante. Ils sont aussi trois fois plus nombreux à fumer régulièrement : un garçon sur trois en 2003 et une fille sur dix s'offrent plus de dix joints dans l'année. Enfin, le nombre d'ados devenus « accros » est loin d'être négligeable. A l'âge de 16 ans, un garçon sur dix et une fille sur vingt fument plus de dix pétards par mois. La principale surprise des médecins est de constater que cette addiction, qui avait déjà fortement augmenté de 1993 à 1999, continue toujours de progresser alors qu'ils pensaient qu'un seuil était atteint. C'est historique ! Le shit, chez les ados, se situe désormais au même niveau que l'alcool, dont la consommation reste stable. La drogue de Bob Marley, qu'on croyait définitivement associée aux années 1970 et aux hippies, est donc en train de s'imposer chez les ados. « Cette drogue est de nouveau à la mode », constate François Beck, l'un des auteurs de l'étude pour le compte de l'OFDT. (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).

Les risques pour la santé ne sont pas nuls
Autant les drogues dures n'attirent pas cette génération, autant elle estime, à tort, que le cannabis n'est pas « vraiment dangereux » pour leur santé. D'ailleurs, répondent-ils tous la main sur le coeur, « le shit, c'est pas vraiment illégal, on ne fait rien de mal ». La loi, pourtant, est hyperrépressive : l'usage de cannabis est passible de prison. Mais qui va en prison pour un pétard ? Personne. « On a la législation la plus dure en Europe et pourtant, on est le pays où l'on fume le plus », ajoute François Beck. Autrement dit même l'Espagne et le Pays-Bas, réputés eldorados des fumeurs, ont su mieux éviter la progression du phénomène. Alors que faut-il faire ? Dépénaliser ? Les sénateurs, missionnés par Jean-Pierre Raffarin, sont absolument contre. Ouvrir des « cannabistrots » comme le proposent les 2 000 militants pro-chanvre du Circ, le Centre international de recherche cannabique ? Cette réponse paraît peu réaliste. « Sous la gauche comme sous la droite, les gouvernements ont sous-estimé la consommation du cannabis, ils ont préféré y voir un phénomène marginal. Maintenant, il faut parler vrai » affirme Marie Choquet, une des meilleures spécialistes de la question à l'Inserm. Les risques pour la santé ne sont pourtant pas nuls. Accidents de scooters, démobilisation scolaire, repli sur soi... Les médecins découvrent maintenant la réalité des dégâts chez les gamins fragiles devenus dépendants. « Une prévention ciblée s'impose, comme pour le tabac », estime Anne Coppel, sociologue et auteur de « Peut-on civiliser les drogues ? » (éditions La Découverte). « On aurait dû diffuser depuis longtemps un spot télé qui montre un gamin en train de dormir sur sa copie de bac... avec une voix off implacable : Tu t'es vu quand t'as fumé ? »

* Enquête menée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies et l'Inserm de 1993 à aujourd'hui.

Florence Deguen et Marc Payet
Le Parisien , mercredi 14 avril 2004


*****************************************

«A moins d'être un gros trafiquant, on ne craint rien»
Patrick, collégien

«Le shit, il faudrait vraiment être sourd pour ne pas en avoir entendu parler. Je connais des élèves qui fument des joints, surtout les grands de troisième. Mais moi, même si on m'en a proposé, je n'ai jamais essayé.
Pourtant, si j'en voulais, ce serait très simple d'en trouver. » Julien, élève en quatrième d'un collège du centre de Marseille, est à l'image de sa génération, très au fait de la consommation de cannabis.

« J'ai fumé avec mon grand frère »
« Les joints, bien sûr que j'en ai déjà vu même dans le collège, poursuit son copain Nabil. Mais la plupart du temps, c'est en dehors, en ville le week-end. J'ai essayé une fois, mais ça ne m'a pas plu. Et puis surtout, si mes parents le savent, ils me tuent. » Les tabous autour du haschisch semblent avoir sauté depuis belle lurette dans cet établissement marseillais. Les collégiens ne sont pas étonnés qu'on les interroge à ce sujet et se livrent assez librement, une fois la première méfiance passée. « J'ai fumé avec mon grand frère qui est au lycée, reprend Fabienne, élève de troisième. Pour lui, c'est devenu une habitude avec ses copains, surtout le week-end. Autour de lui, tout le monde fume. Il m'a fait essayer, mais il m'a prévenue que j'étais encore trop petite. Pourtant, pour lui, ça fait partie de sa vie quotidienne. » « Je n'ai jamais vu de dealers devant le collège, mais tout le monde sait où en trouver, avoue Guillaume. Le samedi, si je veux fumer, je descends dans un parking souterrain du centre-ville. Il y a toujours deux ou trois copains et on y passe tout l'après-midi. Moi, j'aime bien fumer de temps en temps. Le seul problème, c'est de cacher ses yeux rouges le soir en rentrant à la maison. » Totalement décomplexés face à la consommation de cannabis, ces jeunes minimisent les risques qu'ils prennent pour leur santé. « Fumer des cigarettes n'est pas bon non plus, explique Guillaume. Moi, je ne fume que des joints. » La peur du gendarme ne semble pas non plus fonctionner. « Mon cousin a été arrêté avec une barrette, les policiers la lui ont confisquée et ne l'ont même pas amené au commissariat, confie Patrick, élève du lycée voisin. A moins d'être un gros trafiquant, on ne craint pas grand-chose. »